Une lente prise de con­science sem­ble s’opér­er enfin, con­cer­nant les effets que le coup d’é­tat civ­il pour­suivi par Erdoğan en Turquie, peut avoir en Europe.

Directe­ment touchée par l’am­pleur des purges, des arresta­tions, de la décap­i­ta­tion poli­tique du groupe par­lemen­taire d’op­po­si­tion démoc­ra­tique, la dias­po­ra européenne man­i­feste depuis des mois. Les médias ici com­men­cent égale­ment à faire remon­ter en pre­mière page les ten­ta­tives de descrip­tion de la sit­u­a­tion poli­tique en Turquie.

Bien évidem­ment, la tonal­ité générale tourne tou­jours autour du thème de la “belle démoc­ra­tie laïque qui fout le camp… des valeurs du kémal­isme trahies… du fos­sé qui se creuserait entre l’Eu­rope et la Turquie”.

Sur ce dernier point, nous ne pou­vons que faire remar­quer que “physique­ment”, le fos­sé a été con­stru­it avec quelques mil­liards d’eu­ros et un accord sur les “réfugiés”. Sa “valeur”, fixée par la com­mu­nauté européenne lors des trans­ac­tions depuis presque un an, ne fig­u­rait pas vrai­ment au cat­a­logue des “valeurs européennes” recensées.

Un sou­tien poli­tique à la Turquie, par silence ou omis­sion sur les crimes que ses forces de répres­sion per­pétuent s’est instal­lé durablement.

Il ne s’ag­it nulle­ment d’une “perte de valeurs”, mais bien d’un aligne­ment des gou­verne­ments et politi­ciens sur leurs dites “opin­ions publiques” sur­chauf­fées par les replis nation­al­istes à géométrie vari­able, voire une xéno­pho­bie claire­ment affichée par des pro­tag­o­nistes, pré­ten­dants “pop­ulistes” au pou­voir, dans dif­férents proces­sus élec­toraux en cours ou à venir.

Ce n’est donc pas la Turquie d’Er­doğan qui déteint sur la “belle Europe”, mais des sec­ouss­es qui des deux côtés con­tribuent à chas­s­er l’hu­main der­rière la “Nation”, le repli “sou­verain”.

La “patrie” est men­acée par le réfugié, le migrant, le religieux dou­teux, l’o­rig­ine non con­trôlée, le voyageur, l’autre… le “ter­ror­iste”.
Savez-vous que nous ne sommes pas loin d’un dis­cours clas­sique de respon­s­able gou­verne­men­tal en Turquie ? On pour­rait en traduire des tas, qui repren­nent ce con­te nation­al­iste pour gal­vanis­er les foules.

Evidem­ment, main­tenant, dif­fi­cile de savoir qui de la poule et de l’oeuf, entre les pays européens et la Turquie a fait éclore cette promesse de barbarie.

Dans ces con­di­tions, par­ler de la folie méga­lo-mani­aque d’un homme, de l’Is­lam poli­tique, devient plus sim­ple que de se pencher sur les régimes poli­tiques, les Etats-nation, qui leur ont don­né le pou­voir. Ce fut le cas pour l’en­ne­mi “Bachar”, ami d’hi­er, et tant d’autres qui furent et sont tou­jours allè­gre­ment soutenus (armés) au Proche et Moyen-Orient.

Les belles valeurs marchan­des européennes ont donc con­quis les “têtes de gon­do­le”, et relégué celle des droits humains en bas de ray­on. Com­ment donc dans ces con­di­tions s’of­fus­quer d’une inac­tion appliquée face aux crimes en série, aux arresta­tions, aux purges, au défer­lement de haine qui polarisent une société entière, et désig­nent ses ” boucs émissaires”.

Certes, les Etats européens n’en sont pas encore là, mais les fon­da­tions exis­tent, les béton­neuses de la pen­sée s’ac­tivent, et les résis­tances s’a­menuisent… lais­sant libre cours à toutes les pos­si­bles défaites de la pen­sée, comme de celles déjà grandes des luttes sociales.

Mais y aurait-il donc soudain une “embel­lie”, venue de milieux intel­lectuels, jeunes, d’u­ni­ver­si­taires ou d’écrivains non com­pagnons de route de tel ou tel dra­peau, qui se ferait jour autour de l’ap­pel d’Aslı Erdoğan ?

« La sit­u­a­tion est très grave, ter­ri­fi­ante et extrême­ment inquié­tante. Je suis con­va­in­cue que l’existence d’un régime total­i­taire en Turquie, sec­ouerait inévitable­ment, d’une façon ou d’une autre, aus­si l’Europe entière. L’Europe est actuelle­ment focal­isée sur la “crise de réfugiés” et sem­ble ne pas se ren­dre compte des dan­gers de la dis­pari­tion de la démoc­ra­tie en Turquie. Actuelle­ment, nous, ‑auteurEs, jour­nal­istes, Kur­des, AléviEs, et bien sûr les femmes- payons le prix lourd de la “crise de démoc­ra­tie”. L’Europe doit pren­dre ses respon­s­abil­ités, en revenant vers les valeurs qu’elle avait définies, après des siè­cles de sang ver­sé, et qui font que “l’Europe est l’Europe” : La démoc­ra­tie, les droits humains, la lib­erté d’opinion et d’expression… »

Avant que les ter­ri­fi­antes vagues élec­toral­istes n’en­vahissent toutes les préoc­cu­pa­tions et ne puis­sent ren­voy­er les “intel­lectuels” à leurs devoirs “citoyens”, avant que la folie des sap­ins illu­minés n’occupent les rues, con­stater qu’un appel aus­si sim­ple, aus­si direct, lancé du fond d’une prison trou­ve encore écho ici est plutôt réconfortant.

La per­son­nal­ité d’Aslı Erdoğan y est certes pour beau­coup, son com­bat poli­tique exem­plaire et son sens du col­lec­tif impres­sion­nent également.
Son appel, qui en rejoint beau­coup d’autres, con­tre les fer­me­tures de médias, les arresta­tions, les purges d’u­ni­ver­si­taires, la sit­u­a­tion dra­ma­tique des pop­u­la­tions du Bakur, mobilise autant que ses mots irra­di­ent pour qui lit ses écrits et ses livres.

Alors, qu’elle sus­cite un “sur­saut”, et comble d’ironie, ici en Europe, n’est pas sim­ple goutte d’eau sur l’ardoise.

Oui, mais et toutEs les autres ?

Obtenir la libéra­tion d’Aslı Erdoğan serait une vic­toire à même de con­va­in­cre que face à la bar­barie qui monte, il est pos­si­ble de fédér­er ceux qui refusent son côté inéluctable, et peut être d’a­vancer dans cette voie.

Ce serait aus­si ouvrir (peut être), une réflex­ion sur une tâche à long terme, une résis­tance et une rébel­lion, à la fois ici et au Moyen-Ori­ent. Ooh, bien mod­este, bien petite, mais qu’est-ce que le petit à côté du néant ?

Peut être est-ce l’oc­ca­sion de con­stater que, dans les dif­férents pays européens, face aux pop­ulismes iden­ti­taires, il n’est guère d’autres propo­si­tions que celles “d’al­ter­na­tives à gauche”, repeintes de frais à chaque élec­tion, ou de “bar­rages à droite et au cen­tre”, pour la pour­suite libérale des “affaires”.

Cess­er enfin d’être tétanisé face à une démoc­ra­ture là-bas, en Turquie, peut faire qu’on regarde la nôtre autrement, et qu’on y cherche les portes de sor­tie, bien au delà des “ser­vants” de la République qui nous pro­posent leur menu sur le pas de la porte, comme à Istanbul.

Bref, en deux mots, se mobilis­er pour la libéra­tion des pris­on­niers poli­tiques en Turquie peut “sec­ouer” autrement les Pays européens.

Nous tous, sous per­fu­sions nation­al­istes en tous gen­res, face à cet échec com­mu­nau­taire pro­gram­mé par les oli­garchies européennes, devons enfin com­pren­dre que voilà un aboutisse­ment vieux d’un siè­cle, islam poli­tique en bonus,  qui s’of­fre à nos yeux. Et c’est un por­trait de femme, et quelques mots qui nous appelle à le comprendre.

Les cloi­son­nements poli­tiques, com­mu­nau­taires, asso­ci­at­ifs, idéologiques, con­tribuent à un éparpille­ment de toutes ces pris­es de con­science, et à la fac­ulté, sinon la facil­ité, pour les politi­ciens, au pou­voir ou non, de jus­ti­fi­er l’i­n­ac­tion ou dis­tiller la soumis­sion au “réal­isme”. Il serait aus­si temps de trou­ver la table autour de laque­lle s’asseoir pour en parler…

Nous seri­ons presque ten­tés de penser que si ces “politi­ciens” sont occupés à pré­par­er leurs dis­cours, pourquoi ne pas en prof­iter, puisqu’ils ont le dos tourné, pour ten­ter de con­stru­ire une con­fédéra­tion des con­sciences autour du thème “l’Eu­rope com­mence par ne pas oubli­er Istan­bul, Ankara et Diyarbakır”, même si là, on ne par­le pas de la belle UE qui existe.

Et si dans cette utopie, au hasard d’une “lec­ture”, vous décou­vrez qu’il existe un pays en guerre, au nord de la Syrie, qui réflé­chit et agit, mal­gré les com­bats, la guerre, les exodes, sur le com­ment con­stru­ire autrement le monde… arrêtez vous un instant. C’est le Roja­va. Et c’est un possible !

Appel à la Mobil­i­sa­tion en sou­tien à Aslı Erdoğan
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Aslı Erdoğan : « Appel d’urgence ! » « Acil çağrı! »


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Daniel Fleury
REDACTION | Auteur
Let­tres mod­ernes à l’Université de Tours. Gros mots poli­tiques… Coups d’oeil politiques…