La réforme con­sti­tu­tion­nelle pro­posée en Turquie par le par­ti AKP afin d’é­ten­dre les pou­voirs du prési­dent per­me­t­trait à Recep Tayyip Erdoğan d’être élu prési­dent jusqu’en 2029, selon des respon­s­ables ultra-nation­al­istes qui ont con­sulté le pro­jet de loi” annonce l’a­gence Reuters.

Le pré­texte don­né est celui des crises poli­tiques qui ne per­me­t­traient pas, du fait des jeux d’al­liances de par­tis, de gou­vern­er le pays de façon durable et sta­ble. Les “fuites” volon­taires vers les agences de presse sont faites pour que s’en­tame le bal­let des ronds de jambes d’a­vant con­nivences habituelles.

Le par­ti d’op­po­si­tion CHP (kémal­iste) a déclaré que cette révi­sion de la Con­sti­tu­tion ne visait “qu’à sat­is­faire les ambi­tions d’Er­doğan” et risquait “d’ac­célér­er la dérive autori­taire”. Encore une prise de posi­tion “forte”

L’AKP, au pou­voir depuis 2002, entend de fait, organ­is­er un référen­dum sur cette réforme con­sti­tu­tion­nelle, comme en 2010, mais a besoin du sou­tien des ultra-nation­al­istes du MHP pour que la tenue d’une telle con­sul­ta­tion soit approu­vée par le Par­lement, si le CHP s’y oppose. Rap­pelons que les députés du HDP, dont le groupe a été amputé de nom­breux mem­bres jetés en prison, a récem­ment décidé de boy­cotter les sessions.

Selon le pro­jet présen­té au par­ti ultra-nation­al­iste mar­di, (tou­jours selon l’a­gence Reuters), Erdoğan béné­ficierait de nou­velles prérog­a­tives immé­di­ate­ment après le référen­dum en tant que prési­dent en exer­ci­ce. Actuelle­ment, il peut se présen­ter à la prési­den­tielle de 2019 et s’il est élu, se main­tenir jusqu’en 2024, terme de son sec­ond et dernier man­dat de cinq ans. En cas de vote de la réforme, le man­dat actuel d’Er­do­gan ne serait pas compt­abil­isé. Il pour­rait donc être can­di­dat en 2019 puis à nou­veau en 2024 et en cas de vic­toire se main­tenir au pou­voir jusqu’en 2029.

Un autre volet de la réforme donne au nou­veau prési­dent la pos­si­bil­ité de gou­vern­er par décrets sur toutes les ques­tions rel­e­vant de l’exé­cu­tif, sans avoir à con­sul­ter le Par­lement. Il y aurait deux vice-prési­dents. Il nom­merait directe­ment les chefs d’é­tat-major des armées, ceux des ser­vices de ren­seigne­ments, les recteurs d’u­ni­ver­sité, cer­tains hauts fonc­tion­naires et les mem­bres de cer­taines juri­dic­tions supérieures.

En apparence, ce pro­jet s’in­spir­erait de l’actuelle “prési­den­tial­i­sa­tion” de la Ve république en France, avec quelques variantes.

C’est ce que ne man­quera pas sans doute de faire savoir Erdoğan, pour faire taire les éventuelles “inquié­tudes” de l’U­nion Européenne.

Et lorsqu’au détour d’un dis­cours, le futur prési­dent à vie s’adresse à des politi­ciens européens dans ces ter­mes : “Non, mais, regardez-moi ce malpoli !” “qui es-tu ? Rien que le prési­dent d’un par­lement là-bas. Qu’es-tu ? Depuis quand as-tu l’au­torité pour décider au nom de la Turquie?”, on se dit que les “vives inquié­tudes” européennes soule­vant à peine la pous­sière du pupitre, Erdoğan est bien décidé à pour­suiv­re son ascension.

On voit dif­fi­cile­ment en interne ce qui pour­rait entraver le pro­jet de référen­dum d’Er­doğan. Le par­ti ultra-nation­al­iste ne peut courir le risque d’une brouille par­lemen­taire, sauf à faire mon­ter quelques enchères pour la suite. L’é­tat d’ur­gence est là pour rap­pel­er les lim­ites à tout le monde.

Finale­ment, ces “révéla­tions” dis­til­lées en direc­tion des médias, n’ap­pren­nent pas grand chose que nous ne savions déjà : la démoc­ra­ture en Turquie finalise son coup d’é­tat civ­il, et le fera pour cette réforme dans les règles de l’art des “démoc­ra­ties occi­den­tales”, main­tenant que tous les leviers sont entre ses mains et que qua­si aucun con­tre pou­voir ne subsiste.

Les anciens kémal­istes libéraux laïcs sor­tiront eux aus­si érein­tés d’un tel référen­dum, comme déjà ils l’avaient été en 2010, quelle que soit la posi­tion qu’ils pren­dront. Le piège de l’u­nité nationale aura bien fonc­tion­né, la destruc­tion pro­gram­mée de la seule oppo­si­tion démoc­ra­tique en Turquie (HDP) aus­si. Ses dirigeantEs en “otages” en prison seront donc en dan­ger, dans une telle sit­u­a­tion, comme toutEs les pris­on­nièrEs poli­tiques. (Venus des rangs à la fois ultra-nation­al­istes et AKP réu­nis, on cherche à répan­dre des rumeurs dis­ant “qu’en cas d’at­teinte à des mem­bres du gou­verne­ment ou de respon­s­ables”, la pop­u­la­tion “devrait” se ren­dre dans les pris­ons et faire jus­tice en “pen­dant” les “ter­ror­istes”).

C’est désor­mais dans un tel cli­mat haineux que s’an­nonce une “belle con­sul­ta­tion répub­li­caine” sur l’avenir de la Constitution.

Qui dira qu’il ne s’ag­it pas de “démoc­ra­tie répub­li­caine ren­for­cée” en vue de la Turquie de 2023 ?

Et si par là dessus, il venait à cou­pler ce référen­dum avec celui sur la con­ti­nu­ité du proces­sus d’ad­hé­sion à l’UE, on aurait bien des surprises…

Ce qui est remar­quable cepen­dant, c’est de con­stater que la “démoc­ra­tie répub­li­caine”, tout comme les “réformes con­sti­tu­tion­nelles”, n’ont en elles mêmes aucune ver­tu, et s’ac­com­mod­ent dans les mots comme dans la forme, au sein des Etats-nations où elles fonc­tion­nent, de la pire des oppres­sions autori­taires, et des pires politi­ciens qui les servent…


Traductions & rédaction par Kedistan. | Vous pouvez utiliser, partager les articles et les traductions de Kedistan en précisant la source et en ajoutant un lien afin de respecter le travail des auteur(e)s et traductrices/teurs. Merci.
Kedistan’ın tüm yayınlarını, yazar ve çevirmenlerin emeğine saygı göstererek, kaynak ve link vererek paylaşabilirisiniz. Teşekkürler.
Kerema xwe dema hun nivîsên Kedistanê parve dikin, ji bo rêzgirtina maf û keda nivîskar û wergêr, lînk û navê malperê wek çavkanî diyar bikin. Spas
KEDISTAN on EmailKEDISTAN on FacebookKEDISTAN on TwitterKEDISTAN on Youtube
KEDISTAN
Le petit mag­a­zine qui ne se laisse pas caress­er dans le sens du poil.