Les autres, dans la bouche d’Erdoğan, d’habitude, ce sont toutes celles et tous ceux qui ne seraient pas “turcs” en Turquie, c’est à dire pas allumés de l’ampoule.
Cette fois, “les autres”, c’est devenu aussi “l’Europe”, dans un Nième discours sur le sujet. Et il voudrait nous faire revoter pour ça.
Sans rire, puisqu’il vient d’évoquer les “référendums” anglais, et s’apercevoir, que pour un “vrai président”, ça ferait “classe” en ce moment, d’en proposer un aussi, en représailles contre Bruxelles.
Il en avait déjà parlé en juin, avant LE putsch…
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Moi, je me pose déjà la question… Voulez vous que la Turquie entre dans l’Europe ?
A mon avis, c’est pas tout à fait comme ça qu’il la posera.
“Et puis… y’a l’Europe, qu’est belle comme un soleil”… Non, l’Europe n’est pas la “Frida” de cette belle chanson de Jacques Brel. Ce serait plutôt la famille sous le regard du “père”, qui se partage la soupe, et il y a quelques années était prête à mettre un couvert de plus pour la Turquie autour de la table. Avec Bruxelles, une comparaison à la Jacques, ça s’imposait non ?
Même que la Turquie pour “ça” avait déjà modifié sa “constitution”, au temps où Bruxelles bruxellait.
On va revenir un peu en arrière, si vous le voulez bien.
En Turquie, tous les hommes politiciens s’accordaient, en 2010, à dire que la Constitution de 1982 ne correspondait pas aux fameux “standards démocratiques internationaux”. C’est pourquoi le nouveau parti au pouvoir, le Parti de la justice et du développement (l’AKP d’Erdoğan), avait proposé au Parlement plusieurs amendements à la Constitution. La réforme avait recueilli le soutien de 336 des 550 membres de l’Assemblée nationale, nombre insuffisant pour être définitivement adoptée, mais suffisant pour être soumise à référendum.
Coïncidence, le référendum avait eu lieu le jour même du 30e anniversaire du coup d’Etat de 1980.
Le 12 septembre est un jour parfait pour faire face à la torture, à la cruauté et aux pratiques inhumaines du coup d’Etat du 12 septembre 1980″ avait alors déclaré le Chef du gouvernement le 21 juillet.
Et qui était ce chef de gouvernement ? Recep Tayyip Erdoğan…
Ainsi donc, à la demande de l’Europe, il jouait alors sa carte sur une réforme… réduisant les pouvoirs de l’armée, et permettant d’attaquer en justice les auteurs du coup d’État de 1980. Elle avait aussi pour objet de mettre le pays en “conformité avec les exigences de l’Union européenne”. Parce qu’elle avait des “exigences”, la dite communauté à l’époque… et bien “libérales”…
Les loups gris avaient dit non. Le CHP aussi, en souvenir du bon vieux temps, même s’ils soutenaient les réformes “libérales”. Tiens, déjà les partis kurdes avaient boycotté. Finalement, ce sont les Laïcs qui avaient fait passer la réforme et renforcé du même coup le gouvernement.
Enfin, quand on regarde d’en haut, entre l’Europe, les kémalistes et l’AKP, déjà à ce moment, c’était sert moi la soupe, je te passe le sel… Et Mustafa Kemal dans son cadre en bois…
Qu’est-ce qui s’est donc passé depuis ? On n’a pas fait des ptites affaires, fabriqué pour Renault des ptites autos ? Pourtant Berlusconi était le meilleur ami de la famille Erdoğan, c’est peu dire.
Je n’ai pas toutes les réponses, et encore moins celle pour un autre référendum.
L’Europe n’a plus “d’exigences démocratiques”, juste de “grandes inquiétudes”. Elle n’arrive même plus à s’accorder sur ses belles “exigences”, quand des rescapés de la noyade veulent frapper à sa porte pour se mettre au sec. Elle paie la politique de guerre d’Erdoğan pour qu’il garde ses frontières. Et il en profite pour aller élargir celles de la Turquie vers la Syrie, pour y mettre les réfugiés qu’il dit.
En voilà des questions supplémentaires, où on ne répondra ni par oui, ni par non !
Et puis, bêtement, j’en ai une autre de question. Avec une télé unique, une presse unique, un parti unique, elle aura lieu comment sa campagne ?
Un référendum de “sauveur suprême”, où on a en un seul le César, le Tribun et le Dieu, ça va ressembler à un plébiscite.
Et du coup, comme en 2010, c’est grâce à l’Europe, et à ses ” grandes préoccupations” qu’Erdoğan montera la dernière marche du podium, comme président à vie.
Et cette fois, j’ai du mal à rentrer… chez moi.