Ebru Fırat qui a été arrêtée début septembre 2016, lors d’un changement d’avion à Istanbul, alors qu’elle rentrait en France, doit passer devant le tribunal, aujourd’hui, 8 novembre. Le procès pourrait se tenir à huis clos.
Ajout du 8 novembre :
(Voir après avoir lu l’article, la décision finale du tribunal, que nous connaissions pas encore, lors de la rédaction de l’article — en bas de page)
Depuis 2 mois, cette Franco-Turque, originaire de Toulouse, est détenue à Istanbul, accusée jusqu’alors par les autorités d’avoir voulu commettre un attentat suicide sur le sol turc. Cette accusation a depuis été transformée en simple “appartenance à une organisation terroriste”.
Voici comment la presse turque a rendu compte de cela il y a quelques mois avec des gros titres :
“La femme terroriste du PKK Ebru Ebru Fırat arrêtée à Istanbul”, avec des surenchères du type “qui venait à Istanbul pour un attentat suicide”. Ou encore avec des titres à sensation comme “la bombe humaine a été attrapée à l’aéroport”. “La responsable femme venue de Qandil est attrapée”.
Les textes des articles étaient à l’avenant :
La femme terroriste du PKK, connue par sa proximité avec Murat Karayılan, caïd du PKK, organisation terroriste, a été saisie lors d’une opération menée à l’aéroport d’Atatürk.
Selon les informations obtenues, les équipes de la Direction de Renseignements du bureau d’Istanbul, se sont mobilisées sur l’information concernant l’arrivée d’Ebru Fırat à Istanbul, membre de l’organisation terroriste PKK. Les équipes de police qui ont pris des mesures à l’aéroport Atatürk, ont ‘pincé solidement’ Ebru Fırat. Il a été affirmé que Ebru Fırat, alias “Amara” serait arrivée à Istanbul afin d’organiser des actions sensationnelles.
Par ailleurs, des photos d’Ebru Fırat prises en compagnie de Karayılan, caïd du PKK, organisation terroriste, sont abondamment relayées par la presse.
(texte copié-collé qu’on trouvait sur de nombreuses sources pro régime ou nationalistes il y a deux mois)
D’autres sources allaient plus loin :
Des dénonciations à l’encontre d’Ebru Fırat, affirment qu’elle allait être utilisée comme ‘bombe humaine’.
(Egalement sur plusieurs sources, notamment Milliyet du 8 septembre 2016)
On peut craindre la plus lourde peine pour elle lors de son prochain passage devant des “juges”, quand on sait quel déchaînement de haine vient de susciter également l’arrestation des députés et responsables du parti HDP, dans cette même presse et dans une certaine partie de la population turque, y compris chez des laïcs supposés opposants à Erdogan. Ebru Fırat, a de surcroît en effet, une origine kurde…
Ce 8 septembre, date de son arrestation, la jeune femme arrivait à l’aéroport Atatürk, en provenance de Diyarbakır, où ses parents sont retournés vivre il y a un an. La police turque ayant, affirme-t-elle, reçu des informations décrivant qu’elle s’apprêtait à commettre un attentat suicide à Istanbul et qu’Ebru Fırat l’aurait préparé en tant que membre du Parti des travailleurs du Kurdistan, dont on l’accuse d’être membre, et donc forcément “terroriste”.
Depuis septembre, de nombreux articles de presse en France, localement ou nationalement, ont décrit cette situation, et un comité de soutien a été mis en place sur Toulouse, sans qu’un résultat probant n’apparaisse jusqu’alors, le gouvernement français refusant de communiquer officiellement sur le sujet. Il est cependant probable qu’il fut évoqué lors de la visite récente du Ministre français des Affaires étrangères aux autorités gouvernementales turques.
Ebru Fırat s’était rendue en 2015, comme volontaire internationale en Syrie aux côtés des forces du Rojava, comme l’avait montré un reportage vidéo de la chaîne Antenne 2. Elle n’y passera que quelques mois. Elle était rentrée en mars 2016 à Toulouse où elle avait repris sa vie et entrepris une réinsertion sociale et professionnelle. Elle était seulement repartie en Turquie cet été 2016, pour passer des vacances en famille. C’est donc sur le chemin du retour qu’elle a été interceptée alors qu’elle faisait escale à Istanbul.
Voilà pour les faits et le déroulement, jusqu’à sa détention.
Son avocate Agnès Caséro expliquait le 24 octobre dernier à l’Actu Coté Toulouse que les accusations sur la préparation d’un attentat suicide reprises en choeur par les médias n’étaient pas fondées et que faute de preuves, Ebru sera jugée désormais, pour “appartenance à une organisation terroriste”.
“Ebru combattait Daech en Syrie dans une brigade féminine, donc elle est considérée comme terroriste par la Turquie”, précise son avocate. “En Turquie, elle risque 10 à 20 ans de prison”. Agnès Caséro ne désespère pas de pouvoir la ramener en France après le procès. Elle s’appuie pour cela sur le fait que le PKK est également considéré par la France comme organisation terroriste et qu’à ce titre, l’accusation pourrait être reprise ici.
Rappelons que pour unE ressortissantE française, ce n’est cependant pas un crime ni un délit que de se rendre au Rojava comme volontaire. L’accusation d’appartenance au PKK, si elle mène les ressortissants turcs en prison, n’est pas juridiquement en soi une preuve de volonté de commettre un acte terroriste, sauf dans la tête de procureurs politiques de l’AKP, les mêmes qui accusent les élus HDP des mêmes “crimes” aujourd’hui.
Le fait d’avoir été volontaire internationale pour le Rojava et y avoir croisé des militantEs identifiéEs comme membres du PKK n’est pas en soi juridiquement non plus une preuve d’appartenance à un “groupe terroriste”.
Afin de ne pas interférer avec d’éventuelles démarches en cours à la veille du procès, nous ne ferons pas de commentaires sur sa nature politique, et chacun sait dans quel contexte il se déroule. Ses soutiens en France n’ont même pas de certitudes sur le déroulement du procès.
Cependant, si une condamnation lourde intervenait, sans possible retour, la pression pour que le gouvernement français se mobilise pour une de ses ressortissantes, devra dépasser le cadre local toulousain, soyons en sûrs.
Mettre en lumière la “combattante contre Daech” et soutenir la militante pour le soutien au processus politique en cours au Rojava reste aussi fondamental.
Pétition | Cagnotte | Page Facebook : Liberté pour Ebru
Nous publions en soutien, le reportage du France 2 avec Ebru, partie combattre Daech.
Syrie : “Ces Français partis se battre contre l’État islamique” (publié en janvier 2016)
Ajout du 8 novembre | Décision du tribunal :
L’audience a eu donc lieu aujourd’hui. Ebru a été condamnée dans ce procès expéditif à cinq ans de prison. Un appel sera déposé. La campagne pour demander un non lieu et sa libération est d’autant plus importante.