Récem­ment, je par­lais avec l’ami Eti­enne Copeaux de son blog. Je lui demande d’où vient son nom “Susam Sokak”, (la rue sésame en turc). “C’est une rue d’Istanbul, dans le quarti­er Cihangir. Nous y résid­ions…” me dit-il, “La rue où habitait Şer­afet­tin, le chat méchant, le con­nais-tu ?”. Mais bien sur !” je réponds, c’est un sacré per­son­nage né de la plume de Bülent Üstün et dans les BD qui por­taient le même nom.

Il y a même un film d’animation qui est sor­ti en févri­er 2016.” et j’ajoute, “Nous avions fait d’ailleurs un arti­cle sur Kedis­tan dans ses débuts, alors que la pro­duc­tion du film était encore en cours”. Et je vais à la recherche de l’article pour lui don­ner le lien.

Eh bien, impos­si­ble de le retrou­ver ! Lors de mul­ti­ples démé­nage­ments de Kedis­tan, serait-il passé à la trappe ? Oui, hélas.

Un site qui s’appelle Kedis­tan, “le pays des chats”, sans Şer­afet­tin ? Ça ne se fait pas !
Je me mets donc au boulot pour vous re-présen­ter Şer­afet­tin, Şero pour les intimes…

Commémoration pour Şerafettin, dans la sue Susam. le chat méchant

pho­to ©Eti­enne Copeaux 1998

Faisons donc le film de Şerafettin !”

Şer­afet­tin, le chat méchant, per­son­nage de ban­des dess­inées date de 1996. Bülent Üstün dit que dès la sor­tie du deux­ième album, l’idée de faire une ani­ma­tion était née dans sa tête.“Le chat méchant Şer­afet­tin” est un pro­jet de longue haleine. Son aven­ture a duré huit ans. Un des meilleurs films d’animation de Turquie, il a été réal­isé par Mehmet Kur­tu­luş et Ayşe Ünal, expli­quait Bülent une inter­view sur NTV :

le chat mechant serafettin affiche-1Nous avons décidé et retroussé les manch­es en 2000, mais nous avons tout de suite com­pris que dans les con­di­tions de notre pays, il n’était pas pos­si­ble d’aller vite. Moi, je pen­sais que c’était faisable.

Le secteur d’animation est absent et les moyens tech­niques sont insuff­isants. Essay­er de faire un film d’animation dans les con­di­tions de la Turquie, c’est un peu plan­er. Et dès que nous avons entre­pris le pro­jet, nous avons com­pris qu’on planait. Quand nous sommes arrivés à une phase de non retour, nous avons décidé d’aller jusqu’au bout.

Şer­afet­tin, est un pro­jet “d’esprit”. En 2002 nous avions jeté l’éponge pour le pro­jet de film. Mais je n’ai jamais déclaré que c’était fini, pour ne pas faire des mal­heureux. En 2008, le réal­isa­teur Mehmet Kur­tu­luş, du stu­dio Ani­ma Istan­bul, m’a annon­cé qu’il avait pré­paré cer­taines séquences du film, il me les a fait voir. C’était la pre­mière fois qu’une propo­si­tion con­crète voy­ait le jour. Jusque là, j’avais des propo­si­tions, ils dis­aient “Faisons donc le film de Şer­afet­tin !”, mais quand je demandais “Com­ment ? “, ils me répondaient “Nous ne savons pas non plus.”

Quant aux paus­es pris­es après le début de la réal­i­sa­tion, c’est un pro­jet qui néces­site pas mal d’argent… Et il y a eu beau­coup de com­bats à men­er, pour que ce soit un film culte, que la pro­duc­tion soit indépen­dante, qu’il n’y ait pas de lour­des “cours­es aux ventes au guichet”, le prob­lème de +18 ans… Finale­ment le film est vrai­ment celui que j’imaginais et voulais.

Un petit aperçu sous titré en anglais…
Et ça com­mence fort !

Şer­afet­tin : “Tu sais pourquoi on dit que les chats tombent tou­jours sur leurs qua­tres pattes ?”
Le jeune chat : ” Hein ?”
Şer­afet­tin : “Réflechis sur la route !”

[vsw id=“XyUYNxDTEmM” source=“youtube” width=“640” height=“344” autoplay=“no”]

Bülent explique que ce genre de grands pro­jets d’animation sont réal­isés avec une équipe con­séquente, min­i­mum de 500 per­son­nes et que cela demande du temps. Pré­pa­ra­tions, créa­tion des per­son­nages, scé­nario, esquiss­es, encrage, colorisation…

En Turquie le dessin humoris­tique est une tra­di­tion très ancrée. Nom­bre de mag­a­zines satiriques per­durent et sur­vivent mal­gré les con­di­tions de lib­erté de parole de plus en plus dif­fi­ciles. Et ils sont lus !

Bülent, met l’accent sur un point très impor­tant et souligne qu’en Turquie il y a besoin d’un quelque chose qui allume la mèche. “S’il y avait une per­son­ne comme Oğuz Aral (car­i­ca­tur­iste et édi­teur de mag­a­zine satirique) dans l’animation aus­si, il y aurait aujourd’hui une pro­duc­tion d’animation au niveau mon­di­al en Turquie…”

Mais comment est né Şerafettin, tout au départ ?

Il est vrai qu’on ren­con­tre par­fois de sacrés numéros chez nos amis poilus. Je sais de quoi je par­le, on en a quelques uns éparpil­lés un peu partout chez les con­tributri­ces et con­tribu­teurs de Kedis­tan. J’ai moi même un exem­plaire à la mai­son. (Par­don, je devrais dire plutôt que j’habite chez-lui). Quand notre col­lègue repor­teur pho­tographe Sadık Çelik l’a surnom­mé “Ağır abi”, équiv­a­lent de “grand frère imposant”, nous avons tout de suite adop­té cet alias qui lui allait comme un gant. A quelques poils près c’est un pote de Şer­afet­tin. Mais je laisse Bülent Üstün décrire le spécimen :

Şer­afet­tin était mon chat. Il est mort et juste après, je suis par­ti au ser­vice mil­i­taire. Je n’ai pas arrêté de penser à lui. A la fin de mon ser­vice, ren­tré à la mai­son, je me demandais ce que j’allais faire, alors j’ai dess­iné Şerafettin.

Avant la nais­sance du per­son­nage, il était déjà présent de temps en temps dans mes car­i­ca­tures. Un chat avec une grosse tête, poils ras avec beau­coup de testostérone. Quand vous le prenez dans les bras, il est lourd. Il est costaud, donc ses réflex­es sont faibles, parce qu’il n’en a pas besoin. Quand vous l’appelez, il ne regarde pas tout de suite, mais un peu plus tard, il tourne la tête, comme s’il dis­ait “Bah quoi ?”. J’ai gran­di avec lui. J’étais gamin, je suis devenu ado, il était tou­jours mon ainé, mon grand frère.

Petit à petit tout cela s’est reflété dans mes dessins. Un caïd, type alpha, il gère tout ce qui se passe, les autres chats dans la rue, il a un harem… Impos­si­ble de ne pas être impres­sion­né de sa con­fi­ance en lui, son esprit, son com­porte­ment. J’étais admi­ratif devant ce chat. Quand il est mort, je pense que j’ai rem­pli son absence en le dessinant.

Sa nais­sance tech­nique ?… On te dit, “Frère, il y a deux pages vides, des­sine un truc”, alors tu dessines. Les gens aiment, alors tu con­tin­ues. En fait, les gens aiment quand tu y mets tes tripes. J’ai sans doute trans­féré dans mes dessins, ce que je ressen­tais au plus pro­fond de moi… Le vrai Şer­afet­tin à vécu 14 ans.“Le chat méchant Şer­afet­tin” a vécu 14 ans en tant que BD.

Ze film

L’his­toire écrite par Bülent Üstün est tout un programme.

Une mat­inée de print­emps, Şero et ses acolytes Rıfkı la mou­ette et Rıza la souris sont en plein pré­pa­ra­tion pour le bar­be­cue du soir. Bien que débuté comme une journée ordi­naire, cette journée fera vivre mille et une aven­tures à Şero. D’abord il se fait vir­er de la mai­son par son père Tonguç. ensuite il cause la mort de la minette qu’il voulait séduire. Et comme si tout cela n’était pas suff­isant, il se fait atta­quer par ses enne­mis. Pen­dant qu’il essaye de se dépêtr­er avec tous ces prob­lèmes, il tombe amoureux… La pre­mière fois dans sa vie. A peine réal­isé ce qui lui arrive, il apprend qu’il a un fils qui s’appelle Tacettin…

Pour le dou­blage du ‘Şer­afet­tin, le chat méchant’, de grands tal­ents ont prêté leur voix. Leur tra­vail remar­quable joue un rôle impor­tant pour ren­dre les per­son­nages ani­més si réels. C’est amu­sant de voir com­ment les artistes se met­tent dans la peau de leur per­son­nage. Şer­afet­tin sort de ce corps ! 
(Vidéo en turc, dou­blages à par­tir de 0:55)

Uğur Yücel (Şerafettin), Demet Evgar (Misket & Tacettin), Güven Kıraç (Rıza), Okan Yalabık (Çizer & Adnan) Gökçe Özyol (Martı Rıfkı), Ayşen Gruda (Propriétaire Hasene), Cezmi Baskın (L’épicier Şemistan), Yekta Kopan (Cemil le mac), Ahmet Mümtaz Taylan (Tonguç)…

[vsw id=“4GJ6nW1SL1o” source=“youtube” width=“640” height=“344” autoplay=“no”]

Comme Şer­afet­tin, est le chat méchant qui picole, qui fait des con­ner­ies, et qui a un lan­gage détestable Bülent Üstün dis­ait avant la sor­tie du film “Quand on par­le de film d’animation dans notre pays, on pense directe­ment aux enfants. J’annonce la couleur d’avance, ce n’est pas un film pour les enfants, n’allez pas le voir avec vos gosses.”

Le chat méchant Şer­afet­tin” a été sélec­tion­né pour plusieurs fes­ti­vals de films d’animation. Le pre­mier était en 2015, pen­dant la phase de pro­duc­tion, dans le caté­gorie “Work in Progress” au Fes­ti­val Inter­na­tion­al du Film d’An­i­ma­tion d’An­necy. Ensuite ont suivi d’autres fes­ti­vals en Turquie ou à l’étranger. En 2016, à l’Absurde Séance, fes­ti­val inter­na­tion­al nan­tais, Şero a reçu le Prix Couillu.

Bonus

Bates­motel­pro, un groupe humoris­tique, clip de la chan­son “Zaman kötü” (les temps sont mauvais)

[vsw id=“wJGLN6dRssI” source=“youtube” width=“640” height=“344” autoplay=“no”]

Clip d’A­thena, la chan­son de la fin du film : “Geblo”.

[vsw id=“kejC31aqFN8” source=“youtube” width=“640” height=“344” autoplay=“no”]

Infos

Le chat méchant Şerafettin”
Durée 82 min | Pour pub­lic aver­ti de +13 ans | Langue : turc
Site inter­net | Face­book | Twit­ter | Youtube

Pour l’in­stant le DVD en vente est pro­posé seule­ment en turc. Mais pour devenir un peu Şer­afet­tin qui cherche son fils, vous pou­vez peut être essay­er l’ap­pli jeu “Şerokoş” ?

(Application gratuite)
[vsw id=“JYYrb54GD98” source=“youtube” width=“640” height=“344” autoplay=“no”]


Traductions & rédaction par Kedistan. | Vous pouvez utiliser, partager les articles et les traductions de Kedistan en précisant la source et en ajoutant un lien afin de respecter le travail des auteur(e)s et traductrices/teurs. Merci.
Kedistan’ın tüm yayınlarını, yazar ve çevirmenlerin emeğine saygı göstererek, kaynak ve link vererek paylaşabilirisiniz. Teşekkürler.
Naz Oke on EmailNaz Oke on FacebookNaz Oke on Youtube
Naz Oke
REDACTION | Journaliste 
Chat de gout­tière sans fron­tières. Jour­nal­isme à l’U­ni­ver­sité de Mar­mara. Archi­tec­ture à l’U­ni­ver­sité de Mimar Sinan, Istanbul.