EDITO

Après le gros dossier sur l’(après)-coup d’état en Turquie dans le dernier numéro de Mer­ha­ba Heval­no, ce 8ème numéro est dédié en long et en large aux réfugié.es et aux poli­tiques répres­sives envers dif­férentes com­mu­nautés traitées comme “minorités” indésir­ables, les Syrien.nes, les Kur­des et les Alévi.es.

Dans cette péri­ode où notre sol­i­dar­ité est inévitable­ment tournée vers les per­son­nes migrantes blo­quées à Calais qui vont bien­tôt se faire expulser par les forces de l’État français, nous ne pou­vons que remar­quer encore une fois la con­ti­nu­ité des poli­tiques des pays dits “démoc­ra­tiques”, tels que la fRance ou la Turquie. Ce sont les mêmes dynamiques racistes der­rière les poli­tiques de “ges­tion des flux humains”, qui la plu­part du temps se cachent der­rière la ban­nière “human­i­taire”, alors que les gou­verne­ments lais­sent crev­er les gens dans la mer et envoient leurs bras armés les cours­er autour des fron­tières et partout sur le ter­ri­toire. Cette com­plic­ité entre les États qui provo­quent des guer­res et qui pil­lent, puis fer­ment leurs portes aux pop­u­la­tions qui fuient ces guer­res ou les con­di­tions d’appauvrissement, est bien con­nue. L’accord passé entre l’UE et la Turquie au mois de mai est très frap­pant en ce sens : la vie des per­son­nes migrantes est marchandée par la Turquie, dans un chan­tage pour acheter le silence de l’UE face aux mas­sacres au Kur­dis­tan, que ce soit au sein de ses fron­tières, ou désor­mais aus­si du côté syrien depuis l’invasion de la Turquie le mois dernier.

Ce chan­tage atteint même le sys­tème judi­ci­aire français qui assume le rôle d’extension de l’appareil répres­sif de Turquie : la cen­sure de la presse kurde est arrivée jusqu’ici. Deux textes dans cette revue décrivent la cen­sure médi­a­tique en Turquie, puis en France.

Plusieurs arti­cles que nous relayons dans ce numéro trait­ent de la sit­u­a­tion des habitant.es des villes kur­des de Bakûr (à l’est de la Turquie) qui ont dû quit­ter leur ville pen­dant les attaques par les forces de l’état turc, et qui se sont retrouvé.es à s’installer dans des campe­ments organ­isés par les mairies DBP (par­ti kurde majori­taire dans la plu­part des villes du Bakûr). Mal­gré les con­di­tions de survie dans lesquelles elles se retrou­vent, elles refusent de par­tir loin de leurs ter­res et con­tin­u­ent à résis­ter depuis leurs tentes, aux portes de leurs villes rasées. Les pre­miers numéros de cette revue relayaient déjà la lutte des pre­mières vagues de réfugié.e.s de villes comme Sur et Cizre qui refu­saient de par­tir et qui se posaient tem­po­raire­ment dans les vil­lages autour des villes sous siège. C’est la même sit­u­a­tion qui per­dure depuis plusieurs mois, voire bien­tôt un an pour cer­taines. Nusay­bin et Şır­nak sont les plus gross­es villes à avoir été rasées dernière­ment ; plusieurs témoignages nous en parlent.

Dans l’ouest de la Turquie, ce sont les réfugié.es syrien. nes qui sont confronté.es au racisme et à la pré­car­ité. Un beau reportage-pho­to (que nous vous invi­tons à décou­vrir sur le site orig­i­nal orientxxi.info) décou­vre le quarti­er stam­bouliote de Bayra­mte­pe à tra­vers quelques un.es de ses nou­velles habi­tant. es. Puis un arti­cle de Kedis­tan décrit la poli­tique xéno­phobe qui encour­age la haine con­tre la pop­u­la­tion syrienne.

Impos­si­ble de nier que ce racisme est inhérent à l’existence même des États, de leurs fron­tières, et de leur principe “uni­fi­ca­teur” à l’intérieur du pays, c’est-à-dire écras­ant toute iden­tité sociale, poli­tique, cul­turelle, religieuse, ou de genre, non con­forme à la norme dom­i­nante. Une analyse de Dilar Dirik (chercheuse kurde dans la dias­po­ra) nous éclaire sur le cas des poli­tiques menées con­tre les pop­u­la­tions alévies en Turquie. Si nous ajou­tons à cela la dimen­sion impéri­al­iste, alors nous retrou­vons les com­mu­nautés écrasées à la fois par l’État qui les a absorbées, et par la puis­sance colo­niale dont dépend cet État. C’est ce que mon­tre le réc­it his­torique tracé par Jean-Bap­tiste Begat sur les Kur­des en Irak : com­ment les Kur­des ont fini par être considéré.es comme une “minorité” sur leur pro­pre sol par un pays colonisa­teur, et les con­séquences jusqu’à maintenant.

Les femmes du Rojhi­lat (Kur­dis­tan en Iran) nous rap­pel­lent l’importance rester sur ses gardes sur tous les fronts de lutte : ce n’est pas parce qu’on se bat auprès de “cama­rades” au sein de notre pro­pre com­mu­nauté (qu’elle soit cul­turelle ou poli­tique), que les dom­i­na­tions dis­parais­sent… Le sys­tème patri­ar­cal, et le sex­isme qui en découle, est inhérent à l’État mais aus­si à toutes (ou presque?) les com­mu­nautés humaines, y com­pris les com­mu­nautés en lutte. Nous, éditri­ces et édi­teurs de ce men­su­el, sommes très touché.es par com­ment les femmes rojhi­laties dénon­cent haut et fort le sex­isme au sein de leur mou­ve­ment parce que nous con­nais­sons bien les dif­fi­cultés ren­con­trées dans nos pro­pres réseaux de lutte pour vis­i­bilis­er et com­bat­tre les dom­i­na­tions gen­rées. Loin des dis­cours ori­en­tal­istes présen­tant le com­bat des femmes kur­des comme “extra­or­di­naire” vu leurs con­di­tions “d’oppression extrême”, nous tenons à relay­er les paroles du mou­ve­ment des femmes kur­des parce que nous savons qu’à tra­vers leur lutte elles pointent les mêmes dynamiques que ce que nous vivons en Europe.

Nous avons voulu partager dans ce men­su­el deux derniers textes. L’un est un entre­tien que nous avons fait à la fin de l’année dernière avec une européenne instal­lée au Roja­va, et qui décrit son point de vue sur ce qui s’y joue. Et com­ment clô­tur­er ce men­su­el sans remerci­er Kedis­tan, le site d’infos et d’analyses sur le Kur­dis­tan et la Turquie, édité en français, qui nous nour­rit régulière­ment, et qui a besoin de notre sou­tien pour pou­voir continuer.

SOMMAIRE

  • Edi­to p. 2
  • Après les crimes… p. 2
  • Femmes de Şir­nak p. 3
  • Guerre déclarée à Sur p. 5
  • Fer­me­ture des médias et géno­cide poli­tique » p. 6
  • Une cama­rade par­tie au Roja­va… p. 10
  • Nais­sance d’une minorité kurde en Irak p. 14
  • Les femmes du Rojhi­lat con­tre le sex­isme p. 16
  • Nation­al­isme xéno­phobe con­tre les réfugié.e.s syrien.ne.s p. 18
  • Bayra­mte­pe, l’eldorado per­du des Kur­des syriens p. 20
  • Poli­tique anti-alévis en Turquie p. 21
  • Mednüçe : Eutel­sat con­tre les médias kur­des p. 24
  • Poème de Adnan Yucel p. 26
  • Carte, glos­saire & agen­da p. 27–28
  • Sol­i­dar­ité avec les pris­on­nières p. 28

* * *

Nous voudri­ons, en pub­liant ce bul­letin Mer­ha­ba Heval­no, met­tre en mots et en acte notre sol­i­dar­ité avec les mou­ve­ments de résis­tance au Kurdistan.

Ce bul­letin men­su­el autour de l’actualité du Kur­dis­tan est notam­ment rédigé depuis la ZAD de NDDL, mais pas seule­ment ! Un cer­tain nom­bre de cama­rades de Toulouse, Mar­seille, Angers, Lyon et d’ailleurs y participent…

Pour nous con­tac­ter : actukurdistan[at]riseup.net

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