Il ne se passe pas un jour où Erdoğan ne menace pas, ou ne mette à exécution ses menaces contre le mouvement kurde.
Et lorsqu’il fait bombarder en territoires libérés syriens, c’est par centaines qu’il espère des victimes.
On ne peut pas dire que cela influe sur la politique des gouvernements européens à l’égard de la démocrature turque.
En pleine offensive contre Daech en Irak autour de Mossoul, le gouvernement turc AKP s’est vanté d’avoir tué 200 combattants kurdes en Syrie. Comme à son habitude, les civils sont englobés sous l’étiquette “combattants terroristes”.
L’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), fait état lui, de 11 tués et 24 blessés parmi les Forces démocratiques syriennes (FDS), forces qui avaient libéré récemment les zones bombardées.
Les frappes ont visé trois villages au Nord d’Alep, Al Hassiya, Oum al Qoura et Oum Hoch, des localités réadministrées rattachées aux forces du Rojava.
“Entre 160 et 200 membres des Unités de protection du peuple kurde (YPG), branche armée du parti kurde syrien PYD, auraient été tués dans ces raids”, dit le communiqué de l’armée turque.
Visiblement, Erdoğan ignore tout de la trêve provisoire décidée en Syrie, et profite des regards tournés vers Mossoul, devenue la “guerre de le Golfe bis” pour tous les médias occidentaux, qui rivalisent de “correspondants en direct”.
Erdoğan a prononcé il y a peu un nième discours contre les Kurdes. Voici quelques morceaux choisis :
“On n’attendra plus que les problèmes frappent à notre porte… Nous irons à la rencontre des organisations terroristes, où qu’elles se trouvent.”
“Nous allons combattre jusqu’au bout ceux qui soutiennent l’organisation terroriste séparatiste. Je le dis clairement: là où ils se trouvent, à l’intérieur comme à l’extérieur de nos frontières, nous les empêcherons de respirer.”
“Rien ne nous oblige à endosser le rôle que d’autres ont voulu nous assigner. Nous avons commencé à suivre notre propre plan.”
Personne ne peut dire que ces paroles sont ambigües. Il n’y a là plus aucun double jeu. L’ennemi principal désigné est bien le mouvement kurde, et à travers lui les populations que l’Etat turc n’a de cesse de déporter et laisser sans secours au Kurdistan turc déjà, à l’intérieur de son territoire, puisqu’il a fait saisir les commandes des mairies et qu’il continue démolitions, exactions des forces de police et de gendarmerie. Même si l’auto défense des populations empêche encore le gouvernement AKP d’aller jusqu’au bout de cette politique, la souffrance à l’entrée de l’hiver est grande. Et les mises en garde à vue, les emprisonnements face aux protestations sont la seule et unique réponse de l’Etat turc.
Depuis qu’il a obtenu une sorte de feu vert tacite et négocié pourtant des deux puissances, USA et Russie, pour pénétrer en Syrie, Erdoğan ne cesse de multiplier les provocations militaires, tout en déguisant une partie de ses supplétifs ultra nationalistes sous uniforme et en armant et soutenant des pseudos combattants libres qui font le travail de “nettoyage”. Daech a fuit opportunément des zones autour de Jerablus, tout comme d’autres groupes djihadistes, donnant corps au projet de l’Etat turc d’installation de “zone tampon” à sa frontière, qui sera aussi bien utilisée contre le Rojava que pour contrôler le couloir au Nord d’Alep. Nul besoin d’être géo politicien pour comprendre, quand on écoute Erdoğan, qu’il a un agenda militaire contre le Kurdistan syrien.
Après avoir exigé une présence militaire en Irak, autour de Mossoul, et s’être vu partiellement limité dans ses prétentions, Erdoğan se “rattrape” en bombardant les populations et les combattants côté Rojava. On pouvait déjà soupçonner que ses demandes sur Mossoul visaient à retarder en partie les offensives, on pourrait croire que ces attaques font à la fois diversion et sont opportunistes, quand à la guerre “personnelle” contre les Kurdes.
La campagne électorale qui bat son plein aux USA et les bruits de “guerre mondiale” qu’entretiennent les Russes favorise ces bombardements opportunistes, qui se noient dans le “bruit de fond” médiatique. Les gouvernements européens ont leurs propres préoccupations, toujours principalement de “réduire et stopper” l’exil des réfugiés, et sont de fait et avec leur consentement prisonniers de l’accord politique avec le gouvernement turc. Le reste n’est que diplomatie de façade. Et bombarder à la veille d’une visite en Turquie du secrétaire américain à la Défense, Ash Carter, et d’une “conférence” à Paris, c’est placer tout le monde devant le fait accompli.
Les menaces proférées par le chef d’Etat turc ne sont pourtant pas que des vociférations gratuites. Elles viennent d’être mises à exécution.
Ajout 21 octobre : L’Etat turc continue à bombarder ces territoires et menace désormais directement le canton d’Afrîn.
Ce communiqué a été fait par l”Organisation d’autogestion des 3cantons du Rojava : Al Jazira, Kobané, Efrin.
Depuis hier soir l’aviation turque bombarde les villes d’Em Al hoch et Em Al qora et aussi la ville Hsiea, dans la région d’Al shahbaa au nord de Alep. Ces violents bombardement sont survenus après la libération avec l’aide des forces révolutionnaires de cinq autres villes, du barrage d’Al Shahbaa et Syria qui étaient aux mains de Daech.
Nous, organisation générale d’autogestion des trois cantons du Rojava, condamnons les interventions et les massacres commis par le gouvernement turc, qui menacent aujourd’hui la vie de centaines de civils qui habitent ces 3 villages, et les régions aux alentours.
Nous sommes prêts à intervenir par tous les moyens pour empêcher les massacres de l’Etat turc envers les civils et toute la population au nord de la Syrie. Nous confirmons que les interventions de l’aviation militaire turque n’ont pas pour intention de combattre Daech.
Nous nous adressons au monde et aux Nations Unies : la Russie, les États-Unis et toutes les organisations des droits de l’homme et les institutions de la société civile. Nous leur demandons de faire le nécessaire pour arrêter la menace de l’Etat turc dans notre région, car les bombardements de cet Etat menacent la stabilité et la souveraineté de la République syrienne; les actes de l’état turc sont une violation des pactes et des conventions internationaux.
Face à ces menaces, il ne faut pas rester silencieux comme lorsque l’état turc était entré dans la ville de Djarablus.
Nous invitons tout le peuple syrien à se mobiliser pour arrêter les bombardements turcs car c’est une menace pour toute la Syrie qui empêchera tout espoir d’un accord politique.
Le 19 octobre 2016
L’organisation générale d’autogestion des trois cantons (Al Jazira, Kobané, Efrin).
A Paris, entre autres, une manifestation aura lieu le samedi 22 octobre à Paris.