Alors que la répres­sion et les purges s’in­ten­si­fient en Turquie, que les médias sont réduits au silence, alors que les forces armées turques se sont vues accorder un per­mis d’in­va­sion du Nord syrien, l’ac­cord Turquie/UE sur les migrants suit son cours.

La Turquie est un pays sûr, respectueux des règles inter­na­tionales, à qui l’on peut con­fi­er la pro­tec­tion et l’as­sis­tance aux migrants, c’est bien connu !

Et pour­tant, le gou­verne­ment Tsipras a per­mis le ren­voi de l’île de Les­bos à Dik­ili en Turquie d’un groupe de 55 deman­deurs d’asile, en majorité des Pak­istanais et des Algériens, dans le cadre de l’ac­cord. Par­mi ce groupe, fig­urent les pre­miers 37 deman­deurs d’asile déboutés en deux­ième instance par les autorités du ser­vice grec d’asile. Et ce ne seront pas les derniers, si on en croit le gou­verne­ment devenu désor­mais très pro-européen, sur cet accord. Les seuls inquié­tudes actuelles pour Tsipras, sem­blent être le vote récent renou­ve­lant les autori­sa­tions d’in­ter­ven­tions extérieures de la Turquie, qui con­cer­nent égale­ment le voisin chypriote.

Le coup d’E­tat man­qué du 15 juil­let avait incité à quelque pru­dence, et la pre­mière vague de purge engagée par le gou­verne­ment AKP avait inter­rogé sur la volon­té d’Er­do­gan de pour­suiv­re le deal, tant il sem­blait occupé à fournir d’éventuels deman­deurs d’asile sup­plé­men­taires, Turcs et Kur­des cette fois. Les inter­dic­tions de quit­ter le ter­ri­toire qui ont accom­pa­g­né ces “purges” ont du ras­sur­er l’UE, puisque les échanges de bons procédés reprennent.

Le 8 sep­tem­bre, les autorités grec­ques avaient déjà ren­voyé en Turquie cinq deman­deurs d’asile déboutés en pre­mière instance, sans attente de recours éventuel.

C’est env­i­ron 500 migrants dont la plu­part n’avait pas demandé l’asile en Grèce ou avaient retiré leurs deman­des, qui ont été ren­voyés depuis la sig­na­ture de l’ac­cord. Le gou­verne­ment Tsipras s’é­tant engagée à un exa­m­en indi­vidu­el des deman­des d’asile, les ren­vois mas­sifs avaient été retardés par les “procé­dures”, puisque même les migrants arrivés après le 20 mars, date fatidique, avaient en par­tie déposé des dossiers, bien qu’ils ne veuil­lent pas rester en Grèce.

Si la procé­dure d’ex­a­m­en d’asile s’ac­célère”, les ren­vois vont s’in­ten­si­fi­er, et on ne voit pas ce qui pour­rait empêch­er cette accéléra­tion, la démoc­ra­ture turque sem­blant con­venir pour y ren­voy­er des per­son­nes en état de détresse absolue. Ain­si va “l’hu­man­ité” européenne, à l’en­con­tre de la “mis­ère du monde”. En prof­iter d’ac­cord, accueil­lir les effets sec­ondaires, là, ça coince. Hier avec un Kad­hafi, aujour­d’hui avec Erdo­gan, tous les pou­voirs “forts” sont con­sid­érés “effi­caces” pour débar­rass­er l’Eu­rope de ses “prob­lèmes”, pour peu qu’on s’en­tende sur les con­trepar­ties.

Cette poli­tique migra­toire européenne, faite de renon­ce­ments devant les mou­ve­ments xéno­phobes iden­ti­taires qui se dévelop­pent, prou­ve telle­ment son effi­cac­ité qu’en effet, elle a endigué le flux migra­toire en Europe via la Turquie, mais que la route s’est désor­mais re-déplacée entre la Libye, l’E­gypte et l’I­tal­ie. Des arrivées par mil­liers ces derniers jours, avec le lot de noyés en mer, hommes, femmes, et surtout enfants, sont le fruit de cette poli­tique de déplace­ment du “prob­lème”.

Pour chaque Syrien ren­voyé, un Syrien doit être re-local­isé en Europe, prévoit égale­ment l’ac­cord. Ce qui ressem­ble bigre­ment à un troc de migrants, rap­pelons-le, en totale détresse, au moment où Alep meurt sous les bombes et le Nord syrien est envahi par Erdo­gan. La Grèce n’a fort heureuse­ment ren­voyé jusqu’i­ci en Turquie aucun deman­deur d’asile syrien. Mais l’ac­céléra­tion voulue par le gou­verne­ment Tsipras peut le faire craindre.

La seule chose qui peut ralen­tir, c’est la rup­ture de l’ac­cord par Erdo­gan, qui réclame tou­jours ses mil­liards et l’ex­emp­tion de visas pour les Turcs dans l’e­space Schen­gen, tout comme l’étab­lisse­ment de sa fameuse “zone tam­pon” au Nord Syrie, où il envis­agerait de re-localis­er les réfugiés.

Inutile de dire que pour toutes ces négo­ci­a­tions, cha­cun oublie volon­taire­ment qu’il s’ag­it de vies humaines, de des­tins brisés, et pire, de jeunes généra­tions sac­ri­fiées pour qui l’Eu­rope et les Etats du Moyen-Ori­ent appa­raîtront comme les assas­sins de leurs par­ents et familles… à très court terme.

Nous trou­ve­ri­ons égale­ment que ce serait faire preuve d’une réelle sol­i­dar­ité “trans-nationale”, et d’un peu d’in­tel­li­gence poli­tique, que de ne pas faire en Europe de cam­pagnes d’aides séparées pour l’aide au Peu­ple grec d’un côté, et l’aide aux migrants en Grèce de l’autre.

Sur place, les activistes grecs, suiv­is en cela par une bonne par­tie des milieux pop­u­laires, ne fait pas de dif­férence. Ils se con­sid­èrent tous comme lut­tant ensem­ble con­tre la poli­tique austéri­taire et xéno­phobe de l’UE. Ain­si, dis­pen­saires auto-gérés, lieux de cul­ture et d’ac­cueil sont partagés…

Pour la sit­u­a­tion des réfugiés en Grèce, et un peu de posi­tif, voir :

Nous vous ren­voyons égale­ment sur les cam­pagnes d’Amnesty Inter­na­tion­al, entre autres.


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Daniel Fleury
REDACTION | Auteur
Let­tres mod­ernes à l’Université de Tours. Gros mots poli­tiques… Coups d’oeil politiques…