Les purges post coup d’E­tat en Turquie ont impacté forte­ment les uni­ver­sités, ne se lim­i­tant pas aux pseu­dos par­ti­sans de FETÖ. Par décret, 2346 uni­ver­si­taires ont été jetés à la rue.

Sou­venons nous de l’ap­pel pour la Paix”, lancé par plusieurs cen­taines d’u­ni­ver­si­taires. Le 11 jan­vi­er dernier, près de 1200 uni­ver­si­taires, avaient déjà signé le texte, sig­na­tures qui ont ensuite mobil­isé davan­tage. La majorité des “exclus” sont des signataires…

Cer­tains, qui avaient pris les devants, après la pre­mière vague d’ar­resta­tions, bien avant le putsch man­qué, ont rejoint des uni­ver­sités européennes, en tant que chercheurs/euses. Des sol­i­dar­ités tis­sées lors de l’ap­pel, ont joué. Depuis, beau­coup d’autres ont été inter­ditEs de quit­ter le ter­ri­toire. La majeure par­tie d’en­tre eux se retrou­vent sur le pavé, tou­jours sous le coup de men­aces et d’in­ter­dits divers.

Alors, la résis­tance s’or­gan­ise. En effet, 19 uni­ver­si­taires, licen­ciés de l’U­ni­ver­sité Kocaeli (province du Nord de la Turquie) qui fai­sait par­tie de la purge, vont ouvrir une uni­ver­sité alter­na­tive au Cen­tre cul­turel Sabancı, le 28 Sep­tem­bre prochain. De nom­breux “col­lègues” et des mem­bres de société civile par­ticiper­ont égale­ment à l’ou­ver­ture de cette académie.
Ils ont donc décidé de débuter l’an­née sco­laire avec un cours inti­t­ulé «l’Al­ter­na­tive».

Afin de se pré­mu­nir d’une répres­sion qui ne saura tarder, et parce qu’ils font cette démarche au grand jour, ils ont décidé de pub­li­er leurs noms.

Il s’ag­it de : Adem Yeşi­lyurt, Aynur Özuğurlu, Aynur Özuğurlu, Bur­cu Yakut Çakar, Derya Keskin, Gül Kok­sal, Güven Bakırez­er, Hakan Koçak, Hülya Kendir, Kuvvet Lor­doğlu, Mehmet Cen­giz Ercin, Mehmet Rauf Kesi­ci, Mehmet Ruhi Demi­ray, Nilay Etil­er, Onur Hamza­oğlu, Özlem Özkan, Ümit Biçer, Veli Deniz, Yücel Demir­er,  Zelal Ekinci.

Une des uni­ver­si­taires à déclaré : “Beau­coup de nos amis uni­ver­si­taires de Turquie et d’ailleurs vien­dront nous soutenir. La nou­velle Académie com­mencera par des sémi­naires heb­do­madaires et nous pub­lierons des recherch­es et des rap­ports, comme nous l’avons tou­jours fait. La porte est égale­ment grande ouverte à tous les uni­ver­si­taires et aux habi­tants de Kocaeli “.

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Le Maître de con­férence Hakan Koçak a fait un dis­cours le 22 sep­tem­bre, devant le Con­seil de l’Enseignement Supérieur (YÖK) à Ankara.
Voici la tra­duc­tion de la vidéo.

Bon­jour. Mer­ci beau­coup pour la sol­i­dar­ité et le sou­tien que vous montrez.

Le soir du 1er sep­tem­bre, par le décret n° 672 nous avons été privés de notre tra­vail. Le décret n° 672 est une chose de cette sorte cherEs amiEs : il y a des gens dont vous ne con­nais­sez pas l’identité, ces gens vous intè­grent dans une organ­i­sa­tion dont vous n’êtes pas mem­bre, et il décou­vrent que vous avez des liens dont vous n’êtes pas au courant avec cette organ­i­sa­tion, et par con­séquent, ils s’assoient et pren­nent une déci­sion, et en une nuit vous perdez votre tra­vail. Dans aucune fac­ulté de Droit au monde, dans aucun bar­reau, aucun tri­bunal, un tel non-droit ne peut être accep­té. Ce doc­u­ment est un doc­u­ment digne de pass­er dans l’histoire mon­di­ale du Droit, ou du non-droit…

En tant qu’universitaires ayant per­du leur tra­vail par le décret n°672, nous ne savons absol­u­ment pas de quoi nous sommes accusés. Nous avons seule­ment une sup­po­si­tion. Nous, 19 per­son­nes à Kocaeli, et au total près de 40 per­son­nes ayant signé un texte inti­t­ulé « Nous ne serons pas com­plices de ce crime », sommes des uni­ver­si­taires qui avons vécu depuis jan­vi­er 2015, divers inter­roga­toires et enquêtes, subi du har­cèle­ment et des agres­sions, jugés, arrêtés pour par­tie d’en­tre nous. Nous pen­sons que c’est à cause de notre iden­tité d« uni­ver­si­taire pour la Paix » que nous sommes four­rés dans ce sac ouvert, par ces décrets, avec l’opportunité du putsch. Si c’est bien cela, c’est à dire que la rai­son du fait qu’on soit four­rés dans ce sac, est le fait que nous deman­dons la Paix, le fait que nous ayons signé l’appel « Nous ne serons pas com­plices de ce crime », nous souhaitons exprimer encore une fois, ici, qu’il n’y a de toutes façons aucune chance pour nous faire reculer.

Alors que de lour­des vio­la­tions des droits humains sont com­mis­es sur ces ter­res, com­mençant par la vio­la­tion du droit à la Vie… Si par­ler, en voy­ant que les enfants et les jeunes qui, en tant que corps édu­catif, sont nos prunelles de nos yeux, sont tués, et même tués en grand nom­bre, ne pas se taire, écouter notre con­science, et exprimer qu’un tel prob­lème social et his­torique ne peut jamais être résolu par des méth­odes vio­lentes, est un délit, et si nous avons per­du notre tra­vail avec le sys­tème de décrets pour ce délit, nous affir­mons que nous con­tin­uerons à com­met­tre un tel délit.

Nous voulons répéter de nou­veau, que le fait de deman­der la Paix, ne peut être un délit.

Slo­gans scan­dés « Nous ne serons pas com­plices de ce crime ! »

Dans le décret n° 672, il est dit « Nous vous avons licen­cié du ser­vice pub­lic ». Non, vous ne pou­vez pas nous licenci­er du ser­vice pub­lic. Nous sommes au ser­vice du pub­lic. Chaque pas que nous faisons est pour le ser­vice du pub­lic. Pour l’intérêt pub­lic, nous écrivons, par­lons con­tre le pil­lage urbain. Pour l’intérêt pub­lic, nous prenons place du côté du tra­vail. Pour l’intérêt pub­lic, nous réagis­sons sur les « assas­si­nat du tra­vail » à Soma, pour que ces « assas­si­nats » ne se répè­tent pas, nous écrivons, tra­vail­lons, pro­duisons et devenons par­tie civile. Pour l’intérêt pub­lic, nous défendons une édu­ca­tion gra­tu­ite, sci­en­tifique et laïque. Pour l’intérêt pub­lic, nous défendrons tou­jours l’université indépen­dante et démoc­ra­tique, sous le toit de nos syn­di­cats, com­mençant par Egit­im-Sen, et nous con­tin­uerons de le faire. Par con­séquent, loin d’être licen­ciés du ser­vice pub­lic, au con­traire, nous avons la volon­té de ren­dre un ser­vice pub­lic encore plus intense, et nous souhaitons pré­cis­er cela de nou­veau, à l’attention de la men­tal­ité qui fait les décrets.

Par ailleurs, nous pou­vons ajouter, qu’il n’est pas ques­tion seule­ment de nous. D’une façon générale, dans tous les uni­ver­sités de la Turquie, un mas­sacre est en train d’être com­mis. Nos ami-es d’ÖYP1qui ont le moins de sécu­rité, com­mençant par nos ami-es chercheurs/ses, l’insécurité est brandie sur nos têtes, comme une épée de Damo­clès. Il nous est dit ‘Tra­vaillez de la façon dont le régime veut, prenez des pos­tures que le régime souhaite’. Nous le fer­ons pas. Parce que nous avons gag­né nos posi­tions académiques, becs et ongles, avec notre sueur. Dans les “casiers” d’aucun d’en­tre nous, il n’y a de men­tion voleur ou fraudeur. Nous n’avons pas été dans la liste des seigneurs de con­fréries. Aucun de nous n’a porté de cartes de cer­taines con­fréries. Aucun de nous, n’y est arrivé en vas­sal. Regardez les travaux sci­en­tifiques de tous-tes nos ami-es… Ces per­son­nes sont toutes l’honneur de la Turquie. Ceux sont des per­son­nes qui ont pris une part impor­tante dans tout ce que la Turquie a pu pro­duire au nom de la sci­ence, dans le cadre inter­na­tion­al. Mais le prob­lème est celui-ci : On tente de liq­uider les Uni­ver­sités de la Turquie dans leur ensem­ble. Les valeurs uni­verselles de l’Université, l’existence même de l’Université sont en train d’être liquidées.

L’idée que nous seri­ons ici, 19, 40 lésées, et qu’il y aurait une sol­i­dar­ité avec ces per­son­nes lésées, n’est pas juste. Non. Etre sol­idaire avec nous, est en vérité résis­ter con­tre le proces­sus de liq­ui­da­tion des uni­ver­sités de Turquie. Et chaque per­son­ne qui défend l’enseignement indépen­dant, démoc­ra­tique, sci­en­tifique et laïc, doit se tenir près de nous. Le rassem­ble­ment d’aujourd’hui mon­tre d’ailleurs que nous nous tenons coude à coude. Mer­ci beaucoup.

Nous voudri­ons exprimer aus­si, que cette sol­i­dar­ité émeut, aus­si bien nos étu­di­ants à Kocaeli, Ankara, Niğde, Adıya­man, que d’une façon générale l’opinion publique. Nous vous remer­cions, par­ti­c­ulière­ment pour cela aussi.

Vive notre lutte pour l’université, indépen­dante, démoc­ra­tique et laïque.
Vive la Paix !

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universitaires kocaeli

Nous revien­drons !
Nous n’a­ban­don­nons pas nos étu­di­antEs et cette ville !

Et comme à Kedistan, nous avons le désir de joindre l’information à l’initiative militante, nous incitons les universités européennes à des parrainages individuels ou collectifs, des échanges et des délégations.

 

Nous tenons égale­ment à ajouter un extrait de l’ap­pel pub­lié sur le site Indis­ci­pline par Igor Babou, dès 22 juil­let. Il est tou­jours d’actualité…

Après avoir fait l’é­tat des lieux, Igor Babou, pro­fesseur des uni­ver­sités en Sci­ences de l’in­for­ma­tion et de la com­mu­ni­ca­tion, ajoute :

Que faire, à notre niveau, pour être sol­idaires de ces col­lègues turcs ? Il y a sans doute des péti­tions à sign­er, mais on sait bien qu’elles ont peu d’impact. Une autre idée, serait que dans cha­cune de nos insti­tu­tions, de nos UFR ou de nos lab­o­ra­toires, nous pre­nions nos plumes pour inviter offi­cielle­ment un uni­ver­si­taire turc à inter­venir pour une con­férence : avec let­tre à en-tête, et argu­men­taire sci­en­tifique. Par exem­ple sur des sujets con­cer­nant la démoc­ra­tie et le débat pub­lic, même si les col­lègues turcs sont physi­ciens ou épigraphes, spé­cial­istes des bac­téries du sol ou chercheurs en lit­téra­ture du moyen-âge. L’idée serait de met­tre en cir­cu­la­tion, publique­ment, un ensem­ble de let­tres d’invitation de ce type, évidem­ment des­tinées à des col­lègues ne sou­tenant pas publique­ment l’actuel pou­voir, de manière à rap­pel­er à ce dernier qu’une opin­ion publique inter­na­tionale existe et qu’elle n’entend pas, en dépit des vacances ou du bruit médi­a­tique, se désol­i­daris­er de ce qui est l’essence de la démoc­ra­tie et de nos métiers d’enseignants-chercheur, à savoir la lib­erté de parole, de ques­tion­nement cri­tique, et de cir­cu­la­tion au-delà des fron­tières de nos États et de nos institutions.

Mer­ci, donc, aux col­lègues qui con­naî­traient des uni­ver­si­taires turcs de bien vouloir pren­dre con­tact avec eux, ou avec des gens de con­fi­ance, de manière à envis­ager avec eux les démarch­es indi­vidu­elles ou col­lec­tives qui les aideraient5. Mer­ci de ne dress­er ici aucune liste qui pour­rait avoir l’effet inverse de celui escomp­té, et qui ris­querait de nuire à des per­son­nes qui auraient eu la chance de ne pas avoir été repérées par le pou­voir turc… Compte tenu du con­texte, il paraît extrême­ment impor­tant d’agir, mais aus­si d’agir avec pru­dence et esprit de respon­s­abil­ité, pour que les invi­ta­tions ne soient pas envoyées sans un con­tact préal­able en Turquie avec des uni­ver­si­taires dignes de con­fi­ance et en éval­u­ant pré­cisé­ment avec eux les ter­mes de l’invitation. Il ne s’agit donc pas d’une péti­tion à gér­er, mais de quelque chose que cha­cun peut met­tre en place à son niveau.

 


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