Comme nous l’annoncions hier, le procès concernant les mines d’extraction au cyanure autour d’Artvin, connues sous le nom de Cerattepe, avait lieu aujourd’hui 19 septembre 2016. Pour cette journée de procès à Rize, d’intenses mesures de sécurités avaient été mises en place. Une campagne d’intimidation avait été lancée depuis plusieurs jours contre les personnes qui voulaient se rendre à Rize pour suivre le procès, et la Préfecture avait déclaré une interdiction de rassemblement et de manifestation, comprenant aussi bien les meetings que les conférences de presse.
Le convoi qui se rendaient à Rize depuis Artvin, dont faisaient partie Nur Neşe Karahan, présidente de l’association Yeşil Artvin (Artvin Vert), l’avocat de l’association Bedrettin Kalın et Uğur Bayraktutan, député CHP d’Artvin, a été arrêté plusieurs fois, et les participants ont été fouillés jusqu’aux chaussettes.
#Cerattepe 5 yerde durdurup çoraplarımıza kadar arasalar da buradayız. Her yer artvin her yer direniş! pic.twitter.com/aCYSzIouqW
— emre sümenoğlu (@hastasiempre08) 19 septembre 2016
Après ce voyage dans des condition de loi martiale, après le passage de 5 points de contrôle sur 156 km de route, une partie du convoi a pu arriver jusqu’au palais de Justice. Le procès de Cerattepe a alors commencé dans une ambiance tendue.
Dès le départ, l’avocat Bedrettin Kalın a signalé que la majorité des personnes composant la partie civile n’ont pas été autorisées à accéder à Rize et a donc réclamé le report de l’audience. La demande a été refusée par le tribunal.
Bedrettin Kalın : “Nous menons une lutte pour la Vie. Toutes nos rivières sont déjà exploitées pour des barrages et des centrales hydroélectriques. Une ville est condamnée à disparaitre par ces mines d’extraction. Pendant la période d’appel d’offre de la zone de mine, toutes sortes de pratiques illégales ont été effectuées. Nous avons ouvert des procès aussi bien pour l’autorisation d’exploitation, que l’annulation de l’offre d’appel, mais nos demandes ont été refusées. En 2015, trois scientifiques désignés par l’Université technique de Karadeniz, ont attesté de l’inutilité publique de l’extraction à Cerattepe. Il n’y a pas eu de rapport d’impact environnemental (ÇED) concernant la voie téléphérique projetée pour le transport du métal extrait. Alors que le Conseil d’Etat a pris une décision d’arrêt des travaux, le fait que dans ce procès-ci, la décision d’arrêt ne soit pas prise, est-ce du Droit ?”
L’avocat, a souligné que ce projet d’extraction n’apporte pas un grand bénéfice à l’Etat. « La valeur de 2% qui revient à l’Etat est de 42 millions de livres turques. En tant qu’habitantEs d’Artvin, nous sommes prêts à verser cette somme à l’Etat. Mais le souci de l’Etat n’est pas cette valeur de 2%, mais qui partagera la part de 98%. »
Mehmet Oruç, l’avocat du TMMOB (Union des Chambres des architectes et des ingénieurs de Turquie), a pris parole et précisé que les rapports d’impact environnemental (ÇED) sont fournis par la méthode copier-coller, tout en soulignant que Ceniz Holding n’est pas une enseigne de confiance. « Les rapports d’expertises sont insuffisants et erronés. De nouvelles observations et expertises sont nécessaires ».
Plusieurs scientifiques et chercheurs ont pris parole…
Prof. Dr. İbrahim Kaboğlu, juriste spécialisé au Droit constitutionnel à présenté au tribunal, un rapport juridique de 12 pages : « Je suis arrivé ici, traversant des mesures de sécurité que je n’ai jamais vu de ma vie, même en accédant au tribunal de Silivri [où se sont déroulés plusieurs procès sensibles]. La décision que vous prendrez ici, concerne, non pas seulement Cerattepe, mais tout le pays. Cette décision, sera un plus pour notre espoir d’une société de qualité. »
Prof. Dr. Doğan Kantarcı « Le rapport d’expertise mis devant vous, n’est acceptable ni scientifiquement, ni d’un point de vue éthique pour la science. Cette mine d’or, détruira Artvin, il n’y a pas d’autre issue. J’ai honte des scientifiques qui peuvent rendre un tel rapport. »
Prof. Dr. Oğuz Kurdoğlu : « Les investissements qui ne sont pas écologiques, ne peuvent pas être économiques. Le projet de Cerattepe sera une vraie destruction écologique. C’est la première fois que nous rencontrons un rapport d’expertise qui ne donne pas d’avis. Ce rapport, fait référence à des expertises commerciales précédentes, mais il n’y a aucune référence à des rapports scientifiques fournis. » a‑t-il dit en ajoutant des exemples d’erreurs se trouvant dans le rapport.
L’avocat de Cengiz Holding, a pris parole à son tour, et demandé tout simplement l’annulation du procès.
Au bout de 6 heures, l’avocat de la partie civile Bedrettin Kalın, a demandé une récusation de juge, en déclarant : « Il y a un déploiement policier exceptionnel à Artvin. Parce qu’ils savent quelle décision sortira de ce procès, ils prennent des précautions pour étouffer les réactions que la décision va provoquer. Tous les juges qui ont pris des décisions positives pour Cerattepe ont été retirés de leurs fonctions. Nous connaissons les raisons. Nous pensons que le tribunal a perdu sa neutralité et nous refusons donc ce tribunal. »
Suite à cette déclaration, la partie civile, ses avocats et les soutiens ont quitté la salle d’audience.
Bedrettin Kalın a annoncé à la sortie du Tribunal : « Nos droits d’accès au tribunal et à la Justice étant empêchés, il n’est pas possible ni sensé de chercher Justice ici. »
A suivre donc, même si, dans cet état d’urgence en Turquie, on sait que le “droit” est la dernière des priorités.