Depuis le 16 août Aslı Erdoğan a été elle aus­si jetée en prison. L’ac­cu­sa­tion, tou­jours la même, depuis que la nou­velle loi con­tre le “ter­ror­isme” a été “large­ment” votée au Par­lement, avant même le putsch man­qué , est celle de “sou­tien à un mou­ve­ment terroriste”.

Le même chef d’ac­cu­sa­tion qui il y a peu per­me­t­tait de main­tenir en garde à vue une jeune Belge d’o­rig­ine turque, Bilen Ceyran. Le même motif qui per­mit de met­tre en geôle notre amie Zehra Doğan, jour­nal­iste à l’a­gence JINHA, qui avait été mise en garde à vue en Turquie le 21 juil­let, après une par­o­die de pas­sage devant un juge. Şer­min Soy­dan, jour­nal­iste du l’a­gence DIHA qui risque la per­pé­tu­ité  accusée d “inciter le peu­ple à la rébel­lion et être mem­bre d’organisation ter­ror­iste”. Necmiye Alpay, une auteure actuelle­ment der­rière les bar­reaux, dans la même prison et avec les mêmes accu­sa­tions qu’à l’en­con­tre d’Aslı Erdoğan.

Nous ne nous lancerons pas dans l’étab­lisse­ment d’une liste, qui ne pour­rait être exhaus­tive, de toutes les femmes “com­bat­tantes” de l’in­for­ma­tion ou tout sim­ple­ment de la lib­erté d’in­former que cette loi scélérate, dou­blée d’un état d’ur­gence, per­met de musel­er dans un pre­mier temps, de réprimer de toutes les manières dans les pris­ons turques dans un deux­ième temps.

On ne con­naît que trop bien l’imag­i­na­tion des geôliers, quand il s’ag­it de “dimin­uer” une per­son­ne, tout en respec­tant une “légal­ité” de façade, si chère à cer­taines com­posantes qui ont accom­pa­g­né les votes AKP au par­lement. La grande unité nationale con­tre le ter­ror­isme autorise la vio­la­tion de toutes les lib­ertés fon­da­men­tales, dès lors où cela se fait dans le silence.

Et c’est bien pour cela que l’on se doit de taper sur les casseroles, nous qui devant nos écrans avons le pou­voir de faire du bruit.

N’ou­blions pas non plus que ces femmes sont aus­si vic­times d’un “nation­al­isme patri­ar­cal”, qu’un ren­force­ment religieux vient com­pléter. C’est ce qui donne sens aus­si à leur com­bat politique.

Elles n’ap­précieraient guère les “paas bien, pas cool”, une larme, et puis s’en vont. Elles revendiquent toutes un com­bat, et ne bais­sent pas la tête devant une “Nation” qui leur dit de rester à leur place. Sou­venez-vous du “femme tais-toi”, pronon­cé au par­lement. Leur empris­on­nement n’est pas qu’une “exagéra­tion” de la Nation/République turque, rép­ri­mant juste une imper­ti­nence de façon trop appuyée, et qu’on pour­rait “répar­er”. Ce régime est sous état d’ur­gence grâce à une unité nationale “con­sen­tie” aus­si par le prin­ci­pal par­ti kémal­iste. Il serait peut être temps de s’en ren­dre compte.

Les soutenir ici, c’est soutenir le fond de leur combat.

Dans Le Bâti­ment de pierre, Aslı Erdoğan évoque l’u­nivers carcéral…

C’est un réquisi­toire con­tre la prison. Elle rend hom­mage à tous ceux, toutes celles, qui ont été tor­turéEs et qui ont vu leur famille brisée après le coup d’E­tat de 1980, et ce n’é­tait pas encore le pou­voir Erdoğan…



Le Bâti­ment de pierre com­mence ainsi :

Les faits sont patents, dis­cor­dants, grossiers… Ils enten­dent par­ler fort. À ceux qui s’intéressent aux choses impor­tantes, je laisse les faits, entassés comme des pier­res géantes. Ce qui m’intéresse, moi, c’est seule­ment ce qu’ils chu­chotent entre eux. De façon indis­tincte, obsé­dante. Je fouille par­mi toutes ces pier­res, en quête d’une poignée de vérité, ou du moins de ce qui, jadis, s’appelait ain­si, mais qui n’a plus de nom. Par-delà un éclair lumineux, je cherche, tou­jours plus pro­fond, avec l’espoir, si je reviens, de rap­porter une poignée de sable qui glis­sera entre mes mains, je suis en quête de la chan­son du sable. “Qui par­le de l’ombre dit vrai.” La vérité dia­logue avec les ombres. Aujourd’hui, je vais par­ler du bâti­ment de pierre où le des­tin se cache dans un coin, où l’on observe à dis­tance le revers des mots. Il a été con­stru­it bien avant ma nais­sance, il a cinq étages sans compter le sous-sol, et un escalier d’entrée.

Si l’on veut écrire, on doit le faire avec son corps nu et vul­nérable sous la peau… Les mots 10 ne par­lent qu’avec les autres mots. Prenez un V, un I et un E et vous écrivez Vie. À con­di­tion de ne pas vous tromper dans l’ordre des let­tres, de ne pas, comme dans la légende, laiss­er tomber une let­tre et tuer l’argile vivante. J’écris la vie pour ceux qui peu­vent la cueil­lir dans un souf­fle, dans un soupir. Comme on cueille un fruit sur la branche, comme on arrache une racine. Il te reste le mur­mure que tu perçois en plaçant con­tre ton oreille un coquil­lage vide. La vie : mot qui s’insinue dans ta moelle et dans tes os, mur­mure évo­quant la douleur, son qu’emplissent les océans. 

Paru en français chez Actes Sud, en jan­vi­er 2013 vous pou­vez le con­sul­ter en ligne en suiv­ant ce lien, ou com­man­der ici

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