Kedistan est au Festival de Douarnenez, consacré cette année aux “peuples de Turquie”. Ce sont des “vacances” studieuses, mais extrêmement riches en rencontres dont nous vous ferons part.Hier soir, nous participions gaiement sur la place du “village du Festival” à la bonne humeur générale. Beaucoup dansaient sous nos yeux, et nous regardions ces gavottes bretonnes en disant “c’est comme notre halay, c’est joyeux”. A ce moment précis, nous avons appris l’attaque à la bombe à Gaziantep dans la commune de Şahinbey, lors d’un mariage.
Les réseaux sociaux étaient encore bloqués cette nuit.
Nous sommes profondément affectéEs et inquietEs.
La préfecture de Gaziantep a tout de suite déclaré 23 morts et 94 blessés. Mais officiellement le bilan s’avère plus lourd et, majoritairement, il s’agit de femmes et d’enfants : 51 morts et une centaine de blessés.
Comme d’habitude, cette censure sur l’information empêche d’avoir les contacts immédiats.
Nous avons appris néanmoins que le couple de mariés, bien que gravement blessé, a échappé à la mort. Il s’agit d’une famille soutenant le HDP, connue et très engagée. La cible de cet attentat ne peut autoriser aucun doute, ni aucune supputation d’aucune sorte, même si ici où là apparaissent des questionnements fantaisistes accusant bien sûr le PKK.
Les réseaux sociaux sont infestés aujourd’hui de messages de haine allant jusqu’à prétendre que “le PKK aurait tué son propre peuple par stratégie” ! Et des “journalistes de salon” commencent ici à reprendre ces questionnements ignobles.
BDP et HDP ainsi que les familles des blessés ont demandé des dons du sang. En réponse, Kızılay (croissant rouge) aurait annoncé qu’il n’y avait pas besoin de sang.
Des jeunes présents lors de l’attentat devant la salle témoignent en parlant de deux voitures étaient stationnées. Une des voitures avait deux jeunes à son bord, seule celle-ci est repartie aussitôt après l’explosion. Depuis, les “autorités” ont déclaré qu’il s’agissait bien d’un gilet explosif, et donc d’un attentat suicide.
Nous apprenons également ce matin que dans la nuit, plusieurs personnes se sont rendues dans les divers hôpitaux pour donner du sang et se sont retrouvées face à des groupes nationalistes avec des drapeaux. Cela semblait plutôt organisé.
Une délégation du HDP, composée de députés et ses co-présidents, dont Demirtaş, qui a annulé son voyage à l’étranger, s’est rendue à Gaziantep, aussitôt après l’attentat.
L’autopsie de 41 victimes est terminée, ainsi qu’un certain nombre d’identifications.
Erdogan a ce matin, très tôt, fait une déclaration. Condamnant l’attentat, il a appelé à l’unité nationale, en précisant qu’il n’y avait aucune différence entre les “organisations terroristes” du PKK, FETÖ et Daech… Renvoyant tout le monde dos à dos comme d’habitude.
Gaziantep est une région quasi-base arrière de Daech en Turquie, de surcroît zone de trafics autour de l’exploitation des camps de réfugiés syriens par diverses “mafias”, restes des connivences entre l’Etat turc et Daech proche.
Les récents revers militaires de Daech peuvent aussi expliquer cette attaque. Mais fondamentalement, cette région reste une mèche qui peut à tout moment être allumée pour pousser les populations les unes contre les autres. Et l’on sait que cette dernière année écoulée, chaque attentat a eu des suites, chaque fois instrumentalisées par Erdoğan.
Au-delà de cette émotion, rendue plus forte encore par des liens amicaux, la crainte que ce ne soit pour le régime un prélude et un prétexte pour allumer des mèches supplémentaires après la tentative de putsch raté, est grande.