Ce n’est plus un vent de purge qui souf­fle sur la “Turquie nou­velle”, c’est un oura­gan, une chas­se aux sor­cières. Les mis­es en garde-à-vue con­tin­u­ent, beau­coup se ter­mi­nent dans les pris­ons. La sus­pi­cion du moin­dre lien avec la Con­frérie Gülen est réd­hibitoire, mais dans la foulée, les opposants de toutes ten­dances y passent.

Un climat de peur et de délation…

Voici une liste non exhaus­tive, et pour­tant “offi­cielle”.

47.188 fonc­tion­naires limogés !

Min­istère d’éducation : 21.738
Min­istère d’intérieur : 8.777
Min­istère de San­té : 5.581
Min­istère de jeunesse et sport : 2.345
Min­istère de Tra­vail et Sécu­rité social : 1180
Min­istère de la famille et des poli­tiques sociales : 599
Min­istère de agri­cul­ture : 582
Min­istère des sci­ences, indus­trie et de la tech­nolo­gie : 560
Min­istère de com­mu­ni­ca­tions et trans­ports mar­itimes : 529
Min­istère de la défense nationale : 262
Min­istère des eaux et des forêts : 221
Min­istère de l’environnement et de l’urbanisme : 167
Min­istère de cul­ture et de tourisme : 110
Min­istère de développe­ment : 82
Min­istère de l’économie : 15
Min­istère d’extérieur : 2
Diyanet — affaires religieuses : 1112
Tré­sorerie pub­lic : 62
Assem­blée Nationale : 257
ÖIB Admin­is­tra­tion des Pri­vati­sa­tions : 23
TUIK — Insti­tut des sta­tis­tiques : 21
BTK Admin­is­tra­tion des Tech­nolo­gies d’information et com­mu­ni­ca­tion : 228
DHMI — Ges­tion des Aéro­ports : 139
Turk­ish Air­lines 211 licenciements
TAPDK — Régu­lar­i­sa­tion du Marché de l’alcool et du tabac : 8
TOKI — Admin­is­tra­tion du loge­ments publics : 22
TURKSAT (Com­mu­ni­ca­tions satel­lites) : 29
Direc­tion de Reg­istre fonci­er et cadas­tre : 59
TRT — Audio­vi­suel pub­lic : 300
RTUK — Cour suprême de l’audiovisuel : 29
YÖK Con­seil de l’enseignement supérieur : 1577
SPK — Con­seil de Marchés financiers : 36 …

Le min­istre de l’intérieur Efkan Ala a annon­cé mer­cre­di 27 juil­let :
« 15.846 per­son­nes, dont 10.012 mil­i­taires ont été mis en garde à vue. 8.113 arrestations. »

Quelques détails supplémentaires :

7 Préfets, un adjoint et 3 gou­verneurs ont été mis en garde à vue.

Dans (au moins) 41 uni­ver­sités, 1294 uni­ver­si­taires dont 4 doyens, et 323 admin­is­trat­ifs sont limogés. Dans (au moins) 12 uni­ver­sités, 234 gardes à vue, 8 arrestations.

Les chiffres offi­ciels, là encore, sur le coup d’Etat, pub­liés par l’Etat Major “épuré” sont les suivants :
8.651 mil­i­taires ont par­ticipé, dont 1214 élèves, 1676 sol­dat ordi­naire, 5.761 gradés.
35 avions, 37 héli­cop­tères, 74 chars 246 véhicules blind­és, 3 bateaux et 3.992 armes légères ont été utilisés.

La réu­nion semes­trielle du Con­seil Suprême de l’Etat Major devait se dérouler en août. La date a été anticipée. C’est le 28 juil­let qu’il s’est réu­ni, entre autres pour déter­min­er les mis­es en retraite d’of­fice et réaf­fec­ta­tions. Le sort des mil­i­taires putschistes mis en “hors cadre” n’est pas annon­cé à l’ordre du jour, mais a été déjà décidé par un décret-loi annon­cé hier.

149 généraux et ami­raux, 1429 officiers et sous-officiers sont exclus par ce décret-loi.

Les com­man­de­ments de la gen­darmerie et des gardes côtiers sont rat­tachés au min­istère de l’intérieur par ce même décret.

18 chaînes de télévi­sion, 23 radios, 45 jour­naux, 15 mag­a­zines, 29 maisons d’éditions, et 3 agences d’informations sont fer­més par décret aussi.

Le Pro­cureur d’Ankara a demandé la con­fis­ca­tion des biens des 3.049 juges et pro­cureurs pour lesquels il y a un ordre d’arrestation.

Les rem­place­ments com­men­cent…. dans la Turquie nouvelle…
Le Prési­dent de République Erdo­gan a affec­té les nou­veaux doyens de 9 facultés.

Turquie nouvelle

Bonne fête de la presse du 24 juil­let à notre presse qui prend place auprès de la nation et la démoc­ra­tie, con­tre la ten­ta­tive de coup d’état.”

Le 24 juil­let, c’é­tait “la fête de la presse” en Turquie. Le bureau de la com­mu­ni­ca­tion du Pre­mier Min­istre n’a pas man­qué d’en célébr­er la date. Pen­dant ce temps là, pour les jour­nal­istes “la fête” continue…
Déci­sion de tri­bunal pour l’ar­resta­tion de 42 jour­nal­istes. 21 gardes à vue à ce jour.
D’autres sont déjà der­rière les bar­reaux.

35 hôpi­taux et clin­iques, 934 écoles, 109 foy­ers, 104 fon­da­tions, 1125 asso­ci­a­tions, 15 uni­ver­sités, 19 syn­di­cats sont fer­més par décret-loi. (Les biens ont été trans­féré à la Tré­sorerie de l’Etat.).
La liste est impres­sion­nante, rien qu’en la survolant…

Le 26 juil­let Les Etats Unis ont autorisé les départs volon­taires du per­son­nel améri­cain des ambas­sades et leurs familles.

TÜBİTAK, Con­seil de recherch­es tech­nologiques et sci­en­tifique a déclaré le gel des finance­ments con­cernés par le Pro­gramme de bours­es de mas­ter et de doc­tor­at en Turquie.

Par ailleurs, les inter­nautes sont appelés à dénon­cer les comptes qui pub­lient de la “pro­pa­gande opposante” sur les réseaux soci­aux, à la police.

Turquie nouvelle

AA : Les pro­fils qui sou­ti­en­nent la ter­reur seront sig­nalés à la Sécu­rité image : La Direc­tion Générale de la Sécu­rité a demandé aux citoyens, de sig­naler les pro­fils et pages qui sou­ti­en­nent la terreur.

Comme on le voit, “Erdo­gan est affaib­lit”… C’est pour­tant ce qu’on lit ici ou là…

Revenons un peu sur cette purge, qui n’est pas une vague éphémère, qu’une soit dis­ant “con­corde nationale” pour­rait freiner.

Elle révèle plusieurs choses, et ques­tionne sur d’autres.

D’une part, plus per­son­ne ne peut nier qu’Er­do­gan a eu les marges de manoeu­vre pour faire jouer à plein l’ef­fet d’aubaine du coup d’é­tat. Il a gag­né un temps pré­cieux dans sa main mise poli­tique, finan­cière, sur des pans entiers de l’E­tat et de l’é­conomie. Il a “net­toyé” de ses opposants des secteurs clés de l’ap­pareil d’é­tat, et s’est assuré de ne plus avoir “d’af­faires” pour lui, l’AKP, et ses oblig­és cor­rom­pus, devant une jus­tice exsangue et totale­ment à sa botte désor­mais. Il achève sa restruc­tura­tion des forces de répres­sion et de coerci­tion de l’E­tat, sous son con­trôle. Il va créer enfin, une série de pro­mo­tions à des postes inter­mé­di­aires, dans des secteurs de l’ad­min­is­tra­tion, de l’en­seigne­ment, de l’économie…etc… Autant “d’oblig­és” qui lui devront leurs postes et seront en com­péti­tion entre eux.

On pour­rait déclin­er encore davan­tage les avan­tages pour le futur président/sultan, à dis­pos­er désor­mais de fidèles à tous les étages et en tous lieux, tout autant qu’avoir limé les dents de tous les con­tre pou­voirs… Ajoutez à cela la “rue” des sup­port­ers désor­mais élevés au rang de peu­ple patri­ote et fidèle à son leader, et vous avez l’aperçu com­plet de “l’af­faib­lisse­ment” d’Er­do­gan. (Excusez nous, mais c’est tou­jours l’Hu­ma du début de semaine qui passe mal…)

Pas­sons aux ques­tions, car elles sont nombreuses.

Oui, on peut affirmer qu’une telle purge va ren­dre malade l’E­tat turc. Et si les listes étaient prêtes, les can­di­dats aux rem­place­ments eux, s’ils vont se bous­culer, ne seront sans doute pas opéra­tionnels immé­di­ate­ment. Surtout dans des secteurs essen­tiels, et dans d’autres où la cor­rup­tion est la règle… Cette vague peut donc avoir son revers à très court terme, si elle se pour­suit, par méga­lo­manie du Sul­tan, ou déla­tions au sein d’une société civile atom­isée. Elle recèle une con­tra­dic­tion lourde.

Oui, il va fal­loir pour Erdo­gan, trou­ver un juste milieu pour avancer ses pio­ns, et jon­gler entre l’ef­fet “peu­ple de la rue” et “restruc­tura­tion de l’ap­pareil d’E­tat” à son ser­vice. Il lui fau­dra donc ne pas se con­tenter d’in­stru­men­talis­er son oppo­si­tion kémal­iste aujour­d’hui apeurée, et de lui deman­der de “con­trôler” ses troupes et au delà la gauche désori­en­tée de Turquie. Il devra repass­er par la case insti­tu­tion­nelle, ou pouss­er les feux de l’af­fron­te­ment comme il le fait depuis un an entre les forces vives de la Turquie.

Dif­fi­cile de voir se dessin­er, en pleine vague, la tra­jec­toire poli­tique que l’AKP va choisir. Les forces qui poussent tou­jours plus loin, et la pro­pre “per­son­nal­ité méga­lo­mane” du prési­dent sont tou­jours à l’oeu­vre. La preuve en est qu’il n’a pas pris la balle au bond lun­di dernier, alors que les dirigeants kémal­istes lui pro­po­saient allégeance… Il a con­tin­ué mal­gré cela sa purge provo­ca­trice bien au delà de ses pré­textes (Gülen)

Mais cet état de siège interne trou­vera son pro­pre effet de cli­quet, puisque, ne l’ou­blions pas, il est au ser­vice d’un pro­jet poli­tique d’Er­do­gan que nous con­nais­sons par coeur…

Si l’équa­tion “guerre civile ouverte” ou “retour à un change­ment con­sti­tu­tion­nel rad­i­cal” est tou­jours dans les lignes de fond ouvertes par la sit­u­a­tion actuelle, (et déjà présentes dans l’a­vant coup d’é­tat), cette vague n’est pas sans mod­i­fi­er nom­bre de paramètres.

C’est pourquoi, nous por­tons une atten­tion aux posi­tion­nements du HDP, seule force d’op­po­si­tion autonome, mais frag­ilisée et mise à l’é­cart, et surtout à l’at­ti­tude de ses sou­tiens pop­u­laires. Il ne s’ag­it pas de s’in­téress­er là à des démarch­es politi­ci­ennes, mais de con­stater que ces forces, à majorité kur­des, con­tin­u­ent inlass­able­ment de pro­pos­er l’op­tion de la paix civile, sans pour autant se mêler à la “con­corde nationale”, cré­do kémal­iste. Cette force poli­tique là, représente plusieurs mil­lions de per­son­nes dans le pays et plonge ses racines au Kur­dis­tan turc, comme dans des quartiers des grandes métrop­o­les. Sa main ten­due n’a aucune chance d’être saisie, et elle ne s’adresse pas à Erdo­gan non plus… Une mise à feu reste tou­jours pos­si­ble, sou­venons nous de Suruç, rap­pelons nous aus­si qu’Ö­calan est tou­jours otage, et qu’au­cunes nou­velles ne parvi­en­nent de sa prison… Nous en repar­lerons, mais l’in­quié­tude est grande, et cela reste la carte poli­tique extrême de provo­ca­tion pos­si­ble d’Er­do­gan, si il choi­sis­sait l’op­tion guerre ouverte…

Le cen­tre droit kémal­iste, qui joue le jeu dan­gereux du statu quo au mieux, de l’al­liance avec Erdo­gan au pire, a ajouté la con­fu­sion poli­tique au chaos d’après coup d’Etat.

Erdo­gan pour­rait donc jauger aus­si, c’est une autre option, de l’é­tat d’af­faib­lisse­ment de toute oppo­si­tion, de l’a­vancée de ses pris­es en mains, du con­tente­ment du peu­ple bar­bu face aux têtes qui tombent, pour ne pas aller plus avant dans une poli­tique intérieure qui fini­rait par lui créer des prob­lèmes inter­na­tionaux à moyen terme.

Un référen­dum plébiscite sur une nou­velle con­sti­tu­tion pour­rait bien naître de ce fait du ressac de la vague, si Erdo­gan a les moyens poli­tiques de la chevaucher.

Ce ne sont là qu’hy­pothès­es, dif­fi­ciles à pos­er, dans ce chaos interne, à l’ombre des dra­peaux et des barbes.


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