Oui, finale­ment nous ne savons jamais si nous devons met­tre une majus­cule à europe ou pas.

Après le numéro de cla­que­ttes de ce matin à pro­pos de la Turquie, nous avons décidé de garder la minus­cule pour un temps. Oui, vous avez bien vu, nous la lais­sons la majus­cule pour­tant pour la Turquie… Nous nous en expli­querons volontiers.

Mais revenons sur le numéro de cla­que­ttes de ce matin entre Olive et Pop­eye, Ken ou Bar­bie, au choix.

Mme Mogheri­ni, diplo­mate ital­i­enne, qui coor­donne l’ac­tion extérieure de l’UE, a aver­ti la Turquie que sa can­di­da­ture à l’UE pour­rait être remise en cause après les déc­la­ra­tions du prési­dent Recep Tayyip Erdo­gan dimanche soir, évo­quant une pos­si­ble réin­tro­duc­tion de la peine de mort…M. J Ker­ry a fait savoir de son côté, que les Etats-Unis et l’U­nion européenne allaient observ­er très pré­cisé­ment la sit­u­a­tion en Turquie. “Le niveau de vig­i­lance et de sur­veil­lance va être impor­tant dans les jours qui vien­nent”, a prévenu M. Kerry.
Gros yeux, moue de répro­ba­tion, fou rire retenu, et le duo s’en va.

La Turquie, « pays sûr », comme le pré­cise l’accord com­mer­cial sur les réfugiés syriens, a donc con­nu une « rad­i­cal­i­sa­tion expresse », pour employ­er un mot à la mode, jusqu’à amen­er deux duétistes à sor­tir de leur tombeau.

Kedis­tan s’est procuré l’enregistrement d’une con­ver­sa­tion télé­phonique qui devrait vous éclairer.

Bar­bie et Ken avait fait un skype avant de sucer des micros cha­cun de leur côté et offrir un numéro de classe inter­na­tionale. En voici l’essentiel :

Bar­bie : « Je t’appelle au sujet de la peine de mort… » Silence…
Ken : « Quoi, en pleine pré­pa­ra­tion d’élections ? Tu veux nous tuer ? » Brouhaha…
Bar­bie : « Non, je par­le pas de chez toi, mais d’Erdo qui déconne… »
Ken : « Ha ben juste­ment j’allais t’appeler. On est peut être allé un peu vite l’autre soir pour soutenir la « démoc­ra­tie turque ». Ce con a pris ça pour lui… »
Bar­bie : « On l’a tous fait tu sais. Mais c’est vrai que sans lui on était un peu dans la merde, avec nos accords… »
Ken : « On a été un peu débor­dés ces jours derniers, ceci explique cela. Entre le Trump qui nous fait du souci, les noirs… enfin, pas celui de la Mai­son blanche, tu me com­prends… et la nouille de Hol­lande qui voulait à tout prix qu’on lui trou­ve une fil­ière de Daesh pour imma­triculer un camion, on a pas pu s’occuper du loukoum… »
Bar­bie : « Nous pareils, avec l’assiette anglaise à digér­er… » Long silence…
Ken : « Bon, faut rat­trap­er le coup…d’état… (rires…). On prend ça par quel bout ? »
Bar­bie : « Je crois qu’on pour­rait la jouer valeurs com­munes, avec cette his­toire de peine de mort… Enfin, de notre côté. Et dire que c’est pas du jeu dans l’Union, ça ras­sur­erait des gens chez nous… Je par­le de la non entrée de la Turquie, pas de la peine de mort… »
Ken : « Là on est d’accord. On n’a qu’à faire comme ça. Tu expos­es, et moi je dis qu’on le sur­veillera de loin si il continue… »
Bar­bie : « ça me va… Au fait, la coali­tion…. » Bip bips… Ken avait raccroché.

Dix meutes de jour­nal­istes plus loin, la con­férence de presse était bouclée, et les mots con­venus s’alignaient sur les médias, les images bougeaient la bouche en boucle, les jour­naux « sérieux » gâchaient du papier.

Toute cette poubelle se retrou­vait jetée sur les réseaux soci­aux, et cha­cun s’en partageaient un bout.
C’est dans l’Express, disait‑l’un, c’est du sérieux. Le Monde dit la même chose, ça doit être impor­tant, surtout que Sput­nik l’a pub­lié aus­si partageait l’autre… Bref, les restes de poubelle étant par­venus jusqu’au Kédis­tan, comme vous le savez bien, pas poli­tique­ment sérieux du tout, et sans “jour­nal­istes pro­fes­sion­nels”, nous avons décidé de faire du ménage, surtout que les chats avaient foutu des cro­quettes partout…

Ah oui ! Turquie, pourquoi garder la majuscule…

On ne sait pas pour vous, mais bien que ça ait l’ap­parence d’un pays de barbes à papa ces jours ci, on aimerait pou­voir garder un peu d’e­spoir pour l’avenir, et surtout con­sid­ér­er que ce grand pays ne peut être effacé d’un trait de plume, rejeté dans sa pénom­bre, parce que d’aucun(e)s préfèr­erait s’empailler en pub­lic autour de la pater­nité du coup d’E­tat, plutôt que chercher la lueur qui reste dans ce chaos des rues.

Rede­venons sérieux, sans être grâââve…

Nous ne cesserons de répéter que réduire ce qui s’est passé ces jours ci à une mau­vaise pièce de théâtre ini­tiée par Erdo­gan, revient à laiss­er croire qu’il n’y avait déjà sur place que deux acteurs, lui d’un côté, le Turc démoc­rate de l’autre. Exit le rôle déter­mi­nant de l’ex­trême droite mil­i­taro kémal­iste dans le “net­toy­age eth­nique” au Kur­dis­tan, exit la néces­sité pour Erdo­gan de choisir le moment de s’at­ta­quer aux soudards qui par leurs “vic­toires” con­tre le ter­ror­isme, ren­forçaient leur glo­ri­ole auprès d’un élec­torat populiste.

Sor­tir cette com­posante là, même si on sait que déjà des “épu­ra­tions” suc­ces­sives avaient réduit cette frac­tion armée à peau de cha­grin, et la con­ti­nu­ité his­torique qu’elle représente, celle du kémal­isme guer­ri­er et patri­ote, celle des “guer­res con­tre les kur­des”, c’est non seule­ment aller vite en besogne, mais aus­si per­dre un élé­ment du puz­zle poli­tique turc. On ne peut dire à la fois une chose et son con­traire. Si Erdo­gan a voulu affaib­lir et cass­er cette image là, c’est parce qu’elle fai­sait tou­jours sens et réal­ité. Penser autre chose serait tomber dans le Fetu­la pré­texte. Même très affaib­lie en capac­ité de mobil­i­sa­tion et de nui­sance, cette option qu’il faut bien qual­i­fi­er de poli­tique, restait dans les options d’op­posants à Erdo­gan, et sou­vent dans la tête de ceux qui avaient con­tribué à le porter au pou­voir, au temps des fari­boles de la “Turquie européenne”.

Ces kémal­istes là, bien loin des par­tis offi­ciels, qui ont très vite déchan­tés et com­mencé à rechanter “l’ar­mée va nous sauver de ce cinglé”, on les retrou­ve dans l’oli­garchie laïque, les retraités de couche moyenne ayant prof­ité de l’as­censeur social kémal­iste des années 1960/70. Ce sont ces couch­es sociales là, sou­vent éli­tistes, méprisantes du petit peu­ple, qui oscil­lent entre intérêts et oppor­tunisme, qui n’ont cessé ces dernières années de con­forter les grands aban­dons du CHP libéral, mais n’ont jamais con­crète­ment rejoint et soutenu l’op­po­si­tion démoc­ra­tique. C’est une com­posante des métrop­o­les de la Turquie, et c’est même celle qui ne fustige en Erdo­gan que son pop­ulisme, tout en con­tin­u­ant à soutenir un Etat com­plète­ment gan­gréné et tra­vail­lé par une fas­ci­sa­tion rampante.

Ce ven­tre mou là, c’est un quart du pays, élec­torale­ment. C’est aus­si ce qui a fait renâ­cler Erdo­gan devant l’ob­sta­cle, dans son proces­sus de change­ment con­sti­tu­tion­nel. Il lui fal­lait donc une stratégie de choc, pour pass­er en force.

C’est ce que Erdo­gan a fait ces jours derniers, sus­ci­tant un sur­saut des restes de l’autre option autori­taire pour la Turquie, pour mieux l’a­bat­tre et la décon­sid­ér­er défini­tive­ment selon lui. La réponse à ce putsch atten­du comme une “béné­dic­tion du ciel” per­me­t­tait au pas­sage, un plébiscite de foules hys­tériques, comme le Sul­tan les aime. Ce fut fait, et ce n’est pas fini.

Les purges mas­sives dans la fonc­tion publique, les arresta­tions sans besoin d’ac­cu­sa­tion, le grand rem­place­ment de juges et mag­is­trats, la décap­i­ta­tion de ce qui restait de l’op­tion mil­i­taire, s’ac­com­pa­gne de la mobil­i­sa­tion d’une Turquie pro­fonde, et de la sor­tie au grand jour des sup­plétifs en tous gen­res, déjà sou­vent présents sur les mas­sacres à l’Est. Là dedans, il ne faut pas oubli­er la carte des bar­bus, pour qui l’heure de la charia sem­ble venue, et qui sont aus­si com­posante poli­tique et sou­tiens du Sul­tan. Dans ce mag­ma là, les ultra nation­al­istes font fig­ure de “défenseurs de la patrie et de la démocratie”.
Erdo­gan a réus­si à retourn­er une sit­u­a­tion atten­due,  en prise de pou­voir “bona­partiste”, pour éviter de longues phras­es. Le Peu­ple, la rue, et Erdogan…

Alors, oubli­er que plus de 35% des pop­u­la­tions turques vont souf­frir dans un pays qui s’en­fonce dans le noir pour un temps, et ne pas laiss­er une majus­cule à leur nom, c’est encore pire que dis­sert­er des heures sur le “com­plot”, pen­dant que les bar­bus net­toient les trottoirs.

Les défenseurs de la démoc­ra­tie, de la cul­ture, de la sauve­g­arde des lieux de vie con­tre la pré­da­tion cap­i­tal­iste, les minorités religieuses, eth­niques, sex­uelles, les femmes, tous com­men­cent à être dans le viseur du “grand net­toy­age”. Tous et toutes doivent pren­dre con­science qu’ils/elles doivent rejoin­dre le com­bat kurde, qui jusqu’alors tendait la main en vain, par des démarch­es autour des ini­tia­tives de paix, et la propo­si­tion poli­tique d’un avenir com­mun à la Turquie, qui “babille” déjà au Roja­va, mal­gré la guerre.

L’avenir immé­di­at de cette oppo­si­tion démoc­ra­tique se heurte à un mur, on le sait. On doit plutôt par­ler de l’or­gan­i­sa­tion de la résis­tance, et du dan­ger qu’Er­do­gan aille plus loin encore dans ses provo­ca­tions, dans une guerre civile qui rem­plac­erait la “drôle de guerre” con­tre le Kurdistan.

L’heure n’est plus aux march­es de la paix, face à la dic­tature en marche. Mais si Erdo­gan a eu l’in­tel­li­gence poli­tique de retourn­er une sit­u­a­tion, et de s’en servir pour un grand bon en avant qui ne fait que débuter, on peut sup­pos­er que la seule résis­tance démoc­ra­tique qui reste, qui elle, s’ap­puie sur des intel­li­gences plutôt que sur l’ob­scu­ran­tisme, saura pré­par­er l’avenir et redonner espoir.

Et comme nous ne voulons pas ter­min­er sur des voeux pieux avec lesquels on ten­tent nous mêmes de se ras­sur­er, nous ne pou­vons que vous inciter, comme dis­ait Ken ce matin, “à sur­veiller de loin…”

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