Lors du massacre de Sivas, connu sous ce nom, Madımak, 37 personnes, dont 33 intellectuelLEs majoritairement aléviEs ont péri dans un incendie volontaire, le 2 juillet 1993.
Les victimes étaient rassemblées pour la 4ème édition du festival culturel alévi, PirSultan Abdal, à Sivas. Une foule haineuse d’islamistes radicaux a mis le feu à l’hôtel Madımak, où les participants étaient logés.
Dans l’incendie, des musiciens, des poètes, tels que Metin Altıok, Behçet Aysan, Hasret Gültekin sont morts asphyxiés et brûlés. C’était le deuxième jour du festival. L’écrivain engagé Aziz Nesin, qui avait entre autres traduit le livre de Salman Rushdie, « Les Versets sataniques » fut un des rares rescapés du massacre, car les assaillants ne l’avaient pas reconnu. Dans l’attaque criminelle pour laquelle la police n’est pas intervenue, le personnel de l’hôtel et des touristes ont également péris…
Au départ, 190 accusés avaient été conduits devant les juges. 14 accusés ont été condamnés le 28 novembre 1997, à des peines de prisons allant jusqu’à 20 ans et 33 autres à la peine capitale. La Cour Suprême a confirmé les peines de prison le 24 décembre 1998, mais a refusé la décision des peines de mort pour des vices de procédure. En février 1999, les 33 accusés ont été de nouveau jugés et et condamnés à mort par la cour de sûreté de l’Etat. En 2002, suite à l’abolition de la peine de mort, les peines ont été transformées en perpétuité. Actuellement 31 coupables sont toujours derrière les barreaux.
La personne, considérée comme le nom clé de l’affaire, Cafer Erçakmak, lors du massacre, membre de Conseil de la Mairie de Sivas, et 8 autres accusés qui se sont évadés après la décision de la Cour Suprême en 1997, n’ont toujours pas été trouvés. Récemment il a été découvert que certains “évadés” étaient recherchés à des adresses erronées, voire à l’adresse du bureau de leur avocat, inscrite “par inadvertance” dans le dossier comme adresse de résidence… De plus les personnes en fuite étaient recherchées non pas pour avoir brûlé vif 33 personnes, mais pour avoir transgressé la loi des rassemblements et manifestations.
Le dossier concernant 7 des “évadés”, a été clos le 13 mars 2012, pour prescription. La Cour Suprême sollicitée par les avocats des plaignants a confirmé cette dernière décision en juillet 2014.
Notons que les procédures de demande d’extradition des coupables qui se trouvent en Allemagne et en Pologne on rencontré également des “retards” ou des vices de procédure. Par exemple la demande concernant le coupable qui se trouvaient en Pologne n’étant pas été fait dans les délais, la Pologne a rendu la personne à l’Allemagne…
Bien qu’aujourd’hui, à son 23ème anniversaire, le dossier soit clos, des démarches de demandes d’extradition sont de nouveau entamées, et toutes les possibilités judiciaires sont sollicitées, par les avocats des plaignants qui ne veulent pas lâcher l’affaire. Par exemple, après la décision de prescription le Tribunal Constitutionnel a été sollicité. Mais… soulignons que Mümtaz Akıncı, un des avocats des accusés est aujourd’hui membre et Juge au Tribunal Constitutionnel…
Tout cela veut dire en résumé, qu’en Turquie, le dossier judiciaire d’une d’un crime comme celui-ci peut rester pendant des années au fond du panier, et les coupables peuvent rester impunis.
Si on jette un coup d’oeil rapide, on comprend tout de suite le pourquoi et le comment.
On constate par exemple, que Şevket Kazan, Ministre de Justice du pouvoir “Refahyol” de l’époque avait rendu visite aux coupable en prison. La liste d’avocats de défense était large, et les coupables étaient défendus par une horde d’avocats, dans laquelle il y avait de nombreux membres et responsables du Refah Partisi1et cela avait attiré les colères dans l’opinion publique. Ces avocats, dans les années suivantes, ont rejoint Saadet Partisi2 et l’AKP3. Certains d’entre eux, ont accédé à des postes de haute responsabilité. Dans cette liste de 26 avocats, se trouve quatre députés AKP aujourd’hui, dont un ministre.
Comment un système de Justice sous ce genre de pression peut fonctionner correctement, pour rendre justice dans un dossier d’une telle envergure et importance ?
Voici quelques noms de la liste :
Av. Şevket Kazan : Ancien député Refah Partisi et ex Ministre de Justice
Av. Celal Mümtaz Akıncı : Président du Barreau d’Afyon, et membre du Tribunal constitutionnel, élu avec les votes AKP.
Av. Hayati Yazıcı : Ministre de l’Etat de l’AKP
Av. Haydar Kemal Kurt : Député AKP d’Isparta
Av. Zeyid Aslan : Député AKP de Tokat, avocat d’Erdoğan quand il était Premier Ministre
Av. Hüsnü Tuna : Député AKP de Konya
Av. Burhanettin Çoban : Maire AKP d’Afyonkarahisar
Av. Faik Işık : Avocat d’Erdoğan, Premier Ministre et Süleyman Mercümek, député de Refah Partisi, accusé de détournement des aides pour Bosnie.
Av. İbrahim Hakkı Aşkar : Député AKP d’Afyon
Av. M. Ali Bulut : Député AKP de Maraş et membre de la Commission Constitutionnelle.
Av. Bülent Tüfekçi : Président de l’AKP à Malatya
Av. Halil Ürün — Candidat Maire de l’AKP à Afyon, accusé du procès de détournement appelé « Billion disparu du Refai Partisi »
Av. Mevlüt Uysal : Maire AKP de Başakşehir à İstanbul
Av. Nevzat Er : Ex Maire AKP d’Eminönü à İstanbul
Av. Suat Altınsoy : Vice Président de l’AKP Konya.
Av. Tayfun Karali : Directeur de Darülaceze4de la Mairie d’İstanbul Métropole
Av. Ferruh Aslan : Directeur d’Edition et diffusion (Médias) de la Mairie d’İstanbul Métropole.
Av. İbrahim Kök : Candidat député de l’AKP à Elazığ
Av. Ali Aşlık : Ex, Président de l’AKP à İzmir
Av. Bedrettin İskender : Candidat à la Mairie de l’AKP à Ümraniye
Av. Ekrem Bedir : Membre AKP du Conseil à la Mairie de Hendek à Sakarya.
Av. Eyüb Karagülle : Ex Président de bureau communal de Saadet Partisi
Av. Faruk Gökkuş : Candidat à AKP à la Mairie de Kâğıthane
Av. Hasan Hüseyin Pulan : Membre de Commission de discipline de l’AKP à İstanbul Av. Hurşit Bıyık : Vice Président de l’AKP à Trabzon
Av. Reşat Yazak : Membre de Conseil d’Administration de Anadolu Ajansı (AA — Agence d’information officielle)
Comme vous voyez, la plupart des avocats qui ont défendu les accusés du massacre de Sivas, se sont trouvés ou se trouvent encore à des postes importants ou clés à l’AKP et dans l’appareil d’Etat.
Si vous étiez procureur et juge dans ces conditions, si vous n’aviez pas encore été retiré de vos fonctions, ou mis en placard et remplacé, comment feriez-vous sous cette pression ?
A la mémoire des victimes du Massacre de Sivas…
#UnutMadımaklımda
Muhlis Akarsu — 45 ans, artiste
Muhibe Akarsu — 45 ans, épouse de Muhlis Akarsu
Gülender Akça — 25 ans
Metin Altıok — 53 ans, poète, auteur, philosophe
Mehmet Atay — 25 ans, journaliste, artiste photographe
Sehergül Ateş — 30 ans
Behçet Sefa Aysan — 44 ans, poète
Erdal Ayrancı — 35 ans
Asım Bezirci — 66 ans, chercheur, auteur
Belkıs Çakır — 18 ans
Serpil Canik — 19 ans
Muammer Çiçek — 26 ans, acteur
Nesimi Çimen — 62 ans, artiste, poète
Carina Cuanna Thuijs — 23 ans, chercheuse hollandaise (voir le film Madımak, le journal de Carina)
Serkan Doğan — 19 ans
Hasret Gültekin — 22 ans, artiste poète
Murat Gündüz — 22 ans
Gülsüm Karababa — 22 ans
Uğur Kaynar — 37 ans, poète
Emin Buğdaycı — 18 ans, poète
Asaf Koçak — 35 ans, caricaturiste
Koray Kaya — 12 ans
Menekşe Kaya — 15 ans
Handan Metin — 20 ans
Sait Metin — 23 ans
Huriye Özkan — 22 ans
Yeşim Özkan — 20 ans
Ahmet Özyurt — 21 ans
Nurcan Şahin — 18 ans
Özlem Şahin — 17 ans
Asuman Sivri — 16 ans
Yasemin Sivri — 19 ans
Edibe Sulari — 40 ans, artiste
İnci Türk — 22 ans
Cengizhan Demir — 28 ans
Ahmet Öztürk — 21 ans, employé de l’hôtel
Kenan Yılmaz — 21 ans, employé de l’hôtel