Depuis que le Président sur ma télé m’a dit que le monde entier ourdissait un complot contre la Turquie, c’est plus fort que moi, je n’ai pas pu me retenir. Je donne encore du boulot à mes traducteurs…
Boum, elle a fait la bombe, il y a peu de temps. Des cercueils sur l’écran, et puis surtout des langues qui se délient dans l’ascenseur. Moi, je suis contente quand les voisins accusent le Reis de leur apporter l’insécurité. Pendant deux jours, j’ai croisé les doigts pour que quelqu’un découvre qu’un type du MIT ou ce qui lui ressemble soit mêlé à l’explosion. Comme pour l’attentat d’Ankara, le doute se retournait contre les allumeurs d’ampoules qui nous allument des incendies partout.
Et puis vendredi, TAK, yırtık dondan çıkar gibi (comme s’il sortait d’un slip déchiré), il revendique l’attentat. Ils aurait pu la fermer…
Le voisin du coup, a ressorti le refrain, et il y a eu des couplets sur les « terroristes » qui n’avaient rien à envier aux infos officielles et aux déclarations moustachues. J’ai remballé mes couplets à moi, et on a parlé du prix des tomates.
Vraiment, le temps est au brouillard, et pourtant le Bosphore est sous le soleil.
TAK, elle a fait ma télé.
Du coup, je l’avais éteinte durant vingt quatre heures, et j’ai aussi laissé les journaux de côté. Pourtant la curiosité l’a emporté, et là…
J’ai vu le Président s’envoler. Attention, ne me faites pas dire ce que je ne dis pas. Non, il a encore pris l’avion pour les Etats Unis. Officiellement, un boxeur ami de la Turquie avait déposé ses gants, et Tayyip devait aller prononcer un éloge funèbre. Le Champion n’a jamais fait partie des sportifs turcs, mais il paraît qu’il boxait dans l’équipe musulmane, donc qu’il en portait le maillot. Enfin, je me comprends.
Je ne suis pas si ignorante que ça, pour savoir que le boxeur en question était plutôt plus « droits civiques » que négationiste. Qu’est-ce que le Tayyip pouvait donc avoir à foutre à cet enterrement d’un gars qui a consacré sa vie à défendre les libertés ? Bon, paraît qu’il faisait pas beau là bas et que le Président a écourté le voyage.
Des amis m’ont raconté que la famille avait « comploté » contre lui et qu’il n’avait pas pu faire son numéro devant Obama. Retak, elle a fait ma télé, et je me suis dit que le voisin allait me dire que décidément personne ne nous aimait, alors qu’une semaine plus tôt il aurait rigolé des mésaventures d’un poseur de bombes.
Si, si, j’y tiens… Déjà, quand il y avait eu ces scandales de corruption, le voisin avait vilipendé Erdogan et sa clique… Puis il avait oublié et avait du revoter pour lui, par « sécurité ». Je sais pourtant que ce n’est pas un de ceux qui fréquente la mosquée, et qu’il a comme beaucoup de monde une photo du Kemal dans l’entrée. C’est pour ça que je ne désespère pas qu’un jour il fasse une overdose d’ampoule, à l’occasion d’un truc grave, et qu’on se recause dans l’ascenseur.
Les Turcs, dans le fond, ils sont bien comme tout le monde, quand c’est trop, c’est trop ! Et chaque fois je croise les doigts et retak à la télé, c’est reparti pour un tour…
Paraît que du coup Tayyip est monté au minaret pour donner une leçon aux allemands. Notre maître du monde à nous, n’a pas apprécié qu’on lui reparle des Arméniens. En fait, le voisin non plus. Mais lui il a seulement dit « de quoi qu’y se mêlent »… Moi j’ai vu le Tayyip, comme dans les paroles de votre Marseillaise, parler de sang impur et menacer comme d’habitude, les artisans du complot.
La honte de la Turquie. Du coup on passe tous pour des demeurés qui ne veulent pas regarder leur passé en face. Surtout qu’il n’y a pas que les Arméniens que notre Président voudrait qu’on ignore… La liste est longue.
Non, je ne reviendrai pas sur les « terroristes ». Le Président ne prononce même plus les noms de ceux qu’il fait assassiner. Déjà qu’il ne voulait pas qu’ils parlent leur langue, lui ça l’écorche de dire les « Kurdes », sauf quand ils s’adressent aux kurdes musulmans pour les diviser, là il dit “mes frères kurdes”, comme il a eu le culot de le faire en se rendant sur place.
C’est alors qu’apparut le démographe… “Nous devons nous multiplier, aucun musulman ne peut accepter la contraception, trois enfants minimum bla bla bla…”. Il a même été question de demie femmes, de femmes incomplètes… Et il n’a pas fait les choses à moitié.
Je savais déjà que je n’avais pas rempli mon quota de marmots, puisque je n’ai jamais donné les trois enfants à la nation. Voilà que j’en deviens coupable, et que ce que je pensais réglé pour les femmes, les coupe en deux. Celles qui ne voudraient pas donner des fils à Tayyip seraient des moitiés de femmes. Encore un complot contre la nation !
Du coup, je me suis dit que si la voisine ne réagirait sans doute pas non plus, les jeunes n’en resteraient peut être pas là… ça, je ne l’ai pas vu à la télé, mais un slogan de manifestation paraît-il disait « les hommes qui parlent de demies femmes sont tous coupés ». J’ai rigolé toute seule. Ces hommes là sont des demi-hommes.
Voilà, j’ai raccourci moi aussi pour la traduction… C’est Ramadan non ?
La position de la femme dans sa vie professionnelle ne doit jamais mettre en arrière sa maternité. Une femme qui évite la maternité sous prétexte du travail, c’est qu’elle renie sa féminité. Une femme qui refuse la maternité, qui manque de s’occuper de sa maison, même si elle réussit dans sa vie professionnelle, elle est incomplète, elle est demie.
Kadının iş hayatındaki konumu onun anneliğini asla geriye atmamalıdır. Çalışıyorum diye annelikten imtina eden bir kadın aslında kadınlığını inkar ediyor demektir. Anneliği reddeden, evini çevirmekten imtina eden bir kadın iş hayatında ne kadar başarılı olursa olsun eksiktir, yarımdır.
Recep Tayyip Erdogan