Par­mi les offen­sives mil­i­taires au sol con­tre les villes syri­ennes tenues par Daech, il en est une qui porte ses fruits au Nord de la Syrie à Minbej .
“La dernière route reliant Min­bej (Man­bij) à la fron­tière turque a été coupée ven­dre­di matin par les Forces démoc­ra­tiques syri­ennes (FDS), forces alliées arabo-kur­des soutenues par les Etats Unis et à nou­veau la France”, a annon­cé Rami Abdel Rah­mane, directeur de l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH).
Encer­clées, les forces de Daech ten­taient hier de bris­er le siège sans succès.

Ain­si, le prin­ci­pal axe de rav­i­taille­ment entre la Syrie et Turquie est coupé à la suite de cet encer­clement total de la ville ce vendredi .

Minbej

3000 com­bat­tants des forces démoc­ra­tiques syri­ennes, dont 2 500 arabes, ont été engagés, regroupés au sein d’un « con­seil mil­i­taire de Man­bij », créé en avril après plusieurs mois de négociations.

Cette par­tie de la région était prin­ci­pale­ment habitée par des pop­u­la­tions arabes et turkmènes.

Et le gou­verne­ment turque avait men­acé d’empêcher la présence des forces kur­des à leur côté. La Turquie refuse la jonc­tion des ter­ri­toires kur­des et arabes de la désor­mais con­fédéra­tion à ses fron­tières, et voit d’un très mau­vais oeil ses accès à la Syrie con­fisqués, en même temps que ses échanges économiques clan­des­tins avec Daech défini­tive­ment blo­qués à cet endroit.

Les com­bats pour repren­dre Min­bej ont fait au moins 218 morts (159 jihadistes, 22 com­bat­tants FDS et 37 civils), selon les chiffres don­nés offi­cielle­ment. Les forces FDS ont déjà repris 79 petits vil­lages aux jihadistes.

C’est dans l’un de ses vil­lages qu’un pho­tographe de l’a­gence Reuters a pris ces images d’une femme en train d’en­lever un niqab.
Que Dieu les maud­isse”, lance Doha Hajj Ali, une vil­la­geoise. “Ils dis­aient aux femmes, cachez vos yeux, soeurs, ou encore n’ayez pas peur de nous, ayez peur seule­ment de Dieu. Tout était inter­dit : le maquil­lage, les fêtes, les mariages”.

Espérons que ces mêmes femmes rejoin­dront le com­bat fémin­iste des femmes kur­des, et qu’elles ne retomberont pas sous une autre dom­i­na­tion de la part de cer­tains de leurs « libérateurs ».

voile Minbej

Minbej

Min­bej est un point clé sur un axe pour le rav­i­taille­ment de Daech, entre la Turquie et son fief du nord de la Syrie, Rak­ka. C’est aus­si un axe de « retraite » coupé. C’é­tait aus­si un impor­tant « marché du pét­role », ces enchères en gros sur lesquelles Daech écoule sa pro­duc­tion de pét­role à des inter­mé­di­aires, vers la Syrie, l’Eu­rope et la Turquie.

Les avions de la coali­tion inter­na­tionale bom­bar­dent en per­ma­nence Min­bej et les dizaines de mil­liers de civils qui s’y trou­vent encore ne peu­vent pas sor­tir car toutes les routes autour de la ville ont été coupées.

Il a été pré­cisé :« Les FDS ont coupé ce matin la dernière route reliant Man­bij au point de pas­sage frontal­ier Al-Raï, du côté nord-ouest. »
« Pour que les dji­hadistes parvi­en­nent de Rak­ka à la fron­tière turque, ils doivent emprunter désor­mais une route plus dan­gereuse pour eux, en rai­son de la prox­im­ité des troupes du régime syrien et des bom­barde­ments russ­es. »

Selon les agences de presse, les forces gou­verne­men­tales de Bachar ten­tent d’ailleurs d’avancer en direc­tion de cette route, reliant Rak­ka à Alep en allant en direc­tion de la ville de Tabqa, dont elles sont dis­tantes à ce jour de 30 km. Si Daech per­dait aus­si cette voie de com­mu­ni­ca­tion, ses troupes pour­raient se retrou­ver coupées en deux en Syrie.

Alors, les médias du monde entier relaient ces infor­ma­tions « mil­i­taire­ment » impor­tantes, mais cha­cun à leur manière, selon le “camp” choisi.
Les sou­tiens de Bachar et les soit dis­ant relais « alter­nat­ifs » pro Pou­tine évidem­ment, insis­tent sur le rôle des Russ­es, et sur le « cam­ou­flet » infligé à Erdo­gan, il y a peu encore très con­ciliant avec ses « voisins ». Les Russ­es, qui auraient été, depuis plusieurs mois, les « arti­sans » des vic­toires mil­i­taires… On sait qu’en Europe, des politi­ciens de droite comme de gauche sou­ti­en­nent cette ver­sion d’un des « impéral­ismes » présent dans la région, au nom de la « paix en Syrie ». Les efforts vers le fédéral­isme, matéri­al­isés par le Roja­va, fait par les Kur­des syriens passeraient ain­si au sec­ond plan, dans un sou­tien à peine déguisé du régime syrien à l’o­rig­ine du chaos.

La France, qui avait pris ses dis­tances au sol il y a presque un an, révèle cette semaine la présence de forces spé­ciales, aux côtés des forces US du même nom. Drôle d’op­por­tunisme poli­tique de la part des autorités français­es, fidèles sou­tiens par ailleurs d’Er­do­gan, et enne­mis du « ter­ror­isme », appel­la­tion où elles pla­cent régulière­ment les forces kur­des, puisqu’elles ont récem­ment encore refusé d’en­lever le PKK des dites « listes ».

Bien évidem­ment, ces futures « vic­toires » et ces nou­veaux rap­ports de forces, ont décidé les mem­bres de la « coali­tion » (laque­lle ?) à inclure prochaine­ment à Genève des représen­tants kur­des, jusque là tenus à l’é­cart. Là aus­si, selon le principe « il vaut mieux avoir les Kur­des sous la main que vic­to­rieux en dehors », on ne doit pas se faire d’il­lu­sions et bien con­sid­ér­er que les puis­sances inter­na­tionales et régionales vont chercher à instru­men­talis­er cette sit­u­a­tion, puisqu’à ce jour, aucune n’a pris au sérieux les propo­si­tions poli­tiques du « con­fédéral­isme démoc­ra­tique » avancées par le Roja­va, pour la réso­lu­tion des conflits.

Les ques­tions poli­tiques, qui sont l’avenir de la région, n’a­van­cent pas au rythme des offen­sives mil­i­taires, et sont très loin d’être même envis­agées par les uns et les autres. En pleine pré­pa­ra­tions élec­torales améri­caines, en pleine « ges­tion » de l’ex­ode des réfugiés de guerre, et de fait deal avec la Turquie qui pour­suit sa guerre intérieure, en plein bras de fer diplo­mati­co mil­i­taire inter­na­tion­al de la Russie, et si on y rajoute la ques­tion iraki­enne, les Pays du Golfe et l’I­ran pour faire juste, on voit mal com­ment ces offen­sives mil­i­taires vic­to­rieuses con­tre Daech ne risquent pas d’être ralen­ties, puis peut être gelées, faute du début du début d’une feuille de route pour la paix.

Et comme un « tiens vaut mieux que deux tu l’auras », la con­sol­i­da­tion des zones libérées, la con­sol­i­da­tion poli­tique du con­fédéral­isme au Roja­va, au delà des forces kur­des, restera l’ac­quis de ces offen­sives mil­i­taires, où hommes et femmes per­dent leurs vies en nombre.

Ces offen­sives, où cer­tains politi­ciens européens voient déjà un « coup d’ar­rêt à la crise des réfugiés, bien­venu après l’ac­cord avec la Turquie », ne préju­gent en rien de l’autre pré­da­teur dans la région, le régime Bachar, tou­jours à même de nuire, avec les alliés dont il dis­pose, y com­pris con­tre les Kurdes.

Aucune solu­tion en Syrie ne pour­ra pro­gress­er non plus tant que le régime AKP mèn­era sa guerre con­tre les civils au Kur­dis­tan. C’est aus­si dans cet esprit que le prési­dent du HDP, par­ti d’op­po­si­tion démoc­ra­tique turc, déclarait récem­ment ” il est impos­si­ble d’avoir la paix en Syrie sans la paix dans le sud-est de la Turquie.”

Alors, si vain­cre Daech à Min­bej doit être salué à la hau­teur des sac­ri­fices con­sen­tis par les forces sur place, (et même si demain la “coali­tion” se pare de la gloire de ceux qui meurent pour ses intérêts), la route n’est pas pour autant ouverte, ni pour les suites “mil­i­taires”, ni surtout pour les per­spec­tives poli­tiques d’un Moyen Ori­ent tou­jours sous la coupe des prof­i­teurs des éner­gies fossiles.


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Daniel Fleury
REDACTION | Auteur
Let­tres mod­ernes à l’Université de Tours. Gros mots poli­tiques… Coups d’oeil politiques…