Monsieur le Président,
Je vous fais une lettre, que vous lirez peut être, vous que soutient l’Otan.
Je viens de recevoir vos papiers délétères, qui parlent de la guerre, vos journaux dégoûtants.
Monsieur le Président, il faut pas me la faire, vos propos sur l’affaire, qui parlent aux allemands, ne sont que des manières de gavat1, pas de Président.
C’est pas pour vous fâcher, mais il faut que j’vous dise, ma décision est prise, je m’en vais dégueuler.
Comme si le nombre de morts dont vous êtes responsable depuis que vous gouvernez le Pays ne vous suffisait pas, vous voilà à réclamer la légitimité d’un génocide d’il y a un siècle, au nom du sang turc qui coulerait dans vos veines, plus turc qu’un cheval mongol, plus rouge que celui d’un loup gris.
Que des almancı2, débarrassés de votre idéologie qui corrompt tout, et nous a ramené la guerre autour de nous et à l’intérieur de la Turquie, prennent conscience que ce qu’on leur a enseigné à l’école de la république ici, est un tissu de mensonges à propos de notre histoire, et aident à faire voter une autre version par le Bundestag allemand là bas, et vous voilà, Monsieur le Président, à employer encore un langage de maquereau pour s’adresser à eux, en notre nom à tous.
Parler de corrompu, ça vous va si bien. Quand votre honneur tient dans une boîte à chaussures, avec l’argent détourné que vous ne rendrez jamais et que votre fils s’en va blanchir en différents endroits de la planète… ça vous convient babacım.3
Vous avez déjà essayé de me faire croire que mon épicier kurde allait m’assassiner, à peine je lui aurais acheté mes pois chiches, que mon voisin Alevi cachait sous son manteau une noirceur de mécréant, que le seul Juif qui tienne encore boutique de livres d’occasion serait pire que le Grec qui l’avait précédé. Pour ça vous avez laissé la haine couler dans les rues, en criant « un bon Arménien est un Arménien mort », et enveloppés du drapeau s’il vous plaît. Ces mêmes drapeaux que vos assassins tendent sur les maisons en ruine de nos frères kurdes, là bas, près de la frontière syrienne, comme pour bien revendiquer tous les crimes commis en notre nom.
Monsieur le Président, il faut que je vous dise, je m’en vais déserter.
A force de cracher dans le drapeau, de refuser de le partager entre tous, vous m’avez donné l’envie, président corrompu, d’en arborer un noir.
Mon sang doit être lui aussi « corrompu », comme celui des députés que vous insultez. Et comme je ne suis ni bigot ni dévot non plus, la Turquie de demain que vous me préparez n’est pas celle dont j’avais rêvé.
Vous avez saccagé la Turquie que j’aimais, pour la livrer à vos valets. Vous la voilez sous un tissu de mensonges et de haine, pour mieux y régner. Vous êtes même allé jusqu’à déclarer que vous y « préféreriez » un tourisme islamique, si l’Europe venait à faire défaut. Et comme si le pouvoir et l’argent ne vous suffisait pas, vous voulez aussi posséder les âmes, fermer les femmes, et en faire des génitrices pour la Nation. A quand les Lebensborn ?
S’il faut comparer son sang, montrez nous donc le vôtre, vous êtes bon apôtre, monsieur le résident du Palais.
Demain de bon matin, je fermerai ma porte, au nez d’une Turquie morte, j’irai sur les chemins.
Et si vous me poursuivez, prévenez vos gendarmes, que j’emporte des armes, et que je sais tirer…
Une tête de turc anonyme, au sang corrompu
(Très très librement inspiré de Boris Vian)
Texte trouvé dans le courrier des lecteurs.