Les projets de 3ème pont, 3ème aéroport, Canal Istanbul, et tunnel Eurasie, présentés par l’AKP comme des « projets de prestige », provoqueront une augmentation de population à Istanbul ; 30, voire 40 millions ! La ville, qui connait déjà des difficultés avec ses 15 millions d’habitants, deviendra invivable !
On ne s’étonne plus de ce que donne la conjugaison du conservatisme religieux, du pouvoir despotique, de la finance et de la corruption dans les pays du golfe… Les dirigeants AKP et leurs refoulés ottomans rêvent pour la Turquie de ce mélange dans la “modernité”.
Vous connaissez les projets inutiles, coûteux et destructeurs en France et en Europe, contre lesquels les habitants et les défenseurs de la nature se battent, parfois avec occupation comme les ZAD…
A Istanbul ils sont titanesques et ils se conjuguent entre eux… Avec en arrière fond comme l’idée d’une mégalopole, future capitale d’une nostalgie ottomane en modèle réduit, remaniée finance et libéralisme, pour un dirigeant islamiste conservateur du XXIe siècle…
Le 3ème aéroport, dont la construction continue, deviendra avec son budget de 25,6 milliards d’euros, l’aéroport le plus cher du monde.
Le 3ème pont, dont la plus grande partie du budget est payée par le contribuable turc, dépasse les 1,35 millards d’euros.
Le tunnel Avrasya (Eurasie), qui permettra de traverser le Bosphore sous l’eau en voiture, coûtera lui 1,15 milliards d’euros.
Quant au projet fou de Canal d’Istanbul, son budget de départ s’élève à 17,5 milliards d’euros.
Malgré les avertissements, mises au points des scientifiques, architectes, urbanistes et ingénieurs, les projets avancent ou sont en cours.
Les investisseurs commencent à s’inquiéter pourtant de ces projets programmés sans véritables études d’impact, de planification, ni de réflexions sur les infrastructures complémentaires qui seront nécessaires. Pour exemple, Nihat Özdemir, Président du Conseil d’Administration de Limak Holding, investisseur du projet aéroport, soulignait récemment que le nombre de véhicules et de voyageurs qui allaient utiliser l’aéroport était à priori défini, et avait ajouté en conséquence : “Depuis deux ans, malgré nos avertissements sur le besoin de routes, rails, et métro qui vont véhiculer tout ce monde, nous n’avons même pas réussi à lancer les appels d’offre. Si cela n’est pas fait, tous nos ports et aéroports à leur ouverture, deviendront des investissements à problèmes pour Istanbul.”
Kemal Gökçe, le Président du Conseil d’Administration de la chambre des Architectes et Ingénieurs de Turquie (TMMOB), précise à son tour, que le Plan d’Organisation Environnemental validé en 2009, que le Maire de la Métropole d’Istanbul Kadir Topbaş aime appeler comme « La Constitution d’Istanbul », ne contenait pourtant aucun de ces projets.
Lors de la préparation de ce plan, 400, 500 scientifiques ont été consultés, aucune de ces personnes n’ont donné un quelconque accord pour ces projets .
En Turquie les projets se font au jour le jour. On se couche, et le lendemain on se réveille, et on découvre qu’il a été décidé la construction d’aéroport par ci, de pont par là.
Kemal Gökçe, explique que sur le plan d’urbanisation, un aéroport était en effet prévu, mais à Silivri, et que le lieu a été changé afin de procurer du profit pour quelques uns.
Pour le 3ème aéroport, il n’y a pas eu d’études sur le sol, sur les conditions aériennes ni sur les dégâts urbains et la destruction des forêts. Si vous construisez un aéroport quelque part, vous êtes obligé de penser global, en incluant, le cadre de vie urbaine, et les relations avec l’activité commerciale de la région. Même si aujourd’hui, l’aéroport est construit, la transformation pour que le lieu devienne durablement fonctionnel n’est pas possible. Nihat Özdemir a dit juste : ce projet n’a aucune infrastructure additionnelle.
“Canal Istanbul” occupe l’actualité. Quel scientifique a donné un avis positif ? Aucun. Seul l’entourage du pouvoir et le Président de République décident de cela. Il n’y a aucun projet cohérent dans le cadre de son intégration à la ville, qui comprend la circulation, et autres problématiques d’infrastructure. Quand ces projets programmés d’une façon indépendante, seront terminés nous allons nous trouver devant des problèmes très sérieux.
- Ces projets viennent dans l’actualité comme des projets de prestige et de profit. Ensuite, on se casse la tête pour résoudre les problèmes qu’ils créent. Ils ajouteront donc, de nouveaux problèmes à ceux qui existent déjà.
- Les projets d’habitations réalisés également indépendamment et sans études, sans programme d’urbanisme ont provoqué une sérieuse “île de réchauffement” à Istanbul. Avec la destruction des forêts et des espaces vertes, la pollution s’est accrue. La ville est continuellement sous la menace d’inondations… Les problèmes sociaux et sociétaux sont transformés en catastrophes.
- Si le projet de Canal se réalise, il laissera Istanbul et toute la région de Trace (partie européenne de la Turquie) sous la menace de multiples problèmes. Il provoquera encore plus d’exode vers Istanbul, et la population atteindra 40, 45 millions. Le besoin en l’eau, déjà difficile à gérer sera un autre problème. L’utilisation de machines, des explosifs, les tunneliers et bétonneurs seront source de pollution sonore et diffusion de gaz supplémentaires. Une surface agricole importante disparaîtra. L’impact des travaux et des nouvelles installations sur la faune, flore, détruira l’eco-système déjà bien endommagé.
Le Vice-Président de la Chambre des Urbanistes d’Istanbul, Tuba İnal Çekiç, confirme ces prédictions et tire la sonnette d’alarme sur le trio aéroport, pont, canal dont la construction est pensée comme « simultanée » :
Alors qu’il est difficile de gérer les 15 millions d’habitants actuels d’Istanbul, comment géreront-ils les 30 millions prévus ?
La récente photo ci-dessus, montre la bretelle géante de la route du 3ème pont : Carrefour Odayeri. Cette bretelle s’est imposée dans le paysage, nécessitée par le nouveau pont pourvoyeur de trafic nouveau.
A droite, se trouve Odayeri, à l’origine un petit village forestier paisible, et qui donne le nom du carrefour. Avant, il était perdu dans les arbres, maintenant il se trouve en plein aire de béton.
Kuzey Ormanları Savunması (KOS) :
Cette forêt a survécu à deux grands empires, ceux de Byzance et Ottoman. A cette époque, ceux qui endommageaient, non pas un arbre, mais une seule branche de la forêt, étaient sévèrement punis. Il a fallu attendre notre époque pour les dévaster.
Nous sommes devant un nouveau projet de massacre « L’autoroute de Marmara Nord » (KMO) qui n’est que la continuité du 3ème pont. Ils veulent abattre des millions d’arbres… encore ! Les appels d’offres ont été faits la semaine dernière.
A chaque minute que nous passons à nous endeuiller au lieu de nous organiser et de résister, défendre, protéger : eux ils détruisent !
La forêt est la source de ta vie, ta nature.
Ne te lamente pas, joins la défense !
Le hic est que tous ces projets sont communiqués comme de magnifiques “progrès” que le régime AKP apporte à la “nation” pour “élever la Turquie au niveau des pays occidentaux, voire les dépasser”.
Avec ces perspectives et cette communication, il est évident que certains habitants du petit village Odayeri sont contents d’être bientôt au coeur du “progrès” de la nation, et espèrent que leur bout de terrain prendra de la valeur… comme zone commerciale… quitte à se passer de quelques millions d’arbres, d’une qualité de vie…
Un appel a été lancé à l’attention de l’Assemblée Nationale, des ministères, dont celui de l’Environnement et de l’Urbanisme, et de la Mairie d’Istanbul Métropole. Il demande :
- La suppression des projets de 3ème aéroport, 3ème pont et du canal, considéré par tous les experts, architectes, ingénieurs, et urbanistes comme une « peine de mort » pour Istanbul.
- L’arrêt immédiat de la destruction de la nature, commise dans des forêts du Nord qui sont les seuls poumons de la ville. Ainsi que la “réparation” des dégâts commis à ce jour, l’arborisation des parties dévastées par ces projets.
- La déclaration de “protection” pour la région des forêts du Nord, comme indiqué dans le Plan d’Organisation Environnemental de 2009 et sa sauvegarde.
- L’application immédiate des décisions de justice concernant les projets de pont et d’aéroport, non respectées jusqu’à ce jour et l’indemnisation des habitants des régions concernées pour les dégâts subis, lors des périodes antérieures à l’application de ces décisions.
Celles et ceux qui revendiquent leurs droits, sont les habitants d’Istanbul.
Ils vivent à Sultangazi, à Nişantaşı, à Beyoğlu, à Maltepe… Ils sont le taureau de Kadıköy, le vert de Sarıyer. Simples habitants de quartiers, paysans, ingénieurs, étudiants, lgbti, commerçants… Ils sont le cinéma d’Emek, ils sont le Grand Bazar, ils sont le Centre culturel d’Atatürk, ou encore parc Gezi…
Ils sont de partout et ils sont tout. Ils sont Istanbul.
Ils disent : “Nous sommes celles et ceux qui se sont réunis pour résister, sauvegarder la vie, pour demander des comptes sur nos frères et sœurs massacré(e)s au travail, pour prendre soin de l’avenir face à la gentrification et décider de la sauvegarde, pour la protection du chevreuil des Forets du Nord, des muscardins et des écureuils…
Nous sommes la vie. Et nous sommes nombreux.”
Sur le site « nefes ol » (sois le souffle), vous pouvez trouver ‑en turc- tous les détails des grands projets, l’historique des luttes et les batailles gagnées. Des idées pour celles et ceux qui souhaitent soutenir la résistance.
Si vous avez temps et énergie pour nous traduire, cet article « les projets assassins en 10 questions » Kedistan serait partant pour le publier… N’hésitez pas à nous contacter.