Le Prof. Dr. Baskın Oran, de la Faculté de Sciences Politiques de l’Université d’Ankara, actuellement Maître de Conférence, avait fin mars, déposé plainte contre le Président de la République Erdogan, pour ses « insultes » visant les universitaires.
Baskın Oran, avait listé les termes que Tayyip Erdogan avait utilisés lors de quatre différentes déclarations, à l’encontre des 1189 universitaires signataires de l’appel pour la Paix, tels que :
bas, cruels, obscures, ignorants, écœurants, traîtres à la patrie, instruments de l’organisation de la terreur, immoraux, âmes souillées et résidus de gardiens de buffles.
Le Professeur. Dr. Baskın Oran, avait expliqué qu’il ne pouvait pas supporter ces termes inacceptables, ni en tant que personne, ni en tant qu’universitaire. Il avait donc demandé 2,500 livres turques de compensation morale pour chacune des déclaration, soit 10.000 livres turques en total.
Erdogan répond aux « brouillons d’intellectuels »
Dans son document pour sa défense, Erdogan, par l’intermédiaire d’avocats, s’est basé sur les “jurisprudence de la liberté d’expression” du Tribunal Constitutionnel de la Cour Européenne des Droits de l’Homme.
Le document déposé par Hüseyin Aydın, l’avocat d’Erdogan, précise que « La liberté d’expression est valable également pour des idées et propos qui peuvent être considérés par l’Etat ou une partie de la population, comme choquants, violents ou dérangeants, et que sans tout cela une société démocratique n’existerait pas. »
Il montre comme exemple, la décision de la CEDH concernant les paroles d’un député basque visant le Roi d’Espagne. Ce verdict précisait que les individus pouvaient parfois exagérer lors des débats politiques, et par ailleurs, que les lois assurant des interdictions spécifiques concernant les dirigeants d’Etat, vont à l’encontre de la liberté d’expression.
Le document souligne aussi, que Tayyip Erdogan n’a pas ciblé personnellement le plaignant, mais « Il a émis quelques critiques, en tant que la tête de l’Etat, visant les attaques injustifiées d’un groupe d’universitaires qui se nomment intellectuels, sont des soutiens du terrorisme et de l’organisation terroriste séparatiste, à l’encontre des forces légitimes de l’Etat qui les combat. »
Les propos du Président Erdogan seraient donc selon son avocat, « une réponse » donnée à “ceux qui soutiennent la terreur” : « Les déclarations en question, sont des déclarations nécessaires selon la position constitutionnelle, et qui sont soutenues par l’importante majorité de notre nation, à l’exception d’une petite minorité, soutien elle de la terreur. »
On ne connaît pas le sort que cette procédure va avoir, mais à la lecture du document de la défense, on s’en doute un peu. On pourrait presque en rire, si cela ne révélait pas le fonctionnement totalitaire aux dérives fascisantes de ce régime politique.
On pourrait même supposer qu’une plainte pour “dépôt de plainte injurieux contre le chef de l’Etat et complicité avec la terreur” pourrait suivre… La bureaucratie bigote et corrompue craint les fatwas d’Erdogan et devance désormais ses moindres désirs ou les prolonge. Allez savoir si le Sultan suit lui-même toutes ses affaires, où si la ribambelle de larbins qu’il a placé partout dans les rouages de la justice et de la police ne fait pas du zèle, à chaque phrase prononcée, par crainte de représailles ou pour prendre du galon.
Lorsque ce même fonctionnement s’applique au sein des forces armées, en plus de l’idéologie ultra nationaliste qui règne aujourd’hui dans l’état major, et de la présence de miliciens sur place, on comprend comment les crimes commis au Kurdistan Nord trouvent ainsi leurs chaînes de commandement et leur source.
Mais là aussi, Erdogan fait usage de sa “liberté d’expression” contre la terreur, selon une jurisprudence de Nuremberg, sans aucun doute.