EDITO

Ce dernier mois a été mar­qué au Bakûr (Kur­dis­tan nord, en Turquie) par la lev­ée par­tielle de cou­vre-feu et de siège dans cer­taines villes qui l’étaient depuis décem­bre, on pense à Sur et Cizre notamment.

Cela a per­mis à une grande par­tie des survivant.e.s, qui s’étaient réfugié.e.s chez des proches, de revenir et voir de leurs pro­pres yeux la dévas­ta­tion causée par les forces de police et de l’armée sur leurs maisons et leurs quartiers. « C’est pire que Kobanê ! » dis­ent beau­coup de gens. Les quartiers qui avaient déclaré leur autonomie sont réduits à des ruines. À Kobanê, c’était les guéril­las qui se bat­taient con­tre Daesh ; dans ces villes ce sont les civils qui se sont bat­tus et qui se sont fait mas­sacr­er par l’État. Par ailleurs, les attaques repren­nent à nou­veau con­tre les villes de Nusay­bin (province de Mardin), de Gever/Yüksekova (province de Hakkari), de Şır­nak et de Silopi (province de Şır­nak, dans laque­lle se trou­ve égale­ment la ville de Cizre) ; les jeunes des YPS et YPS-Jin résis­tent courageuse­ment et empêchent pour l’instant les forces de l’État de ren­tr­er dans leurs quartiers.

À Cizre et Sur, les cadavres sont encore chauds, les proches n’ont pas encore eu l’occasion de faire le deuil, que les pel­leteuses pro­tégées par les blind­és de la police sont déjà en pleine activ­ité. Elles sont occupées à ramass­er des tonnes de gra­vats dans lesquels se trou­vent des corps ou des mem­bres, pour les jeter dans le Tigre. Ensuite elles niv­el­lent le sol et pré­par­ent les gros chantiers qui visent à rem­plac­er les quartiers his­toriques des Kur­des, rasés par les bombes, par des bar­res d’immeubles bien plus con­trôlables par l’armée. Au déplace­ment for­cé de cen­taines de mil­liers de Kur­des vient se rajouter la ten­ta­tive de les rem­plac­er par une pop­u­la­tion favor­able à l’AKP. Nous relayons dans ce numéro un texte qui analyse ce « géno­cide cul­turel et social » à tra­vers le cas de Sur, cen­tre ville his­torique d’Amed/Diyarbakır.

Depuis de nom­breux mois, on par­lait déjà de « géno­cide poli­tique » pour décrire les vagues d’arrestations mas­sives de militant.e.s et surtout des femmes et hommes
poli­tiques du par­ti BDP, élu.e.s co-maires dans les villes Kur­des ; cette répres­sion ne cesse tou­jours pas. Cette inter­dic­tion de fait du par­ti sera sûre­ment un jour annon­cée offi­cielle­ment. On com­mence sans doute à entrevoir une ten­ta­tive de géno­cide tout court de la pop­u­la­tion Kurde et en par­ti­c­uli­er de la pop­u­la­tion qui ose résis­ter. Deux autres arti­cles illus­trent cela : une inter­view d’un député HDP présent à Cizre tout le long du siège donne plus de pré­ci­sions de l’intérieur sur com­ment se sont déroulés ces derniers mois d’attaques bru­tales par l’État ; puis un com­mu­niqué d’une délé­ga­tion de femmes par­ties de France pour rejoin­dre le mou­ve­ment des Femmes Libres
dans leurs célébra­tions du 8 mars témoigne des poli­tiques de ter­reur de l’État, par­ti­c­ulière­ment con­tre les femmes qui luttent.

Mal­gré la guerre psy­chologique menée par l’État turc, les célébra­tions du 8 mars (journée mon­di­ale des femmes) et celles du Newroz le 21 mars (fête du print­emps pour les Kur­des et d’autres peu­ples du Moyen-Ori­ent) ont bien eu lieu. L’État avait inter­dit la plu­part de ces rassem­ble­ments, ou alors avait fait courir la rumeur d’alertes à la
bombe, mais dans la plu­part des cas, les célébra­tions se sont déroulées, certes avec moins de monde que les années précé­dentes, mais avec autant de déter­mi­na­tion. Le Newroz est un jour de fête et un jour de lutte ; on célèbre par les dans­es et le feu sym­bol­ique la lutte à un point de non-retour, de devoir venger les « mar­tyrs », et de ren­dre les coups au bour­reau. C’est ain­si que le haut com­man­dant des guéril­las du PKK, Murat Karayılan, annonce la reprise des actions des guéril­las : « Le print­emps est arrivé, les HPG [Forces de Défense du Peu­ple] doivent inter­venir main­tenant. Par con­tre, cette inter­ven­tion ne devrait pas impli­quer d’entrer dans les zones urbaines. Elle devrait plutôt soutenir depuis les mon­tagnes la résis­tance de la jeunesse Kurde sous le para­pluie des YPS [Unités de Défense Civile] ». Il faut donc s’attendre à ce que les prochains mois, la guerre aug­mente encore d’un cran. Une guerre civile se pro­file-t-elle ?… Pour s’y pré­par­er, le PKK a passé une alliance avec dif­férents groupes révo­lu­tion­naires armés de Turquie pour faire front com­mun con­tre l’État turc (et son allié, Daesh).

De l’autre côté de la fron­tière, en Syrie, les dif­férentes armées impliquées dans la guerre n’ont pas l’air de vouloir y met­tre un terme non plus, et les puis­sances colo­niales régionales et mon­di­ales ten­tent de s’accorder sur les miettes à se répar­tir. Par con­tre, le mou­ve­ment poli­tique impul­sé par le sys­tème con­fédéral mis en place au Roja­va (Kur­dis­tan ori­en­tal), auquel se sont alliés plusieurs groupes du nord de la Syrie, en par­ti­c­uli­er des Arabes, prône une issue à cette guerre à tra­vers la propo­si­tion d’une Syrie con­fédérale. En ce qui con­cerne leur région, il.les vien­nent d’annoncer la créa­tion de la Fédéra­tion du Nord de la Syrie. Quant aux Kur­dis­tan du Başur (en Irak) et du Rojhi­lat (en Iran), nous n’avons tou­jours pas beau­coup d’informations à trans­met­tre. Le seul arti­cle que nous avons sélec­tion­né cri­tique le mod­èle du Gou­verne­ment Région­al Kurde (au Başur), et par­ti­c­ulière­ment sa cap­i­tale, Erbil, dev­enue le sym­bole du cap­i­tal­isme à l’occidentale dans la région.

Encore une fois, nous ne pou­vons pas ter­min­er sans par­ler de la respon­s­abil­ité des États européens qui col­la­borent ouverte­ment avec le gou­verne­ment turc à tra­vers leurs « accords de la honte » comme le titre un com­mu­niqué du Con­seil Démoc­ra­tique Kurde de France. De même, nous avons voulu vous présen­ter briève­ment la col­lab­o­ra­tion française avec la Turquie en matière de « sécurité »…


Nous voudri­ons, en pub­liant ce bul­letin Mer­ha­ba Heval­no, met­tre en mots et en acte notre sol­i­dar­ité avec les mou­ve­ments de résis­tance au Kurdistan.

Ce bul­letin men­su­el autour de l’actualité du Kur­dis­tan est notam­ment rédigé depuis la ZAD de NDDL, mais pas seule­ment ! Un cer­tain nom­bre de cama­rades de Toulouse, Mar­seille, Angers, Lyon et d’ailleurs y participent…

Pour nous con­tac­ter : actukurdistan[at]riseup.net


Sommaire :

  • Une délé­ga­tion de femmes au Kurdistan
  • Sur, géno­cide cul­turel et social
  • Cizre est main­tenant comme Kobanê et Shengal
  • La fédéra­tion démoc­ra­tique du Rojava
  • L’allié tac­tique préféré de tout le monde : les Kurdes
  • Quels sont les cal­culs des Kur­des au Rojava
  • Les griffes du cap­i­tal­isme au Kur­dis­tan Sud
  • Pourquoi la France laisse faire le génocide
  • Les accords de la honte entre l’UE et Etat fas­ciste turc
  • Autour du Newroz
  • Glos­saire et plus…

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