Une mine de charbon se trouvant à Suluova, commune d’Amasya, risque d’être fermée, laissant 220 mineurs sur le carreau. Les mineurs ont commencé une grève de la faim.
Gürmin Enerji, société appartenant à Soma Holding, a décidé la fermeture de la mine de Yeni Çeltek. L’entreprise a décidé de fermer la mine, car pour ses dirigeants les réserves ne sont plus suffisantes pour avoir la rentabilité qu’ils souhaitent.
Déjà, en 2011, Yusuf Yaşarer, le Directeur de l’entreprise déclarait : “la mine est active depuis 1995, il y reste une réserve d’environ 40 mille tonnes de charbon. Une fois cette quantité extraite dans l’année, la mine sera fermée.”
Le charbon provenant de cette mine est commercialisé sous différentes formes, pour être brûlé en chauffage ou dans des usines de briqueteries, sucre, textile et papier.
Les mineurs ont commencé le 2 avril, une grève de la faim dans la mine, à 1200 mètres de profondeur, et ils continuent aujourd’hui.
Depuis le début de la grève, 28 mineurs ont été soignés sur place ou transférés à l’hôpital de Suluova.
Le 7 avril, afin de soutenir les mineurs grévistes, les familles des mineurs manifestaient et bloquaient la Nationale Ankara-Samsun. Pendant le blocage de la route, des heurts ont eu lieu entre la gendarmerie et les familles de mineurs.
Comme Elif Şişik, la fille d’un mineur, disait lors de la manifestation :
«Nous appelons les autorités à trouver une solution. Le mouvement de soutien doit-il attendre que nos pères meurent ? Nous leur manifestons notre soutien ici, pendant qu’ils revendiquent leurs droits sous la terre. »
Gülhamet Güven, Vice Président du syndicat des Mineurs de Turquie (Türkiye Maden İşçileri Sendikası) a expliqué lors de la déclaration qu’il a faite pour la presse, que la mobilisation dure depuis le 23 mars, et la grève de la faim depuis le 2 avril.
La mine avait été ouverte en 1955. En 1990, 68 mineurs étaient déjà morts lors d’une explosion de grisou due au manque de sécurité dans la mine. Depuis, certaines précautions avaient été prises, mais les conditions de sécurité dans la mine, restaient encore insuffisantes, comme pour beaucoup de mines en Turquie. Depuis 1983, en Turquie, près de 1000 mineurs ont perdu leur vie dans des “accidents”. « La mort est le destin des mineurs » avait déclaré Erdogan en mai 2014, alors Premier Ministre, après l’ ”accident” de la mine à Soma, où 301 mineurs ont perdu la vie.
En 1990 le Grup Yorum interprétait à la mémoire des 68 mineurs morts à Yeni Çeltek, la chanson “Madenciye ağıt” (Lamentation pour le mineur) dans son album “Gel ki şafaklar tutuşsun” (Viens pour que les aubes s’enflamment)
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Leur cris s’élèvent de la mine de Yeni Çeltek | Leurs corps brûlent, périssent leurs espoirs | Leur destin est comme le charbon | Le fond de la terre ne finit pas de se creuser | Une assiette de nourriture et un peu de pain | Leur visage ne voit jamais le soleil | Leur absence vient peser sur les coeurs | Leurs yeux se remplissent de terre | La nouvelle arrive aux villages | Deviennent des orphelins, leurs filles, leurs fils | Un jour viendra, pioches et pelles à la main |Ils marcheront vers la surface de la terre | Et leur destin changera.
Quant à l’histoire de la Résistance ouvrière dans ce coin de la Turquie, elle est également profondément liée à la fois aux usines de sucre de la région et à cette mine de charbon. Le sucre et le charbon sont liés aussi : la betterave est cultivée sur ces terres, la transformation en sucre nécessite la chaleur. Le charbon qui se trouve sous les mêmes terres est utilisé donc comme énergie depuis longtemps.
Une mobilisation des mineurs, organisés par le syndicat Yeraltı Maden İş, contre la fermeture de la mine pour le motif “insuffisance de profit” [oui déjà], s’était transformée en une très forte résistance et avait abouti à la prise de contrôle de la mine par les travailleurs. Pendant 64 jours, les mineurs avaient géré la production et la commercialisation d’une façon autonome et démocratique, vendu le charbon par l’intermédiaire de comités populaires et associations de jeunes locales. Il avaient prouvé ainsi que la mine que les exploitants voulaient fermer, était parfaitement viable et utilisable pour le bénéfice du peuple. Une démonstration concrète de leur slogan : « Nous produisons, nous dirigerons ».
[Pour plus d’info vous pouvez regarder cette VIDEO sur l’histoire de la lutte des années 70/80 à Yeni Çeltek avec des images d’archive — vidéo en turc]
Cette lutte est quasiment simultanée avec la plus célèbre “zone libérée”, autonome à Fatsa, commune d’Ordu sur la côte Mer Noire. Le coup d’Etat du 12 septembre 1980 mettra fin à toutes ces “autonomies” et les mineurs et ouvriers seront intégrés dans le procès de Dev-Yol (Le Chemin Révolutionnaire). Dans cette période d’oppression, certains ouvriers seront battus à mort ou resteront handicapés à vie.
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Elif Erkorkmaz, “Elif Ana” (Maman Elif) de cette résistance, témoignait avant son décès en 2011.
(La vidéo est montée avec quelques défauts. Ne faites pas attention plans mal coupés qui sont en trop)
- Ils battaient, ils battaient les enfants… Ils battaient les révolutionnaires.
- Je suis allée sauver les révolutionnaires. Je n’ai pas pu me sauver moi même. J’ai écopé 20 ans, j’ai fait la prison pendant 8 ans.
- Mais nooon, pourquoi je regretterais ? Je suis allée là bas pour mes enfants. Personne ne m’a trompée, personne ne m’y a emmenée. (Ses yeux sont vagues… elle est dans le passé) Personne ne m’a trompée. J’y suis allée de moi même… Tout en conscience.
- Je recommencerai. Je recommencerai de nouveau, autant que mes forces le permettent. (En rigolant) Mais je n’ai pas beaucoup de forces, ça c’est autre chose.
Même si chacun sait que les énergies fossiles ne sont pas l’avenir humain, dans l’immédiat, la vie de ces humains là est liée au travail où le profit les enchaîne. La rentabilité financière immédiate ou non ne peut décider que la vie des mineurs et de leur famille soit une variable d’ajustement.
Et on sait aussi que ces “sociétés” très liées au régime, ne sont pas prêtes à investir dans d’autres sources d’énergie non plus, mais seulement d’aller faire fructifier leur capital ailleurs.