En début de semaine prochaine, plus de 2000 fonc­tion­naires européens ou vacataires, secré­taires, tra­duc­teurs, policiers, juristes, bureau­crates, vont procéder aux regroupe­ments, recense­ment, traque et expul­sions de mil­liers de réfugiés des guer­res par­venus en Grèce.

Des mil­liers d’eu­ros sur pattes, sans états d’âme, tant les respon­s­abil­ités de cha­cun seront diluées, et cou­vertes par d’autres bureau­crates et politi­ciens européens, qui procéderont à la mise en place de la “solu­tion européenne”.

Qui recon­naî­tra demain sa part de respon­s­abil­ité dans ce qu’ils nom­ment “un drame humain”, tout en s’empressant de le “traiter” comme des déchets indus­triels des guer­res en cours ? Pas de ça chez nous ! On est prêt à pay­er pour ça !

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Les dizaines de mil­liers de morts, noyés, dis­parus en mer, dis­parus tout court, comme l’a annon­cé une très offi­cielle com­mis­sion inter­na­tionale, con­cer­nant 10 000 enfants, n’ont aucun lien sans doute, avec cette frénésie de murs et de bar­belés qui pousse dans la tête des dirigeants européens et d’une par­tie de leurs pop­u­la­tions qui les inspire et les élit. Et quand des ter­ror­istes bar­bares de Daech opèrent des mas­sacres sur le ter­ri­toire européen, les “march­es” de chefs d’E­tats pleurent les atteintes à la “lib­erté d’ex­pres­sion” et au libéral­isme, alors qu’au­tour de nos fron­tières, c’est notre human­ité qui disparaît.

Et elle dis­paraît à tel point que les réfugiés devi­en­nent objet de marchandages, comme hier on négo­ci­ait l’en­fouisse­ment de nos déchets de con­som­ma­tion dans les ex colonies. Car, dis­ons le, tant pour les migrants économiques et cli­ma­tiques du Sahel, que pour ceux des sales guer­res pour les éner­gies fos­siles, ce sont bien des “scories” dont on veut se débarrasser.

Et si l’im­age du petit Aylan a pu, en con­cur­rence avec un lion mort, émou­voir un moment, l’ac­cu­mu­la­tion qui a suivi a fait ren­tr­er les choses dans l’or­dre. Et s’il en était besoin, le chau­dron syrien et irakien fourni­rait de toutes façons d’autres déri­vat­ifs. “Nous sommes en guerre”.guerres

Alors voici donc cette “solu­tion européenne” qui se met en place, et voudrait faire croire qu’il s’ag­it d’une “mise en sécu­rité des pop­u­la­tions”, comme dans cer­taines années noires, on par­lait de “camps de rassem­ble­ment pour le tra­vail”. Car il s’ag­it bien d’un trav­es­tisse­ment de toutes les règles internationales.

Com­ment faire croire à une Turquie “sûre” pour les réfugiés et migrants, alors que non seule­ment son régime mène une guerre con­tre les civils au Kur­dis­tan, con­tin­ue d’en­tretenir des rela­tions avec les fac­tions dji­hadistes, mais aus­si traite comme des chiens les deux mil­lions de réfugiés déjà sur son sol.

Dans les régions frontal­ières, les autorités turques rassem­blent et expulsent presque chaque jour depuis la mi-jan­vi­er des cen­taines d’enfants, de femmes et d’hommes syriens vers la Syrie.

Une enquête d’Amnesty Inter­na­tion­al révèle ce secret de polichinelle qui est, dit-elle “une pra­tique qui n’est un secret pour per­son­ne dans la région du Hatay”.

«Tout à leur hâte de sceller leurs fron­tières, les dirigeants de l’UE ont délibéré­ment fer­mé les yeux sur un fait très sim­ple : la Turquie n’est pas un pays sûr pour les réfugiés syriens et la sit­u­a­tion se dégrade de jour en jour», a déclaré John Dal­huisen, directeur du pro­gramme Europe et Asie cen­trale d’Amnesty International.

Ces expul­sions, au regard du droit inter­na­tion­al, s’ex­erçant à l’en­con­tre de réfugiés des guer­res, sont totale­ment illégales.

«Les expul­sions col­lec­tives de réfugiés syriens dont nous avons pris con­nais­sance illus­trent les pro­fondes failles de l’accord UE-Turquie. Il s’agit d’un accord que l’on ne peut met­tre en œuvre qu’avec un cœur de pierre et un allè­gre mépris pour le droit inter­na­tion­al», pour­suiv­ent les respon­s­ables d’Amnesty, qui avaient mis en garde les gou­verne­ments de l’UE avant la sig­na­ture du marchandage, et à cette occa­sion demandé un sou­tien par péti­tion.

«Loin de faire pres­sion sur la Turquie pour qu’elle améliore la pro­tec­tion qu’elle offre aux réfugiés syriens, l’UE l’incite en fait à faire le con­traire», a égale­ment déclaré John Dal­huisen. «La Turquie a très prob­a­ble­ment ren­voyé en Syrie des mil­liers de réfugiés ces sept à neuf dernières semaines. Si l’accord est mis en œuvre comme prévu, il existe un risque réel que cer­taines des per­son­nes ren­voyées par l’UE en Turquie con­nais­sent le même sort.»

Et pour­tant, l’accord UE-Turquie ouvre la voie au retour immé­di­at vers la Turquie des réfugiés syriens arrivant sur les îles grec­ques, au motif qu’il s’agit d’un pays d’asile sûr. Des respon­s­ables de l’UE ont dit espér­er que les retours pour­raient com­mencer dès le lun­di 4 avril 2016.

"Avec le bon appât, ça commence à mordre"

Avec le bon appât, ça com­mence à mordre”

Sur le site d’Amnesty, on peut lire notamment :

Un des cas recen­sés par Amnesty Inter­na­tion­al est celui de trois enfants ren­voyés en Syrie sans leurs par­ents. On peut aus­si citer l’exemple d’une femme qui était enceinte de huit mois au moment de son expulsion.

Beau­coup de ceux qui ont été ren­voyés en Syrie sem­blent être des réfugiés non enreg­istrés, même si Amnesty Inter­na­tion­al a égale­ment con­nais­sance de cas de Syriens enreg­istrés qui ont quand même été expul­sés après avoir été appréhendés sans leurs papiers.

Les recherch­es récem­ment menées par Amnesty Inter­na­tion­al mon­trent égale­ment que les autorités turques ont réduit le nom­bre d’enregistrements de réfugiés syriens dans les départe­ments frontal­iers de la Syrie, dans le sud du pays. Cette imma­tric­u­la­tion est req­uise pour béné­fici­er de ser­vices de base. À Gaziantep, Amnesty Inter­na­tion­al a ren­con­tré le fils d’une femme que seule une inter­ven­tion chirur­gi­cale en urgence pou­vait sauver, mais qui n’a pas été autorisée à se faire enreg­istr­er — ce qui la pri­vait donc d’opération. Elle a finale­ment pu être enreg­istrée ailleurs et a pu recevoir les soins requis.guerres

Selon d’autres réfugiés syriens se trou­vant dans le départe­ment du Hatay, cer­taines per­son­nes ayant essayé de se faire enreg­istr­er ont été arrêtées et ren­voyées de force en Syrie, aux côtés de réfugiés qui n’étaient pas munis de leurs doc­u­ments d’immatriculation. Dans le départe­ment du Hatay, Amnesty Inter­na­tion­al a par­lé à une famille de réfugiés syriens non enreg­istrés ayant choisi de rester dans leur apparte­ment plutôt que d’essayer de se faire imma­triculer, de crainte d’être ren­voyés en Syrie.

On recense actuelle­ment env­i­ron 200 000 per­son­nes déplacées à l’intérieur d’une bande de 20 kilo­mètres le long la fron­tière turque. Selon des organ­i­sa­tions human­i­taires et des rési­dents des camps, les con­di­tions dans les sites de per­son­nes déplacées proches de la fron­tière sont épou­vanta­bles, sans eau pro­pre ni instal­la­tions san­i­taires. Un rési­dent a sig­nalé des enlève­ments con­tre rançon par­mi les dan­gers possibles.

Davantage de restrictions aux frontières

Le ren­force­ment de la sécu­rité à la fron­tière et l’impossibilité de la franchir en toute légal­ité ont poussé des gens dans les bras de passeurs qui deman­dent au moins 1 000 dol­lars par per­son­ne pour les amen­er en Turquie, selon des Syriens aux­quels Amnesty Inter­na­tion­al a par­lé des deux côtés de la frontière.

guerresLe dur­cisse­ment de la poli­tique rel­a­tive aux fron­tières représente un change­ment rad­i­cal par rap­port aux mesures précédem­ment adop­tées par les autorités turques au cours des cinq années écoulées depuis le début de la crise syri­enne. Par le passé, les rési­dents syriens dotés d’un passe­port pou­vaient franchir les points de pas­sage offi­ciels le long de la fron­tière, et ceux qui la pas­saient de manière clan­des­tine — la grande majorité — pou­vaient se faire enreg­istr­er par les autorités turques.

«Ces derniers mois, la Turquie a intro­duit l’obligation pour les Syriens arrivant par avion d’obtenir un visa, a fer­mé sa fron­tière ter­restre avec la Syrie à tous sauf ceux qui ont besoin de soins médi­caux d’urgence, et a ouvert le feu sur cer­taines per­son­nes ayant ten­té de franchir clan­des­tine­ment la fron­tière», a enfin déclaré John Dal­huisen. «La Turquie annonce main­tenant fière­ment la créa­tion d’une zone sûre irréal­is­able à l’intérieur de la Syrie. La suite des événe­ments ne fait aucun doute : ayant été témoins de la créa­tion de la Forter­esse Europe, nous assis­tons désor­mais à la con­struc­tion de la Forter­esse Turquie qui s’en inspire.»

Et il faut met­tre en par­al­lèle, les per­son­nes réfugiées abattues (celles dont on con­naît les cir­con­stances dans lesquelles elles ont trou­vé la mort) ces derniers mois.

Voici donc le désert d’humanité où l’Europe veut enfouir ses responsabilités dans les guerres qu’elle finance.

migrants-kroll guerresChoisir pour cela un Erdo­gan qui en con­naît un ray­on en matière de géno­cide est une façon de “déléguer” s’il en faut.

Et pour­tant, les voix ne man­quent pas. Les con­damna­tions de cette poli­tique s’ex­pri­ment. Mais, comme pour le mas­sacre des Kur­des, l’eu­ro­cen­trisme l’emporte au final.

Il en va des guer­res au Moyen Ori­ent, cause d’une par­tie de cet exode, comme des con­séquences de toutes les pré­da­tions cap­i­tal­istes de par le monde, l’équa­tion “révo­lu­tion ou bar­barie” est de retour.

Et un appel à diffuser :

Les volon­taires de ter­rain et les activistes en ligne ont été infor­més que les dépor­ta­tions à Lesvos et sur d’autres îles Grec­ques vers la Turquie vont com­mencer à 3 heures du matin… C’é­tait sup­posé com­mencer à 8h mais cela va être vraisem­blable­ment avancé afin d’éviter activistes et protestations.
Nous espérons que tout le monde va partager les infor­ma­tions et pro­test­er, doc­u­menter afin de témoign­er de notre solidarité!!!

Words are say­ing that depor­ta­tion from Lesvos to Turkey will start at 3 am. They’re sup­posed to start 8 am, but are prob­a­bly start­ing ear­li­er to avoid activists and protests. 
I hope peo­ple will be there to protest, doc­u­ment and show their solidarity.

‪#‎not­in­my­name‬
‪#‎notode­por­ta­tion‬
‪#‎humanrights4refugees‬


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Daniel Fleury
REDACTION | Auteur
Let­tres mod­ernes à l’Université de Tours. Gros mots poli­tiques… Coups d’oeil politiques…