Des combattants internationalistes au Rojava détaillent leur présence sur le front, semaine après semaine…
Du 21 mars au 28 mars 2016
Le 21 mars c’est Nevroz, le nouvel an kurde. Dans les quatre pays où ce peuple est présent ainsi que l’intelligentsia en Europe et ailleurs, ce jour spécial est fêté avec plus ou moins de liberté. Pour notre tabour ce fut d’abord un grand feu de joie des plus écologique hier soir (entassement de pneus et mise en feu à l’aide de mazout). Il est vrai que le bois est le grand absent du décor aux alentours. Faute à la ligne de chemin de fer crée par les Français au début du 20ème siècle qui a déboisé toute la région du Rojava (alors très boisée) pour ses besoins. Les YPG et les YPJ ont ensuite entamé des chants et des danses tout autour. Concernant cette dernière, nous les avons accompagné sur les danses avec des pas simples, pour celles qui sont plus complexes, il y a encore des leçons à prendre afin de ne pas s’emmêler les pinceaux.
Nous espérions allez en ville le 21 mars afin de voir la population faire la fête. Malheureusement pour une raison de sécurité, la permission ne nous a pas été accordée. Nous nous sommes donc retrouvés l’ensemble des tabours à la base de la brigade pour un meeting politique et ensuite des danses et des chants. Ça nous a permis de rencontrer d’autres volontaires étrangers dont un français (professeur de son état) qui travaillait auparavant en Irak et est originaire de Bretagne. Un belge également d’Anvers. Les autres volontaires sont essentiellement américains et viennent par le biais du groupe « Lion de Rojava ». Nous avons pu échanger sur la situation à Cédade et ce qui s’y était passé. Beaucoup des nôtres sont tombés par imprudence à cause des mines et pièges semés un peu partout par DAECH. Nous avons pu voir trois véhicules dont deux porteuses de Douchka hors d’état suite à une attaque surprise sur le chemin du retour la veille. Les occupants sont juste blessés.
Les jours suivants se sont déroulés toujours dans l’attente. Elle est longue, sans information vraiment viable il faut à tout prix s’occuper sinon l’ennui s’installe et avec lui la baisse du moral. Nous en avons profité pour visiter les villages abandonnés tout autour de notre camp dont certains appartenant aux assyriens dont les églises et statues de la vierge ont été détruites par les barbus enturbannés. On en profite pour peaufiner notre progression tactique entre volontaires étrangers tout en sachant que nous ne serons pas dans les mêmes groupes l’heure venue et c’est bien là un problème. En effet l’entraînement avec le tabour sur ces progressions lors d’un exercice nous a laissé songeur.
Nous avons appris également l’attentat à Zaventem en Belgique et la conviction que moins ces fous de dieu retourneront en Europe mieux on se portera. L’opération se précise puisqu’un tabour est déjà parti en précurseur, que les réunions à touts niveaux s’enchaînent mais concrètement, rien de plus. L’attente donc comme toujours. C’est maintenant Pâques, nous changeons aussi d’heure (+1h) et offrons à notre manière à notre tabour l’agneau Pascal avec les moyens du bord. Aucun de nous n’est croyant mais le plaisir de nous coordonner, d’innover avec des systèmes D pour parvenir à un résultat nous permet de nous souder un peu plus entre nous et avec eux. Ils sont très touchés par l’attention et le soin que nous leur apportons même s’il y a des jours ou parfois au vu de l’amateurisme et d’une culture qui souvent nous dépasse, c’est pesant. Il est vrai qu’une révolution ne se fait pas en quelques jours et qu’il y a beaucoup à faire dans tous les domaines. Notre culture européenne nous poussant à aller vite avec efficacité alors qu’ici la mentalité est comme toujours « tomorrow in’ch Allah », qui a aussi ses vertus. Nos critiques sont très souvent prises en compte, il y a un réel changement entre le moment où nous sommes arrivés il y a plus d’un mois et maintenant. Mais bon c’est pas encore çà, il y a du boulot !
Allez, demain on essaye d’avoir une connexion internent pour vous envoyer tout cela.
C.C.
Lacunes militaires et exploration de gund
Cela fait maintenant deux semaines que nous sommes stationnés près d’une petite ville au carrefour de grandes routes d’approvisionnement. Nous passons le temps comme on peut pendant que nos camarades suivent les cours idéologiques du parti. Notre niveau de kurde étant insuffisant pour comprendre correctement les leçons, le petit groupe d’étrangers que nous formons (6 volontaires internationaux), s’est mis à explorer les villages abandonnés autour de notre position.
Le premier d’entre eux s’est révélé être une véritable forteresse. D’apparence normale, les miliciens de Daech en avaientt fait une ligne de défense efficace. Les maisons en bordure de route sont renforcées par des sacs de sables et des position de tir ont été aménagées à des emplacements stratégiques. Sur toute la ligne de défense des tranchées ont été creusées à travers les jardins et les champs, communiquant d’un point de défense à un autre, permettant ainsi à nos ennemis de se déplacer à couvert et sans être vu. Dans les positions abandonnées nous avons trouvé différents objets tels que de la propagande et/ou des inscriptions à la gloire de l’état islamique. Certaines de ces fresques ont depuis été recouverte par des camarades nous ayant devancés.
Un autre jour nous sommes partis explorer un village chrétien qui a été tenu par Daech. L’église du village et sa croix sont visibles à des kilomètres, nous l’apercevons depuis notre campement. Pour l’atteindre nous avons d’abord traversé un premier village chrétien. La différence de statut économique est frappante ici, la finition architecturale est plus poussée et des machines coûteuses pour travailler les champs parsèment le village. Le style des habitations nous rappellent le Sud de l’Europe. Dans les rues, nous tombons sur quelques statuettes à l’effigie des rois mages ou de la vierge Marie. Toutes ont été saccagées et leurs têtes ont été coupées.
Quand nous arrivons finalement près de l’église (dynamitée par Daech le dimanche de Pâques 2015), nous constatons qu’il n’en reste plus grand chose. Seul le toit supporté par quelques colonnes a survécu à l’explosion. L’autel est en place mais c’est sûrement les villageois qui l’ont réparé. Quelques feuillets parsèment le sol, et en les ramassant nous nous rendons compte qu’ils sont écrits en araméen. Sur le chemin du retour les villageois, que nous croisons enfin, nous saluent chaleureusement. L’un d’entre nous attire au milieu d’un champ et nous explique qu’il a découvert une mine. Après avoir signalé la mine à l’aide de pierres et d’un fanion improvisé nous appelons les asayis (police de milice local) et usons de notre meilleur kurmanci pour leur demander une intervention d’un groupe de sabotage (équipes spécialisées minage et déminage). L’exploration des villages alentours nous permet de tromper l’ennui. Cela fait plus de 2 semaines que nous sommes en stationnement. Les journées ne sont rythmées que par les tours de garde et les repas. En dehors de cela ils nous est nécessaire de faire preuve de créativité pour se trouver des occupations. Les entraînements tactiques sont quasiment inexistants, et quand ils ont lieu nous constatons les lacunes militaires de nos camarades. Une simple mise à couvert au coin d’un bâtiment peut s’avérer catastrophique. Et pour cause, notre tabour (groupe de combat) n’a reçu aucune formation théorique. Nous réfléchissons a un moyen de participer à l’amélioration tactique du groupe mais nos moyens sont très limités…
D.I.