En même temps que se tenait le som­met Europe/Turquie à Brux­elles, une réu­nion du PSE (Par­ti Social­iste Européen) se déroulait en parallèle.

Le HDP est mem­bre offi­ciel du PSE. Voilà pourquoi dimanche soir, assis seul sur la pre­mière ligne d’un vol Turk­ish Air­lines,  Sela­hat­tin Demir­taş, son Co Prési­dent était en route pour Brux­elles, comme Davu­toğlu dans un autre avion. Il en a prof­ité pour don­ner une interview.

L’U­nion européenne com­met une erreur his­torique dans sa hâte à con­clure un accord sur la ques­tion des réfugiés avec la Turquie, en se détour­nant des vio­la­tions des droits de l’homme en cours, qui peu­vent plonger la Turquie, grande can­di­date à l’ad­hé­sion, dans la guerre civile”, a déclaré Demirtaş.

Il a ajouté : “L’UE détourne le regard de la répres­sion de l’op­po­si­tion en Turquie, qui polarise la société et com­plique les efforts pour trou­ver une solu­tion poli­tique au con­flit kurde pour le pays entier”.

L’UE tente le pari dif­fi­cile de ne pas bous­culer Erdoğan, ce qui est une grosse erreur”, a déclaré égale­ment Demir­taş. “Le monde est devenu très silen­cieux sur ce qui se passe en Turquie, et cela, en plus d’être attris­tant est aus­si une vision à courte vue. Si la guerre en Turquie con­tin­ue comme ça, vous allez avoir des réfugiés en prove­nance de Turquie même.”

Pour Demir­taş lui-même, les choses pour­raient évoluer rapi­de­ment. Il y a moins d’un an, il célébrait un résul­tat élec­toral mémorable qui  por­tait un coup à Erdoğan, con­tre ses ten­ta­tives de con­cen­tra­tion des pou­voirs en instau­rant un régime prési­den­tiel fort. Demir­taş avait une peine de prison pos­si­ble à l’e­sprit, le Prési­dent l’ayant accusé pour injures et sou­tien à entre­prise terroriste.

Erdoğan en effet, a appelé le Par­lement à dépouiller les élus HDP de leur immu­nité par­lemen­taire, pour les faire juger pour liens avec le PKK kurde, groupe con­sid­éré ter­ror­iste par la Turquie, les Etats-Unis et l’UE. Le Pre­mier min­istre turc, Ahmet Davu­toğlu, a déclaré dimanche que le Par­lement prendrait le sujet après des dis­cus­sions budgétaires.

Il y a un risque très élevé de guerre civile”, a déclaré Demir­taş, avec en main une copie de “Refaire Société” (propo­si­tions d’au­tonomie kurde)  “Je ne vois pas cela comme un grand risque pour moi per­son­nelle­ment. Mais pour le pays, il est un.”

Demir­taş tient ces pro­pos deux jours après que l’ad­min­is­tra­tion gou­verne­men­tale ait mis sous tutelle un des jour­naux d’op­po­si­tion après tant d’autres (Zaman) avec un un raid polici­er spec­tac­u­laire qui a déclenché des affrontements.

Bien sûr, cela nous affecte”, a déclaré Demir­taş. “Nous étions un groupe poli­tique en crois­sance, et main­tenant nous pou­vons seule­ment essay­er de pro­téger nos positions”.“La Turquie va rapi­de­ment dans la mau­vaise direc­tion, avec le prési­dent Erdoğan qui peut con­cen­tr­er le pou­voir avec des freins et des con­tre­poids très lim­ités”.

Une agence finan­cière a déclaré par e‑mail le lun­di. “Les investis­seurs à long terme seraient bien avisés de n’avoir aucune expo­si­tion avec Turquie.”

La livre turque a dimin­ué de 0,6 pour cent à 2,9207 par dol­lar à 18h20 le lun­di. La mon­naie a peu changé cette année, après une baisse de 20 pour cent en 2015.

Dans les réu­nions cette semaine avec le Par­ti des social­istes européens Demir­taş prévoit d’ex­hort­er ses homo­logues européens à respecter leurs principes human­i­taires et de leur deman­der de tra­vailler à met­tre fin au con­flit kurde.

Ils devraient jouer un rôle de médi­a­teur entre la Turquie et le PKK,” dit-il. “Le par­lement européen pour­rait con­stituer une com­mis­sion, et ils pour­raient appel­er à un cessez-le-feu. Ensuite, l’UE pour­rait con­duire un proces­sus de paix tur­co-kurde qui  facilit­erait égale­ment le proces­sus d’ad­hé­sion à l’UE de la Turquie “.

Cela est peu prob­a­ble, étant don­né que l’UE con­sid­ère aus­si le PKK comme un groupe ter­ror­iste, mais Demir­taş a déclaré qu’il y avait un précé­dent pour une telle ini­tia­tive. la médi­a­tion de Davu­toğlu aux Philip­pines ayant con­tribué à met­tre fin au con­flit avec le Front de libéra­tion islamique Moro séces­sion­niste, large­ment recon­nu comme une organ­i­sa­tion terroriste.

Parce qu’ils voient le PKK comme un groupe ter­ror­iste, l’U­nion européenne pense qu’elle doit aus­si accepter la guerre de la Turquie con­tre le PKK comme légitime”, a‑t-il dit. “Mais cela est une approche très mauvaise.”

La plu­part des dirigeants et hommes poli­tiques  européens sont réti­cents à réfléchir et s’en­gager sur ces ques­tions internes com­plex­es de la Turquie, omnibulés qu’ils sont par l’ob­jec­tif immé­di­at de  lutte con­tre le plus grand flux de réfugiés depuis la Sec­onde Guerre mondiale.
Cela donne à la Turquie un effet de levi­er très impor­tant et un pou­voir de chantage.

Le même jour que les autorités ont pris le con­trôle du jour­nal Zaman, le prési­dent du Con­seil européen Don­ald Tusk, qui était à Istan­bul, a tweeté une pho­to de lui avec Erdoğan devant une paire de trônes dorés.

Demir­taş ter­mine en dis­ant qu’il y a peu de raisons d’être opti­miste à court terme. Si la Turquie et le PKK pour­suiv­ent leurs com­bats sans inter­ven­tion vers une trêve poli­tique, “une guerre plus éten­due nous attend dans les mois à venir,” at-il dit.
“L’UE n’a pas de poli­tique”. “Au lieu d’es­say­er d’asséch­er le marais, ils se bat­tent avec les mous­tiques. Si, au con­traire ils pous­saient pour la paix, le marais se tarirait.”

Librement inspiré d’une interview de Bloomberg.

Le par­ti HDP serait sans aucun doute bien inspiré de quit­ter ce regroupe­ment européen qui n’a plus de social­iste que de nom et d’eu­ropéen que l’é­ti­quette. Si son co-Prési­dent pense encore que ceux qui col­la­borent au sou­tien éhon­té à Erdoğan vont avoir une oreille atten­tive, il devrait alors penser que le prin­ci­pal par­ti kémal­iste de Turquie, social libéral est son meilleur allié… Avez vous vu quelque part en Europe, ces derniers temps, un par­ti “dit social­iste” se lever pour con­damn­er les mas­sacres à Cizre ou ailleurs au Kur­dis­tan Nord, où sign­er l’ap­pel européen pour l’accueil des réfugiés ?

Ce marais là est un marig­ot insalu­bre, où grouil­lent des croc­o­diles politi­ciens aux dents longues, amis de la finance européenne, et à mille lieux des préoc­cu­pa­tions de paix et d’au­tonomie d’un par­ti d’op­po­si­tion démoc­ra­tique turco/kurde en but à la répres­sion, et dont les mil­i­tants sont men­acés tous les jours.

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Daniel Fleury
REDACTION | Auteur
Let­tres mod­ernes à l’Université de Tours. Gros mots poli­tiques… Coups d’oeil politiques…