Après quelques jours à Qamislo. Nous sommes partis direction le front.
Dans les villages que nous avons traversés, les enfants couraient en bandes derrière notre jeep en chantant YPG et en levant leurs petits doigts en souriant. En s’ approchant du front nous somme passés a travers des villages abandonnés et a moitié détruits par les combats.
Nous avons franchis les checkpoints des asayis (police de milice recrutée dans les populations locales) puis nous sommes arrivés dans une place forte.
De forme triangulaire, avec des remparts de 4 m de haut fait de terre et de sacs de sable, entourée d’une tranchée de 3–4 mètres de large et de 4 mètres de profondeur. Cette dernière nous protège d’éventuelles voitures suicide. Il y a quelque temps lors d’une attaque ennemie, une voiture suicide a explosé à l’extérieur du camp et on en retrouve encore des morceaux éparpillés aux alentours.
Notre camp se situe dans une zone arabophone. Nous protégeons une route bétonnée et gardons son accès. Les villages au nord et au sud-est ont en partie soutenu les miliciens de daech. Il y a quelques mois nos camarades des YPG-YPJ y ont découvert des stock de mines artisanales et d’explosifs.
Tous les matins une escouade de camarades part sur la route à pied pour vérifier les 12 km qui nous séparent du checkpoint le plus proche, afin de nettoyer la route d’éventuelles mines et/ou barrages inopportuns.
Le village à l’ouest est vide depuis que le front à atteint cette zone. Nous le surveillons nuit et jour car il pourrait fournir une bonne couverture à une attaque ennemie.
D.I.
Le 28 février 2016
C’est le grand jour du départ et nous allons aller de surprises en surprises.
Nous prenons la route vers 8h pour Qamisio. C’est une estafette qui vient nous chercher. Nous arrivons à destination vers 10h dans une sorte de base.
Là on me demande la note pour la toubib, que je remets. Ensuite nous attendons dans une des nombreuses chambres après avoir été casser la croûte.
Une heure et demie plus tard il nous est demandé de monter dans un véhicule. Celui-ci prend la route jusqu’au moment où je me rends compte que nous quittons Qamisio. J’essaie de faire comprendre au chauffeur qu’il y doit y avoir une erreur, car notre rendez-vous se trouve en ville. Impossible de se comprendre. Nous prenons la direction du sud, pour enfin arriver à Til temir, cette ville que l’on voit dans le reportage «mercenaires des idéalistes contre daech».
La ville a été reprise il y a environ sept mois. Nous nous rendons en périphérie dans ce qui était une station d’épuration d’eau où se trouve un camp de repos pour des combattants blessés. On nous explique que tous les tabours sont partis depuis trois jours suite à une attaque de DAECH dans le secteur de Cedade. Nous devons attendre ici R et il nous est demandé de remettre la note que nous avons pour le commandant. Je rechigne à la donner car c’est un peu notre seule garantie d’aller où nous avons choisi, mais bon, là nous n’avons pas trop le choix.
Nous retrouvons sur place les Suisses ce qui est une bonne chose. Ils ont à peine le temps de nous expliquer leur séjour à Qamisio qu’il nous est demandé d’embarquer à nouveau dans un véhicule pour nous rendre dans un camp militaire des YPG et YPJ. En fait il s’agit d’une ancienne exploitation agricole d’importance, compte tenu des nombreux bâtiments qui servaient à l’origine de stabulations. On peut y admirer quelques spécimens de véhicules tels des orgues de Staline, des pelleteuses blindées etc. J’avais déjà vu ces engins dans différents reportages sur le Rojava et un peu plus tard lorsque nous mettrons les pieds dans un atelier, l’endroit est exactement celui où le français Roj du reportage mentionné plus haut fait réparer la douchka.
Un peu plus tard, nouvelle surprise, les Suisses nous rejoignent sur place et nous partons tous ensemble pour notre tabour Il s’agit du groupement du commandant Kurtay. Nous sommes sur la ligne de front.
Contrairement aux peshmergas cette position de défense n’est pas homogène. Si effectivement le camp semble imprenable au vu des fortifications, des tranchées et de sa position dominante aux alentours, il est isolé. Ceci n’a pas empêché il y a six mois de cela pour le tabour qui était présent de subir et tenir un assaut de DAECH pendant trois jours sans le moindre souci et en éliminant plus de vingt ennemis durant les affrontements.
Du 29 février au 4 mars 2016
Les journées et les nuits s’enchaînent au fur et à mesure.
Réveil à 5h du matin, petit déjeuner vers 6h. Ensuite il y a un battement jusqu’à 8h30. J’en profite en règle générale pour faire ma toilette durant ce temps. Ensuite vient un cours d’armement ou autre jusqu’à 11H30 . C’est l’heure de la « soupe ». A l’issue un temps de pause pour reprendre vers 13H30 jusqu’à 16H30 soit par du tir ou autre. C’est alors l’heure du souper et puis la tombée de la nuit qui arrive aux alentours de 17H30.
Voilà en ce qui concerne le cycle de 24h en sachant que nous montons tous 2h de garde sur la journée et 1h30 la nuit.
Le camp est divisé en deux parties : d’un côté les YPG et de l’autre les YPJ chacun avec un commandant qui forme un binôme. Nous sommes environ une trentaine (vingt hommes et dix femmes), jeunes pour la plupart, certain même mineurs me semble-t-il. La guerre a fait de nombreux orphelins et les institutions telles les écoles commencent juste à ouvrir leurs portes ce qui peut expliquer en partie cela. Mais j’ai tout de même du mal à penser que ces mômes peuvent être envoyés au combat.
Nous avons perçu notre armement individuel (kalachnikov) et chacun cinq chargeurs de trente cartouches, ainsi que deux grenades (une offensive, une défensive) c’est la dotation pour chacun en sus d’un brellage de combat pour ceux qui n’en ont pas. Pitt Bull et moi-même avons pu mettre nos optiques sur l’armement après un passage à l’atelier pour réajuster le protège culasse avec le rail picanini. Il nous reste à régler les lunettes, ce qui est prévu dans les prochains jours, semble-t-il.
L’ensemble des cours, des exercices tactiques et des tirs se font en commun (filles, garçons) mais il n’y a pas de mixité dans les groupes. Ce qui me surprend et même m’inquiète c’est qu’une bonne moitié de tous ces combattants ne sont pas du tout prêts pour le combat tant physiquement, que tactiquement et au niveau du tir… Or nous devrions partir d’ici peu pour Kalabrousse libérer les villages aux alentours et singulièrement l’entraînement me semble bien trop relâché pour mettre ce petit monde opérationnel dans de brefs délais.
Ceci expliquant certainement cela, nous avons eu des nouvelles des tabours partis à l’affrontement contre DAECH dans Cedade. Certes, deux cents barbus sont morts, mais nous avons tout de même une quarantaine de martyrs dans nos rangs ce qui est à mon sens un lourd bilan.
C.C.