Le “saigneur” en son Palais illégal, comme l’appellent beaucoup de Turcs qui n’apprécient guère les fastes d’Ankara payés avec l’argent de “piscine” [détournements] et leurs sacrifices économiques, s’est senti quelque peu visé par un discours récent.
Erdogan porte donc plainte contre Demirtaş pour insulte.
Dans son discours du 27 février, le coprésident du parti politique HDP, Demirtaş avait tout simplement déclaré : “Un voleur ne peut être calife.”
Par ces temps de censure, d’emprisonnement par “le fait du Prince”, comme c’était l’expression ici sous la royauté, désigner nommément le voleur ou le Président comportait un risque. Le nom d’Erdogan ne fut donc pas prononcé dans la phrase.
C’était sans compter sur le fait que finalement, pour Tayyp, le terme de Calife ne déplaît pas.
Alors que Demirtaş n’avait fait qu’une simple explication de texte qui eut pu simplement concerner Ali Baba, Erdogan, se souvenant d’un coup que quelques affaires le poursuivent encore, et que son fils s’y trouve trempé jusqu’au cou, a mal pris la chose.
C’est vrai que comme cadeau d’anniversaire, ce qui reste du Conseil Constitutionnel, que le Calife ne reconnaît qu’à peine, lui avait retoqué la condamnation lourde de deux journalistes, en prison depuis trois mois. Un de ces journalistes, Can Dundar, l’en avait remercié chaleureusement.
Dans le même temps, ne voilà-t-il pas qu’un ami proche, “entrepreneur et investisseur” de métier, corrupteur et voleur de nature à ses heures, a des ennuis avec ses projets miniers à Artvin et lui a demandé de lui prêter quelques troupes pour régler ça. Anniversaire de merde quoi !
Mais décidément, Erdogan, alias Le Calife d’Ankara, prend vite la mouche.
Ces derniers mois, des enfants, des étudiants, des femmes, des universitaires, s’étaient vus arrêtés et traînés en justice, pour les mêmes raisons : insulte au Président. Pour faire bon poids, certains avaient mêmes été qualifiés d’ignorants et de soutien du terrorisme.
Gizem Yerik, une étudiante à la Faculté des Beaux-Arts de l’Université Uludağ , a été arrêtée pour avoir “insulté” le président alors qu’elle était en cours. On a lu ses messages sur twitter. Via le poste de police de Mudanya , qui a pris son témoignage , elle a été envoyée ensuite en prison par un tribunal expéditif pour «diffusion de propagande terroriste ” et ” insulte” au président Tayyip Erdoğan.
Mais sur ce coup là, le crétin se dévoile sous l’habit. Est-ce le voleur qui se sent visé, où le Calife ?
Dans le conte européen, ils ne sont que 27. Et en principe, le voleur est de Bagdag.
La censure ne pourra pas sans doute éviter les quolibets.
Rappelons pour terminer, les propos du ministre de la Justice Bekir Bozdag : “le nombre de dossiers qui a jusqu’ici permis l’ouverture de procédures judiciaires pour insulte envers le président est de 1845″, “C’est honteux. Je ne peux même pas lire le détail de ces insultes… J’en rougis. Cela n’a rien à voir avec la liberté d’expression”.
Tout cela serait risible et pitoyable, s’il ne s’agissait de quelqu’un pour qui Hitler est quasi un modèle “républicain” et qui surtout, fait emprisonner, assassiner, torturer une population entière au Kurdistan Nord, continue à faire tirer sur Afrin, au Kurdistan syrien, où près de 30 000 réfugiés sont arrivés.
Il est vrai qu’en France aussi, récemment, un certain Premier Ministre, avait déposé une plainte analogue, et fait condamner un opposant à sa politique, venu manifester. Tout cela reste de la démocratie n’est-ce pas ? Avec label européen s’il vous plait.