Bien­heureux les fous, parce qu’ils sont fêlés, ils lais­sent pass­er la lumière !

Nasr Eddin Hod­ja est un héros légendaire, réel ou imag­i­naire, de tra­di­tion orale, qui aurait vécu au courant du 13ème siè­cle en Ana­tolie.On le retrou­ve sous dif­férents noms de l’Afrique du Nord jusqu’à la Chine, en pas­sant par l’Égypte, la Syrie, la Sicile..

Il est con­tem­po­rain de Mevlana (Rûmi) et de Had­ji Bek­tâchî Veli. Mais il est plus proche des pen­sées de ce dernier, man­i­fes­tant sou­vent un esprit fron­deur vis à vis de l’Is­lam Sun­nite. La reli­gion, con­for­mé­ment à la pen­sée Bek­tâchî , étant une affaire privée et pou­vant se pass­er d’é­ta­lage pub­lic. Dans ses his­toires, le bon­homme trou­ve tou­jours des jus­ti­fi­ca­tions à la pra­tique du péché, comme si elle était néces­saire à l’ap­préhen­sion  du bien : en cela, il est une représen­ta­tion de l’homme dans toutes ses contradictions.

C’est un per­son­nage moitié fou — moitié sage, dont on a dit qu’il est “telle­ment intel­li­gent qu’il en devient bête ou il est si bête qu’il finit par dire des choses intel­li­gentes”. Tan­tôt idiot, tan­tôt éclairé, tou­jours fin, il fait tou­jours rire par sa naïveté feinte ou son sens de l’ab­surde. Pas un gros rire à tomber à la ren­verse, mais plutôt, un fin sou-rire qui nous invite à réfléchir. Les his­toires de Nasr Eddin Hod­ja, petites et satiriques, écorchent les big­ots (mais jamais la reli­gion), l’ar­ro­gance, l’orgueil, la van­ité et la bêtise des puis­sants et des rich­es, aus­si bien que des igno­rants qui s’ignorent.

C’est une invi­ta­tion, entre nar­ra­tion enfan­tine et pen­sée pro­fonde, à méditer sur l’injustice, la paresse, l’étroitesse d’e­sprit, la gour­man­dise, l’é­goïsme, l’ig­no­rance, les priv­ilèges, la mort, le des­tin de l’homme, les mys­tères de la vie….. L’esprit occi­den­tal ne se sen­ti­ra pas étranger aux bouf­fon­ner­ies de « Hod­ja », en qui il recon­naî­tra le proche cousin de Dio­gène, Renart et Till l’Espiègle. Le Divin et Génial Hod­ja a encore beau­coup de choses à dire et à mon­tr­er, à notre siècle… 

On voit Hod­ja (comme j’ai choisi de le nom­mer) en action: à la mosquée en train de prêch­er la bonne parole, chez le tailleur se faisant tailler un habit, dans sa mai­son bernant un ange, sur la place du marché mon­nayant une volaille, dans un jardin sur­prenant des amants, chez le sul­tan faisant lire son âne.

Les fig­urines et les décors du spec­ta­cle sont inspirés de minia­tures Ottomanes, Pers­es et Indi­ennes. Et l’e­sprit du spec­ta­cle est celui du Karagöz.

Tout le long, les tableaux sont accom­pa­g­nés de sons et d’instruments « acous­tiques »tur­co-ana­tolien. La musique fait réson­ner les espaces d’imaginaires mis en oeu­vre par le théâtre d’ombres, souligne l’argument, rythme l’action et par­ticipe à la res­pi­ra­tion du spectacle.

[vsw id=“VLsx-SbuhZI” source=“youtube” width=“640” height=“344” autoplay=“no”]

Et n’oubliez pas, pour celles et ceux qui décou­vrent cette chronique, que vous pou­vez tou­jours voir ou revoir les chroniques précé­dentes.

Auteur(e) invité(e)
Auteur(e)s Invité(e)s
AmiEs con­tributri­ces, con­tribu­teurs tra­ver­sant les pages de Kedis­tan, occa­sion­nelle­ment ou régulièrement…