A Cer­at­te­pe, la pop­u­la­tion résiste con­tre un pro­jet d’ex­trac­tion minière. A leurs yeux, la richesse au dessus de leur ter­res est bien plus pré­cieuse que le cuiv­re et l’or des pro­fondeurs, con­voités par les exploitants.

carte turquie artvinUne des plus belles forêts du monde se trou­ve dans ce coin de la Mer Noire à Artvin. Cer­at­te­pe est l’unique exten­sion de l’écosystème Cau­case en Turquie et con­tient une faune et flo­re d’une richesse ines­timable. Le chemin de migra­tion de plusieurs oiseaux passent par cette région, et on y trou­ve plusieurs espèces endémiques. Elle est égale­ment une des dernières zones de vie des forêts naturelles anciennes.

Quelques paysages d’Artvin…

Ce n’est pas une histoire qui date d’hier.

Cer­at­te­pe lutte depuis près de 25 ans con­tre les exploitants miniers. Comme les habi­tants dis­ent, pour cette nature excep­tion­nelle, il s’agit d’un “com­bat de vie et de mort”.

Un pro­jet d’extraction de métaux menaçant cette région depuis plusieurs années, a trou­vé comme réponse une lutte acharnée des habitants.

Le pro­jet prévoit de détru­ire 4.361 hectares de forêts, et l’a­battage de mil­lions d’arbres. Pour les habi­tants, l’utilisation de cya­nure pour l’extraction d’or est égale­ment une autre cause d’inquiétude et un légitime motif de résis­tance con­tre le projet.

artvin cerattepe paysage

Quant à l’entreprise futur-exploitante, elle trou­ve sa moti­va­tion dans les rap­ports d’experts qui annon­cent à Cer­at­te­pe, un poten­tiel de 7.799.000 tonnes de cuiv­res, et 9.115.000 tonnes d’or!

L’eau à la bouche, l’entreprise Eti Bakır, une branche de Cen­giz Hold­ing, appar­tenant à Mehmet Cen­giz ne veut pas lâch­er l’affaire.

mehmet cengiz erdogan 3eme pont istanbul

Mehmet offrant un cadeau à Tayyip lors des céré­monies de début des travaux du 3ème pont de Bospho­re à Istanbul

Mehmet Cen­giz, lui, est un per­son­nage dont nous  par­lons régulière­ment. Ce n’est pas parce que nous y tenons, mais parce que son nom appa­raît dans la plu­part des luttes que nous relayons, de la cen­trale nucléaire, aux cen­trales hydroélec­triques, en pas­sant par la Route Verte et le 3ème pont de Bospho­re. Très proche d’Erdogan, il n’a pas de dif­fi­culté à rafler toute sorte d’appels d’offre, et de réalis­er des pro­jets plus destruc­teurs l’un que l’autres, mais ô com­bi­en juteux ! Natif de la Mer Noire lui même, Mehmet « oeu­vre » beau­coup entre autres, pour sa région ! C’est tou­jours cet homme d’af­faire ambitieux, gour­mand de toutes sortes de prof­its, qui venait dans l’actualité avec ses pro­pos lors de l’affaire des écoutes télé­phoniques les 17–25 décem­bre 2014. Sur les enreg­istrements ren­dus pub­lic, il dis­ait avec beau­coup de classe :  « On va niquer la mère de cette nation !».

Une résistance qui dure

Dans la résis­tance de Cer­at­te­pe il y a eu plusieurs étapes, plus ou moins agitées.

Les derniers épisodes remon­tent à l’année dernière. Le Tri­bunal admin­is­tratif de Rize, avait annulé en 2014, le rap­port d’impact envi­ron­nemen­tal (ÇED) qui don­nait l’autorisation à l’exploitation des ter­rains forestièrs et les travaux avaient été arrêtés sur le plateau de Kafkasör.

En juin 2015, après avoir obtenu cette fois, une autori­sa­tion de la Direc­tion Régionale des Forêts, pour l’installation d’un con­casseur et d’un téléphérique, l’entreprise s’était de nou­veau activée. Les résis­tants aussi…

Les habi­tants et activistes avaient com­mencé à faire des tours de garde afin de sur­veiller l’arrivée éventuelle des machines de l’entreprise à Cer­at­te­pe. Ensuite de mil­liers de sou­tiens avaient débar­qué sur le plateau de Kafkasör.

Les tours de garde 24h/24 sont main­tenus depuis le 21 juin 2015 afin d’empêcher l’entreprise d’en­tr­er sur le chantier illé­gale­ment, chose qui arrive sou­vent en Turquie… Les procé­dures judi­ci­aires suiv­ent leur chemin.

Et la lutte continue

Nous apprenons donc qu’elle a repris de plus belle le 16 févri­er dernier…

Yeşil Artvin Derneği (L’association d’Artvin Vert) après la con­fir­ma­tion d’une nou­velle sur le fait que l’entreprise com­mencerait les travaux avec le ren­fort des gen­darmes, a lancé un appel d’urgence. En une journée, près de 2000 per­son­nes ont investi la région. Cette foule d’habitants, d’activistes, de mem­bres de divers­es organ­i­sa­tions de société civile ont blo­qué la route de Cer­at­te­pe autour de 20h.

Bedret­tin Kalın, mem­bre et avo­cat de l’Association « Yeşil Artvin » expli­quait alors aux médias :

« Actuelle­ment il n’y a pas de rai­son légale qui néces­site une inter­ven­tion. Le procès est arrivé à l’étape d’inspection. Nous atten­dons que l’inspection s’effectue. Avant l’inspection, il n’y a aucune base légale ni logique pour une intervention. »

La suite ne vous sera pas étrangère.

Les résis­tants sont restés toute la nuit pour blo­quer la route. Au petit matin, la police et la gen­darmerie ont com­mencé à charg­er. Les inter­pel­la­tions ont suivi les grenades lacrymogènes…

cerattepe lacrymogenes

La pop­u­la­tion et les sou­tiens con­tin­u­ent à résis­ter. Ensem­ble, ils con­stru­isent des bar­ri­cades. Un bull­doz­er, beau­coup de bras et de déter­mi­na­tion. Cha­cun, cha­cune apporte une pierre, une branche, un gril­lage, un rondin.

Simul­tané­ment, des man­i­fes­ta­tions se sont déroulées au cen­tre ville d’Artvin. Les com­merçants ont soutenu la résis­tance en bais­sant les rideaux. La mobil­i­sa­tion s’est élargie avec des blocages de routes.

Dans d’autres villes des man­i­fes­ta­tions ont été égale­ment organ­isées. A Ankara, une man­i­fes­ta­tion de sou­tien se déroulait d’ailleurs, hier mer­cre­di, non loin du lieu de l’ex­plo­sion qui a fait 28 morts et 61 blessés.

A Istan­bul l’en­tre­prise de Mehmet Cen­giz n’a pas été oubliée…
“Entre­prise assas­sin, dégage d’Artvin”

… A suivre

 

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Naz Oke
REDACTION | Journaliste 
Chat de gout­tière sans fron­tières. Jour­nal­isme à l’U­ni­ver­sité de Mar­mara. Archi­tec­ture à l’U­ni­ver­sité de Mimar Sinan, Istanbul.