Des migrants très utiles à Erdoğan

« Nous pou­vons ouvrir les portes de la Grèce et de la Bul­gar­ie aux réfugiés et les met­tre dans des bus. »

Voilà ce qu’a répon­du Erdoğan au prési­dent de la Com­mis­sion européenne lors d’une réu­nion à Ankara le 16 novem­bre 2015. Le compte-ren­du a fuité puis a été pub­lié par le site grec Euro2Day. La Com­mis­sion Européenne, con­tac­tée par le Tele­graph, n’a pas authen­tifié le doc­u­ment sans pour autant démen­tir les pro­pos retranscris.

Cette phrase provo­ca­trice du prési­dent turc s’in­scrit dans les pour­par­lers avec Jean-Claude Junck­er et Don­ald Tusk, prési­dent du Con­seil européen, pour un plan d’aide finan­cière de l’UE à la Turquie afin qu’elle con­ti­enne le flot de migrants entrant dans l’e­space Schengen.
D’après ce doc­u­ment, le prési­dent turc espère un verse­ment de 6 mil­liards d’eu­ros alors que la propo­si­tion ini­tiale était de 3 mil­liards. Erdoğan utilise alors les migrants comme levi­er pour faire pres­sion sur les hauts respon­s­ables de l’UE et les forcer à aug­menter le mon­tant final de l’accord.
Erdoğan dit que :

« l’UE devra faire face à plus qu’un enfant mort sur les côtes turques. Il y en aura 10.000 ou 15.000. Com­ment allez-vous gér­er cela ? »

Le prési­dent turc prof­ite aus­si de ce moyen de pres­sion pour remet­tre sur la table la ques­tion de l’ad­hé­sion de la Turquie à l’U­nion Européenne ain­si que celle de la lev­ée de l’oblig­a­tion de visa pour les turcs entrant en Europe.

Finale­ment l’ac­cord est signé le 29 novem­bre 2015 pour 3 mil­liards d’eu­ros dont 500 mil­lions provenant directe­ment du bud­get européen, le reste étant fourni par les États mem­bres. Le texte de trois pages est som­maire et très court et ne com­prend pas d’in­struc­tions pré­cis­es quant à l’u­til­i­sa­tion de ces fonds.

Moins de deux mois après l’ac­cord et mal­gré l’en­gage­ment de la Turquie d’endiguer la crise migra­toire, le flux des migrants reste « trop élevé » selon Frans Tim­mer­mans, vice-prési­dent de la Com­mis­sion européenne.

Erdoğan et son parti aidés par l’Union Européenne

L’autre point extrême­ment intéres­sant ce compte-ren­du est que Junck­er con­firme que la pub­li­ca­tion du rap­port de 2015 con­cer­nant l’ad­hé­sion de la Turquie à l’UE a été dif­férée pour éviter son inter­férence avec les élec­tions lég­isla­tives turques.
Junck­er dit que :

« Le rap­port sur le pro­grès a été retardé à la demande d’Erdoğan. »

Ce rap­port assez négatif fait état des mul­ti­ples atteintes aux droits fon­da­men­taux et s’af­fiche comme une dénon­ci­a­tion offi­cielle des dérives lib­er­ti­cides du gou­verne­ment turc. Il faudrait faire preuve d’une extrême mau­vaise foi pour nier l’im­pact qu’au­rait eu ce rap­port sur les résul­tats de l’AKP (par­ti islamo-con­ser­va­teur d’Er­doğan) aux élec­tions s’il avait été pub­lié avant celles-ci.

Se con­firme alors une con­nivence entre les grands pontes européens et le prési­dent turc. Junck­er et ses col­lègues font preuve d’une volon­té for­cée de main­tenir de bonnes rela­tions avec un Erdoğan qui forge, avec la men­ace d’une inva­sion de migrants, une absurde épée de Damoclès.

Mar­ti Blancho 

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In Eng­lish: Erdoğan uses migrants for his nego­ti­a­tions with the UE

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