Les médias sous con­trôle de l’AKP ont annon­cé la fin des opéra­tions menées sous cou­vre feu à Cizre depuis le 14 décem­bre et “la mort de 60 ter­ror­istes cachés dans le sous-sol d’un immeuble”.

Il s’agis­sait de pren­dre les devants pour mas­quer le crime de guerre qui se pré­parait depuis quelques jours, puisqu’en réal­ité les forces de répres­sion ont mis fin au siège de l’im­meu­ble où des blessés mour­raient un à un, la police inter­dis­ant l’ap­proche  des sec­ours, et fait explos­er un autre.

Hier, dans le quarti­er Cudi de Cizre, un immeu­ble avait pris feu suite au tir à canon. L’incendie avait tué 9 per­son­nes et un jeune de 16 ans avait été tué par balle à la porte de l’im­meu­ble. Une trentaine de per­son­nes étaient coincées à leur tour dans le sous-sol.

Par ailleurs, dans un autre immeu­ble se trou­vant dans le même quarti­er, 24 per­son­nes dont 15 blessés, étaient coincées dans le sous-sol depuis 16 jours et injoignables depuis le 29 jan­vi­er.  Leur sort était inconnu.

TRT (télé d’état) annonce donc dimanche soir, en flash « l’intrusion dans le sous-sol, présen­té cette fois comme QG du PKK à Cizre. 60 ter­ror­istes ont été tués » et les médias comme Şafak, Sabah, Star, Akit repren­nent l’information en titrant « La fin des opéra­tions menées con­tre le PKK ». La plu­part de ces médias ont ultérieure­ment rec­ti­fié le nom­bre de “ter­ror­istes tués” de 60 à 30.

L’A­gence DIHA pré­cise qu’à l’heure à laque­lle la TRT a annon­cé le début des opéra­tions, c’est à dire entre 17h et 19h, il n’y a pas eu d’affrontements mais que de fortes explo­sions ont été enten­dues par la pop­u­la­tion. Cette obser­va­tion a été con­fir­mée par le député HDP Faysal Sarıyıldız, sur place. DIHA annonce égale­ment que dans un pre­mier temps, 7 corps auraient été trans­férés à l’hôpital de Cizre.

La vidéo du direct de Özgür Gün TV, du 4 févri­er à 17h15 nous fait enten­dre le dernier appel à l’aide depuis l’im­meu­ble incendié. Il s’ag­it de Mehmet Tunç, prési­dent du con­seil pop­u­laire de Cizre qui prob­a­ble­ment fait par­tie des morts aujourd’hui.
(vidéo en turc, suivi de la tra­duc­tion en français)

… A part l’aide il y’a l’incendie. La pop­u­la­tion qui est coincée dans le sous-sol depuis qua­tre cinq jours. Il sont blessés, et nous sommes dedans. De toutes façons, ici, c’est bom­bardé depuis hier. Un incendie s’est déclarée, les mortiers et tirs ont troué l’immeuble. Les anciens meubles et affaires sont à l’intérieur [au sous-sol] nous sommes face à une dif­fi­culté. [inaudi­ble]. Ici, près de 30 per­son­nes brûlent.

Et en ce moment… [il tou­sse très fort] la fumée s’est infil­trée à l’intérieur et le feu com­mence à entr­er par les trous. Bien que j’ai essayé de mouiller les canapés, il y a un grand incendie en haut. De toutes façons cet incendie doit est vis­i­ble de partout de Cizre. […] Je fais appel à l’humanité, à cet instant, il faut plutôt et absol­u­ment que les pom­piers vien­nent étein­dre l’incendie que des ambu­lances. Sinon, vrai­ment, il y’a des gens dont les jambes sont arrachés, des blessés graves, il y’a des enfants dans cette mai­son en ce moment. Ils vont brûler dans les flammes. Je suis sûr que la Turquie, toute la Terre, et même l’ONU enreg­istreront cela…

Le présen­ta­teur [coupe sa parole] : com­bi­en de blessés, et com­bi­en de per­son­nes se trou­vent dans le sous-sol actuellement ?

Près de 37… 37 personnes

Le présen­ta­teur : Ces 37 per­son­nes sont à l’étage qui brûle ou en bas ? Pour­riez-vous répéter ?

Nous sommes tous en bas. Oui, nous sommes tous en bas, l’étage brûle.

Le présen­ta­teur :  Com­bi­en de per­son­nes ? Vous avez dit 37 ?

37 per­son­nes.

Le présen­ta­teur : Est-ce qu’il y a une chance d’intervention ou des gens qui vien­nent ou appellent ?

Le pro­prié­taire avait mis un stock d’eau ici, une dizaine de bon­bonnes. Nous avons con­som­mé cinq, six. J’ai don­né à des amis ici. Ils les ont con­som­mé. Ils sont blessés, ils boivent de l’eau. Il reste qua­tre, cinq, je les ai mis sur les canapés. Ils sont un peu mouil­lé. Mais haut, la mai­son brûle complètement.

Le présen­ta­teur : Pour quelle rai­son cette incendie s’est déclarée ?

C’est avec les tirs de canon des chars et des mortiers. De toutes façons, l’état de Cizre depuis des jours, on con­nait. Comme on a vu …..[inaudi­ble] avec des tirs, peut être les rideaux, ou je ne sais pas quoi de la mai­son ont du pren­dre feu. Et le feu descend petit à petit vers le bas. Ce serait bien d’envoiyer un télé­phone avec images, que le monde voit cette mai­son qui est en flammes.

Le présen­ta­teur : Vous êtes dans quelle mai­son du quel quarti­er ? Vous con­nais­sez le numéro de l’immeuble ?

Nous ne con­nais­sons pas le numéro de l’immeuble. Parce que…

Le présen­ta­teur [coupe] : Et comme quarti­er ? Savez vous dans quel quarti­er vous êtes ?

Le quarti­er de Cudi. Quarti­er Cudi, der­rière [inaudi­ble].

Le présen­ta­teur : Oui.

C’est à dire, vers le haut de Abdül­cedid [?]. De toutes façons le feu est vis­i­ble. Si les gens mon­tent au pre­mier étage, ils peu­vent voir le feu.

Le présen­ta­teur : Oui. et à pro­pos de l’état des blessés actuellement ?

Il y a des blessés qui sont dans un état très grave. J’ai lais­sé les autres gens qui sont blessés depuis 10 jours. dans sous-sol que j’ai quit­té, mon état était bien. Je pou­vais sor­tir. Vous savez depuis des jours, com­ment dire… pour que les choses ne se répè­tent pas et pour ne pas être otage moi aus­si, je suis sor­ti et je suis entré dans un autre sous-sol. [Dans le pre­mier sous-sol] les gens étaient blessés depuis une dizaine de jours, ils sur­vivaient sans eau et sans nour­ri­t­ure. Comme un devoir d’humain, et en tant que Prési­dent de con­seil je suis resté près d’eux. Nous essayons depuis des jours de faire enten­dre leur détresse à l’opinion publique au monde, mais… les bat­ter­ies de nos télé­phones se ter­mi­nent. Et là, suite à la déc­la­ra­tion de l’incendie, nous avons appelé pour deman­der l’arrivée des pom­piers. Nous lais­sons faire l’humanité. Si ces gens bru­lent, l’humanité vien­dra chercher leur corps car­bon­isés, comme l’hôtel de Madı­mak est passé dans l’histoire de la Turquie comme une honte.. et en ce moment, cet immeu­ble, cet immeu­ble de 4 étages, je le sais, passera dans l’histoire de la Turquie comme une honte de l’humanité, comme une tache noire…. Inchal­lah, ce ne sera pas comme ça, j’espère que je me trompe. J’espère que ces gens seront sauvés et qu’une chose comme ça ne don­nera pas un coup de plus à la fra­ter­nité kurde-turque.

Le présen­ta­teur : Il y avait un autre immeu­ble. Celui ci est un autre immeu­ble, c’est bien cela ? Ce n’est pas l’immeuble où les blessés se trou­vent depuis des jours ?

Je n’ai pas de nou­velles de cet immeu­ble depuis 6 jours. Il n’y a plus de force, ni de  [inaudi­ble], nous n’avons pas de nou­velles. Nous sommes un peu plus haut. Quand on dit l’adresse on se trou­ve face à des attaques plus intens­es, c’est pour cela je ne dirai pas. La pre­mière fois on l’a dit, il ont envoyé des mortiers.

Le présen­ta­teur : Est-ce qu’on ouvre le feu en ce moment [sur vous] ?

Le feu est vis­i­ble, ça doit se voir partout.

Le présen­ta­teur : Pour­riez-vous répéter le nom­bre de blessés et leur état, pour confirmer ?

Les blessés sont du nom­bre 37. …[inaudi­ble], ils ont des jambes cassés, des pieds arrachés, cer­tains sont touchés par balle, d’autres sont blessés par des bombes [canons] ou en état de choc à cause de la pres­sion [provo­qué par l’explosion] et ils sont paralysés. Ces gens sont en dif­fi­culté mais ils n’ont pas la chance de fuir. Le véhicule qu’on appelle Kobra, attend en ce moment même devant la porte. Peut être qu’ils enten­dront cette con­ver­sa­tion et nous exé­cuteront dans quelques min­utes, nous sommes face à ce dan­ger. Il est pos­si­ble que ce soit notre dernier appel, notre dernier cri. Peut être que nos députés, Sela­hat­tin Demir­taş, ils font des entre­tiens peut être, pour avoir les pom­piers et sauver les gens. Parce que désor­mais, l’arrive des ambu­lances je pense, n’est plus pos­si­ble, c’est l’arrivée des pom­piers qui doivent venir avant tout.

[Fin de la conversation.]

*Si vous arrivez à bien entendre les parties qui nous ont parues inaudibles, n’hésitez pas à nous écrire en indiquant les minutes et ce que vous entendez. Merci.

 


Des pho­tos de corps, la plu­part cal­cinés sont partagées sur les réseaux soci­aux. Nous vous épargnerons  ces images pour plusieurs raisons. Elles ont été pub­liées en pre­mière main par “des comptes” proches des forces armées, en signe de vic­toire macabre. Nous avons décou­vert pour cer­taines d’en­tre elles, qu’il s’agis­sait des images d’autres vic­times de mas­sacres antérieurs, dont les images sont irre­spectueuse­ment “recy­clées” pour dénon­cer un autre mas­sacre. Ce qui, pour nous, est une façon de faire qui décrédi­bilise totale­ment une dénon­ci­a­tion légitime. Pour les autres images, dont nous n’avons pas trou­vé de traces anci­ennes, nous n’ar­rivons pas con­firmer leur vérac­ité. Et bien sur, nous savons que les lecteurs de Kedis­tan, n’ont pas besoin d’être visuelle­ment sol­lic­ités pour être boulever­sés, pour s’in­former et réfléchir. 

A l’heure actuelle, même avant de s’in­quiéter pour les pho­tos, les pré­ci­sions man­quent. Les députés du HDP Faysal Sarıyıldız, Mer­al Danış Beş­taş et İdris Baluken ont annon­cé dans la nuit, qu’ils avaient égale­ment beau­coup de mal à obtenir des nou­velles sûres et essayaient dés­espéré­ment d’avoir des confirmations. 

De nom­breuses réac­tions à chaud ont été observées, notam­ment sur les réseaux soci­aux. Les appels au rassem­ble­ment dans divers­es villes turques et européennes se mul­ti­plient depuis 02h00 du matin. Et les appels trou­vent écho.

twitter appel cizre 1

angleterre pour cizre massacre

Angleterre

hannover cizre massacre

Han­nover

On con­tin­ue à suivre…

On ne con­naît pas encore avec pré­ci­sion le nom­bre de vic­times, mais les cir­con­stances ne lais­sent plan­er aucun doute. On con­naît les assas­sins, leurs méth­odes, et celui qui est au bout de la chaîne de com­man­de­ment : c’est un ami de la France et des gou­verne­ments européens. Le mas­sacre de Cizre est de la respon­s­abil­ité d’Er­do­gan et de son gouvernement.

Pour pro­test­er con­tre le mas­sacre de Cizre, les organ­i­sa­tions de société civile et les par­tis d’op­po­si­tion démoc­ra­tique ont décidé trois jours de “ville morte” à diyarbakır et se déclare prêts à ren­forcer la résistance.

Aujour­d’hui 8 févri­er 14 heures, une marche a com­mencé à par­tir du siège local du DBP à Diyarbakır.

Un peu partout, des ripostes et des protes­ta­tions s’or­gan­isent, dans les métrop­o­les turques, et dans les grandes villes européennes…

cizre cizir massacre

dernière minute : Par­mi les per­son­nes exé­cutées la nuit dernière par l’E­tat turc à Cizir, fig­ure donc Mehmet TUNÇ, Co prési­dent de l’assem­blée pop­u­laire de Cizre. “Si l’E­tat turc nous exé­cute, que ceux qui ont gardé le silence ne vien­nent pas pleur­er sur nos tombes.” Voir plus haut son dernier témoignage avant le massacre.

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