Depuis 10 jours, 28 per­son­nes sont retenues dans les sous sols d’un immeu­ble effon­dré et le nom­bre de morts suite aux blessures graves, en absence de sec­ours pos­si­bles et de soins atteint les 7. Les forces de répres­sion inter­dis­ent tou­jours l’accès.

turquie-carte-cizreLe Tri­bunal Con­sti­tu­tion­nel a décidé qu’il s’a­gi­rait d’une rumeur.

Erdo­gan avait déclaré que tout cela était des men­songes : “si ça se trou­ve ils ne sont même pas blessés”.

Le Min­istre d’In­térieur Efkan Ala a affir­mé que les drones ne cap­tait aucun bruit de tir dans le quartier.

Et aujour­d’hui c’é­tait au tour du Pre­mier Min­istre Davu­to­glu d’an­non­cer “Le fait que des ter­ror­istes tirent sur les ambu­lances fait qu’ils n’ont pas pu récupér­er les blessés. Les ambu­lances se sont rap­prochées de l’im­meu­ble mais per­son­ne n’en est sor­ti.”… “Où sont ces blessés ? Prob­a­ble­ment, il n’y en a aucun”.

Davu­to­glu déclare égale­ment : “Le par­ti [HDP] qui n’est que la pro­lon­ga­tion poli­tique [légale] de l’or­gan­i­sa­tion teror­iste [PKK] occupe l’Assem­blée Nationale avec cet inci­dent depuis des jours. Et ils font des déc­la­ra­tions qui exci­tent l’opin­ion publique”. Déclarant qu’une équipe médi­cale de 30 per­son­nes, 10 ambu­lances, un héli­cop­tère et un avion ambu­lance ont été envoyés afin de trans­fér­er les blessés, il ajoute “Allez y, voici l’arène, nous avons fait tout cela. Qu’ils dis­ent qu’on n’a rien fait”.

Les député du HDP İdris Baluken, Mer­al Danış Beş­taş, Osman Bay­demir actuelle­ment en grève de la faim, ont donc ren­du pub­lic les enreg­istrements des com­mu­ni­ca­tions avec les blessés du 29 jan­vi­er. Les appels avaient été passés depuis le bureau du Min­istre de l’In­térieur Efkan Ala.

Beş­taş a souligné ” La seule rai­son de cette pub­li­ca­tion est le sauve­tage des blessés”. Elle a ajouté que ce jour là, ils étaient très près d’ef­fectuer leur sauve­tage : “L’ar­rivée des ambu­lances a été autorisée. Les ambu­lances de la Munic­i­pal­ité ont pu se rap­procher à 100 mètres du sous-sol”. 

Vous enten­drez la con­ver­sa­tion, entre­coupée d’ex­plo­sion… Depuis cet appel il n’y a pas eu de nou­velles des blessés.

Voici l’enregistrement et la traduction.

Beş­taş : En ce moment même, nous suiv­ons l’ambulance sur la route. Quand l’ambulance sera ren­due on va vous appeler.
Le civ­il : D’accord. Ici il n’y pas de bruit.
Beş­taş : Quand l’ambulance arrive je vous appelle.
Le civ­il : Pour votre info, aucun bruit.
Beş­taş : D’accord.
Beş­taş : Nous avons vu avec le min­istère, nous seront cha­cun à un télé­phone. Vous pou­vez vous pré­par­er dès main­tenant. Ils ont don­né leur autori­sa­tion. Quand on vous appel­era vous sortirez.
Le civ­il : D’accord
Beş­taş : Les bruits des policiers sont-ils arrêtés ?
Le civ­il : Ils sont là, leurs voix, dans le couloir
Beş­taş : Ils sont juste devant la porte où vous allez sortir…
Le civ­il : Oui oui, à l’intérieur
Beş­taş : Ils sont à l’intérieur
Le civ­il : Peut être qu’ils vous enten­dent, le haut par­leur est mis.
Beş­taş : Qu’ils entendent.
Le civ­il : Le Min­istre est-il avec vous ?
Beş­taş : En ce moment il……
Un bruit d’explosion, suivi de cris et de tirs.
Beş­taş : Que s’est-il passé ? Que c’est-il passé ?
Beş­taş : Allô Allô…
Le civ­il : J’ai mal aux oreilles, je n’entends pas moi,
Beş­taş : Tes oreilles te font mal… Tu arrives à enten­dre ma voix ?
Le civ­il : Très peu
Beş­taş : Très peu… je crie en ce moment, je crie… si vous n’êtes pas dans la pos­si­bil­ité de sor­tir, il faut qu’on trou­ve une autre formule.
Le civ­il : Nous, nous sommes sous les décom­bres„ com­ment puis-je vous expliquer ?
Beş­taş : D’accord, d’accord, d’accord, donc vous n’êtes pas dans la pos­si­bil­ité de sortir
Le civ­il : Nous sommes sous des décom­bres, des décombres !
Beş­taş : Gardez le télé­phone en ligne (s’adresse à des gens qui sont avec elle) ils ne peu­vent pas sor­tir, ils ne peu­vent pas sortir.

Tout porte à croire qu’une explo­sion s’est pro­duite au moment même où des forces de police étaient présentes au dessus, soit de leur fait, soit du fait d’un tir d’obus venant de l’extérieur.

Aujourd’hui,Selahattin Demir­taş a demandé un cor­ri­dor human­i­taire pour évac­uer les blessés.

Une délé­ga­tion du HDP et du BDP ont tenu une con­fer­ence de presse à Mardin. Le Co-prési­dent du HDP, Sela­hat­tin Demir­taş y a déclaré “qu’il était prêt à aller à Cizre avec une équipe de médecins pour récupér­er les blessés”, et a appelé le gou­verne­ment à “ouvrir un cor­ri­dor human­i­taire”. Il a réaf­fir­mé que le HDP a con­cen­tré tous ses efforts sur la fin du cou­vre-feu, des vio­la­tions des droits humains, mais que le gou­verne­ment “per­siste à fuir ses respon­s­abil­ités légales et morales”.

«Nous ne lâcherons pas tant que la sit­u­a­tion au sous-sol que nous qual­i­fions de sauvagerie ne soit clar­i­fiée” a‑t-il ajouté.

Demir­taş a dévelop­pé ensuite son pro­jet de rejoin­dre une équipe médi­cale pour faire sor­tir les blessés et évac­uer les morts à Cizre, et a insisté en direc­tion du Pre­mier min­istre Davu­toğlu pour qu’il réponde à leurs appels en faveur d’une solu­tion human­i­taire “avant que tous les ponts ne soient coupés et que la négo­ci­a­tion ne devi­enne impossible”.

Plusieurs artistes et intel­lectuels ont égale­ment fait part de leur inten­tion d’ap­puy­er cette démarche en personne.

Des morts “pour l’exemple” ?

Ce crime de guerre “en direct”, nié d’abord, puis “rel­a­tivisé” par dif­férentes autorités gou­verne­men­tales, fait suite à un autre, qui il y a quelques jours, avait vu des civils accom­pa­g­nés d’un cam­era­man pris pour cibles volon­taire­ment par les mil­i­taires turcs en pleine rue, alors qu’ils évac­uaient des blessés et des corps, munis d’un dra­peau blanc. Là encore, les morts étaient en direct, et le cam­era­man avait été arrêté, alors qu’il avait été atteint par une balle, puis placé en déten­tion. Il a été libéré avant hier, mais reste sus­pec­té de “ter­ror­isme”.

Des respon­s­ables onusiens se sont “émus” de ces faits et ont demandé des “expli­ca­tions” à la Turquie. Peut être le fer­ont-ils égale­ment quand le dernier “pris­on­nier blessé” des décom­bres sera décédé.

Mau­vais film ? Mau­vaise série télé ? Non, même en éteignant le poste, vous resterez dans le réel d’une guerre con­tre les civils, que nous jus­ti­fient ici en Europe les dirigeants poli­tiques, au nom de la “lutte con­tre le ter­ror­isme quel qu’il soit”.

Faudrait-il met­tre ce mau­vais film à l’af­fiche du Bat­a­clan, pour que l’Eu­rope s’en émeuve et renoue enfin avec l’humain ?

 

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