Il y a une semaine déjà, à Cizre, 31 personnes civiles s’étaient réfugiées dans le sous-sol d’un immeuble de cinq étages dans le quartier Cudi. Une grande majorité d’entre elles étaient blessés dont certaines gravement. Depuis ce jour le groupe est coincé dans un sous-sol et les autorités ne laissent pas passer les ambulances et secours médicaux pour les transférer à l’hôpital.
Le nombre de personnes décédées des suites de leurs blessures, dans le sous-sol à Cizre, a atteint les 7
Sultan Irmak, qui se trouvait dans le sous-sol du quartier de Cudi à Cizre district de Şırnak, avec les autres blessé-e‑s en attendant d’être emmené-e‑s à l’hopital depuis 8 jours est décédée ce matin.
L’agence de presse DIHA confirme, qu’avec le décès de Sultan Irmak, le nombre de morts s’élève à 7. D’après le témoignage du député du HDP Faysal Sarıyıldız 7 des 31 personnes qui se trouvaient dans le sous-sol sont décédées, 15 sont blessées et 9 dans un état d’épuisement avancé. Sarıyıldız : “des obus ont été tirés de partout, l’un des murs s’est effondré.”
Faysal Sarıyıldız, qui a fait des déclarations à la chaîne de TV IMC à 13h15 a dit qu’une partie du bâtiment était détruite et que les personnels municipaux qui sont venus pour secourir les blessé-e‑s n’ont pas pu entrer dans le bâtiment du fait des affrontements permanents.
«Alors qu’aujourd’hui l’ambulance devait s’approcher à moins de 200 mètre de l’endroit où se trouvent les blessé-e‑s, elle a été maintenue à une distance de 600 mètres. Au même moment, des obus ont été tirés de partout dans la zone. Il y avait soit disant une volonté de secourir. Mais ce qui s’est passé c’est que la zone et le bâtiment ont été frappés à coup de tank et d’obus de mortier. Ceux et celles qui étaient dans le sous-sol ont essayé d’en sortir, en disant « de toute façon ici nous sommes en train de mourir, que tout le monde soit témoin ».
À ce moment-là, il y a eut une intervention des forces spéciales dans le bâtiment. L’un des côtés du bâtiment s’est effondré. Sultan Irmak est morte. D’abord la communication a été coupée, puis lorsque nous avons réussi à ré établir la communication, ils nous ont dit « Nous ne pouvons pas sortir, la pièce est pleine de fumée et de gravats, nous ne pouvons plus voir les autres non plus, il fait noir, la plupart ne peuvent plus parler. « Deux personnels de santé municipaux allaient y aller. Mais les forces de sécurités avaient occupé la zone, les coins des rues. Les forces de sécurité ont encerclé ces personnels municipaux, et se moquant d’eux ont tiré dans tous les sens pour faire comme s’il y avait des affrontements, et leur ont dit « vous ne pouvez pas rentrer ».
Idris Baluken, président du groupe parlementaire HDP, Meral Danış Beştaş, députée HDP d’Adana et Osman Baydemir député HDP d’Urfa sont en grève de la faim au Ministère de l’Intérieur depuis le 27 janvier, pour de demander l’acheminement de l’aide médicale et humanitaire aux citoyens des zones sous couvre-feu.
DIHA a soutenu qu’alors que les corps des 6 personnes décédées et les 16 blessé-e‑s allaient être transportés vers les ambulances municipales qui se trouvaient dans la rue Emir Tacdin à 700 mètre de la maison où sont bloqués les blessé-e‑s, les forces de sécurité de l’État ont ouvert le feu sur la rue et sur le bâtiment. Selon cette information alors que les députés du HDP qui étaient en train d’avoir une entrevue avec des responsables du Ministère de l’Intérieur, ont établi une communication téléphonique avec les blessés en direct du Ministère, qui leur a dit « sortez du bâtiment », les attaques contre le bâtiment où se trouvaient les blessé-e‑s se sont poursuivies et la communication avec les blessé-e‑s a été coupée. Lorsque la communication a été rétablie, la mort de Sultan Irmak, qui était dans un état grave a été annoncée.
Le député du HDP, Faysal Sarıyıldız, avait partagé hier sur son compte twitter la liste des 16 personnes blessées et des 9 dans un état d’épuisement avancé.
Sarıyıldız, dans un message partagé sur son compte twitter aujourd’hui à 11h50 a écrit :
« Avant que les personnels de santé puissent rentrer dans le bâtiment où se trouve le sous-sol de l’horreur, les forces spéciales de la police y ont fait une perquisition. Sultan Irmak serait décédé. Lors de la descente de police faite dans le sous-sol de l’horreur, les blessé-e‑s ont été laissé sous les décombres. Nous n’oublierons jamais cette ignominie. ».
(Bianet, 30 janvier 2016)
Vahşet bodrumunda bulunan 16 yaralının isimleri; pic.twitter.com/vpDwfKKtLL
— Faysal Sarıyıldız (@FaysalSaryldz) 29 Janvier 2016
Encore des doutes ?
Des enregistrements, des témoignages téléphoniques ont été publiés… (voir dans notre article précedent). Les blessés réfugiés au sous-sol ont communiqué des images aux médias… Mais visiblement ce n’est pas encore suffisant.
Le Président Recep Tayyip Erdogan, à son tour émet des “doutes” sur la véracité et la gravité de la situation :
Le thèses qui disent que les ambulances ne sont pas envoyées sont des mensonges. Là bas, il y a toujours des ambulances. Les ambulances sont prêtes mais ils n’amènent pas les blessés. Si ça se trouve ils ne sont même pas blessés.
La requête de protection auprès du Tribunal Constitutionnel a été rejetée
Par ailleurs le Tribunal Constitutionnel sollicité sur la violation de droit de vie concernant les otages de Cizre a rendu sa réponse le 29 janvier. La demande de protection a été rejetée pour les motifs suivants : Les demandeurs n’ont pas un comportement motivé pour communiquer directement avec les autorités publiques et orientent les autorités à des tierces personnes et déclarent des adresses différentes concernant l’endroit où ils se trouvent.
Le Tribunal déclare avoir la conviction qu’il y a de sérieuses doutes sur du fait que ces personnes changent en continu de place et qu’elles évitent de communiquer avec les autorités afin de de demander de l’aide médicale.
…
L’incertitude persiste sur les questions, est-ce que les concernés sont blessés ou non, quelle est la gravité de leur état, dans quelles conditions ont-ils été blessés, s’ils sont tous blessés, s’ils sont armés, et à quelle adresse ils se trouvent ; par conséquent il n’est pas possible de prendre une décision de protection.
Tentatives empêchées par les forces de sécurité
Aujourd’hui le 31 janvier, à Cizre, 11 femmes ont pris l’initiative et le risque de sortir avec des drapeaux blancs et de se diriger vers l’immeuble où les blessés se cachent dans le sous-sol. Les femmes ont réussi à atteindre le quartier Cudi où l’immeuble se trouve. Mais, arrivées à l’avenue de Nusaybin, elles ont été arrêtés et mises en garde à vue. (DIHA)
Une équipe médicale composée de 9 médecins et 4 infirmiers membres de Chambre de Médecins (TTB) et du syndicat SES, ont de leur côté entamé un voyage vers Cizre. Le groupe, équipé de matériel médical de premier secours et d’une ambulance a été arrêté par les militaires, près du village Idil. L’armée n’autorise pas le groupe à reprendre la route. (DIHA)
Les crimes de guerre ne peuvent plus se dérouler sans témoins.
Les moyens de communication n’autorisent plus le mensonge, et il faut une bonne dose de cynisme politique et de sadisme militaire pour nier la réalité.
De la même façon que fut traîné un corps derrière un blindé “pour l’exemple”, le gouvernement utilise et retourne la communication contre les populations civiles, afin d’amplifier la terreur sur place, tout en “gérant” via la censure de presse et les titres des médias majoritairement aux ordres d’Erdogan, l’effet produit.
Ce sont pourtant des “crimes de guerre” au regard du droit international.
Et nul ne les ignore. Et quand des voix se lèvent pour refuser d’en être les “complices”, on les fait taire par la menace, ou pire, d’autres voix diplomatiques s’élèvent, venant d’Europe ou des Etats Unis, pour “relativiser” des “excès” dans la “lutte commune contre le terrorisme”.
Défendre la voie de la “paix” dans ces conditions insoutenables devient une voie étroite, qu’il faut pourtant coûte que coûte préserver.