Filiz Akıncı, une économiste, a été condamnée, ce mercredi 20 janvier, à onze mois de prison ferme pour « insulte ». Une lourde condamnation et une mise à l’index pour un doigt levé vers le Sultan.
Cette femme avait été reconnue coupable d’avoir effectué un geste obscène envers Recep Tayyip Erdogan, lors d’une manifestation en mars 2014.
Elle participait à une contre manifestation et fait un doigt d’honneur à Erdogan, premier ministre au moment des faits, à la fin d’une réunion publique qu’il tenait à Izmir, ville plutôt d’opposition, dans le cadre de la campagne pour les élections municipales. C’était la période “des boîtes à chaussures” où le gouvernement AKP et principalement la famille même et l’entourage proche du premier ministre faisait l’objet de révélations sur la corruption.
Poursuivie donc pour « insulte », Filiz Akıncı, devant un tribunal d’Izmir, a vu l’accusation demander six mois de prison ferme, peine d’ailleurs aussitôt doublée, le délit visant un “responsable public”. Le juge l’a finalement réduite à onze mois et vingt jours pour « bonne conduite », a précisé l’agence de presse Dogan.
Dix jours de moins “pour bonne conduite” devant le tribunal, ça mérite d’être relevé, quand on sait que dans des cas de viols avérés, des coupables se sont vu blanchis pour être venus au tribunal justement en costume et cravate. Il faut croire que l’honneur d’un Erdogan, bafoué par un doigt dressé est plus important que les atteintes à l’intégrité physique d’une jeune femme.
Depuis qu’il est devenu Président, en août 2014, Erdogan multiplie les poursuites pour « insulte », aussi bien à l’encontre de ses adversaires politiques que contre la presse ou de simples citoyens. Les peines d’ordinaire sont moins lourdes. On peut penser que le contexte ouvert par la “pétitions des Académiciens” a encouragé les juges à faire du zèle.
Il faut aussi rappeler, que dans ce contexte, Erdogan en personne, ne s’est pas gêné lui, dans un discours prononcé l’après midi même de l’attentat d’Istanbul, pour qualifier scientifiques et universitaires, avec violence, de “pseudo intellectuels, ignares et obscurs”.
Journalistes emprisonnés, universitaires et intellectuels menacés, censure à tous les étages, sauf pour une presse aux ordres, injuriant chaque jour à qui mieux mieux l’opposition et reprenant le vocabulaire raciste et nauséeux contre les Kurdes, pour soutenir l’entreprise de guerre à l’Est, cela commence à faire un tableau complet bon à afficher dans l’antichambre d’un pouvoir pour qui la qualification “d’islamo conservateur” deviendrait un compliment.