La censure sur les médias, mise en place dans l’heure suivant l’explosion qui a tué 10 personnes à Sultanahmet, rappelle les reflexes de censure du gouvernement AKP qui sont loin d’être nouveaux. Lors des massacres causant les plus grandes pertes humaines dans l’histoire du pays, aucun responsable politique n’a jamais démissionné, mais chaque fois la presse a été muselée.
21 décembre 2011 — Uludere Roboski : 34 paysans pauvres sont morts. Tayyip Erdoğan a remercié l’armée turque, notamment les forces aériennes. Aucune démission, mais censure sur les médias.
11 mai 2013 — Reyhanlı : 54 habitants de cette commune frontalière sont morts. Aucune démission, mais censure sur les médias.
13 mai 2014 — Soma : 301 mineurs sont morts. Aucune démission, mais censure sur les médias.
5 juin 2015 — Diyarbakir : 5 membre du HDP morts, plus de 400 blessés. Aucune démission, mais censure sur les médias.
20 juillet 2015 — Suruç : 34 participants morts. Aucune démission, mais censure sur les médias.
10 octobre 2015 — Ankara — 100 manifestants morts. Aucune démission, mais censure sur les médias.
12 janvier 2016 — Sultanahmet Istanbul : 10 morts, 15 blessés. Aucune démission, mais censure sur les médias, dans l’heure suivant l’explosion.
L’article 7 de la loi n° 6112 du 15/02/2011, concernant les services des télévisions et radios, indiquant la possibilité de mettre en place une interdiction de diffusion temporaire des cas risquant l’ordre public et la sécurité le nécessite.L’explosion survenue le 12/01/2016 à Sultanahmet étant dans ce cas de figure, une interdiction de diffusion temporaire est considéré nécessaire…
Cordialités bla bla…
Prof. Dr. Numan. Kurtulmus, Vice Premier Ministre.
Il est remarquable que la chancelière allemande elle même ait été la victime consentante de cette censure. En effet, apprendre des heures après, que les morts étaient de nationalité allemande, la majorité des blessés aussi, alors qu’Erdogan en personne avait dans les moments qui ont suivi quasiment donné la date de naissance de l’auteur de l’attentat, aurait pu susciter une réaction officielle sur ce type de communication. Il faut croire qu’en sus des 3 milliards, le silence des gouvernements européens est d’or.
Avoir la confirmation que cet attentat, effectué dans un lieu touristique sous haute surveillance, et non dans le centre animé d’Istanbul, visait bien symboliquement le Erdogan qui se gausse de ses nouvelles amitiés européennes sonnantes et trébuchantes aurait sans doute fait jaser. A moins que les commanditaires n’aient pas voulu de victimes turques, par tactique politique, et préférer lancer un avertissement simplement aux autorités, tout en visant des touristes pour eux “occidentaux”. Visiblement Daech ou son semblable seraient capables de cerner précisément les contradictions de la situation politique turque, et les secteurs ultra nationalistes bigots qu’il ne faut pas froisser aujourd’hui.
A ce jour, tout le monde ignore qui sont réellement les personnes qui ont fait l’objet des vagues d’arrestations qui ont suivi l’explosion, plusieurs centaines, selon une annonce officielle.
Cette censure, chaque fois en vigueur, pour des motivations politiques du moment, commencent fort heureusement à être commentée, dans ce qui, pour le cas présent, devient une mise en lumière de l’implication directe du gouvernement Erdogan, dans l’approfondissement des crises du Moyen Orient, et non leur essai de résolution.