Au sujet du peu­ple kurde Erdo­gan est une vraie girou­ette. Sa poli­tique tourne au vent selon ses besoins. Com­ment ? Remon­tons donc un peu le temps.

Lors des élec­tions du 20 Octo­bre 1991 le RP (Par­ti de la prospérité — par­ti islamiste inter­dit en 1998)et le  MÇP (Par­ti du tra­vail nation­al­iste) dont le leader était l’ultranationnaliste Alparslan Türkeş, le IDP (Par­ti de démoc­ra­tie réformiste) mené par Aykut Edibali se sont alliés.

On peut dire que dèjà à cette époque, les nation­al­istes, ultra­na­tion­al­istes, con­ser­va­teurs et big­ots fai­saient leur répéti­tion générale. Ils n’é­taient pas seuls, divers­es fon­da­tions, asso­ci­a­tions, intel­lectuels et hommes d’af­faires, ain­si que des con­fréries religieuses qui se trou­vaient dans les mêmes cordes, soute­naient cette alliance politique. 

erdogan-erbakan-parti-prosperite politiqueLe RP, qui jusqu’à cette époque, fai­sait de la poli­tique sous son iden­tité pro-islam, a ouvert ses portes à d’autres en com­mençant à utilis­er des ter­mes « con­ser­va­teur » et « nation­al­iste ». Tayyip Erdo­gan se trou­vait alors à la tête de l’organisation d’Istanbul du RP, et pen­sait que cette alliance avec les ultra­na­tion­al­istes, allait être néfaste pour son par­ti. Effec­tive­ment, les mem­bres de sen­si­bil­ité kurde du RP ont rapi­de­ment quit­té le parti. 

L’alliance a réus­si avoir 16,9% des votes et a sor­ti 62 députés.  Tayyip Erdo­gan et Devlet Bahçeli (aujour­d’hui leader du MHP, par­ti ultra­na­tion­al­iste) n’ont pas été élus à ce moment là. 

Après les élec­tions, l’alliance a cessé d’exister, plusieurs élus ont quit­té leur par­tis respec­tifs et le RP s’est retrou­vé avec 40 élus. Au bout du compte, l’alliance du RP avec les con­ser­va­teurs et nation­al­istes n’avait durée que 52 jours et lui avait fait per­dre toute sa base Kurde. 

La première ouverture

La pre­mière ouver­ture du RP vers l’électeur Kurde est arrivé à la suite. Recep Tayyip Erdo­gan, tou­jours respon­s­able de la ville d’Istanbul du RP, a pré­paré un rap­port avec un con­seil dirigé par Mehmet Metiner. Le rap­port pré­paré en décem­bre 1991, con­te­nait des con­stats qui pour­raient être con­sid­érés comme « rad­i­caux » pour l’époque.

Le rap­port définis­sait le « prob­lème kurde » : 

Ce qui est appelé comme « prob­lème de l’Est » ou « Prob­lème du Sud-Est » est en réal­ité un « prob­lème kurde ». Ce prob­lème est en réal­ité un prob­lème nation­al, c’est à dire un prob­lème kurde. Les régions appelés aujourd’hui tel que « Est » et « Sud-Est » sont des régions qui fai­saient par­tie des ter­res qu’on appelait « Kur­dis­tan » dans les péri­odes anci­ennes de l’Histoire.

Terrorisme du Pkk et de l’Etat à la fois

Le rap­port résumait la « psy­cholo­gie » de la région de la façon suivante : 

« A cause des attaques de PKK qui on com­mencé à par­tir de 1985, la région est coincée entre la ter­reur de l’Etat d’un côté, et la ter­reur du PKK de l’autre. Les pop­u­la­tions de la région sont tenues en con­tinu sous oppres­sion et tor­tures, avec le motif qu’elles sou­ti­en­nent d’une façon ou d’une autre le PKK. »

Le HEP (Par­ti du tra­vail du peu­ple) le représen­tant de la tra­di­tion poli­tique kurde de l’époque était décrit comme ceci : 

« La force que HEP a gag­née, en s’appropriant le prob­lème kurde et en refu­sant l’oppression, la pres­sion, et la vio­lence envers le peu­ple kurde, doit être con­sid­érée sous cet angle : Le fait que le HP s’intéresse aux reven­di­ca­tions con­crètes et urgentes du peu­ple de la région, lui apporte beau­coup de points. »

La faillite du Kémalisme

Le rap­port soulig­nait que le Kémal­isme était en fail­lite et que le prob­lème kurde ne pou­vait pas être dénoué par les armes : 

« Aujourd’hui, la lutte armée kurde, menée par la main du PKK dans le Sud-Est, est descen­due dans les villes. L’Etat a com­pris qu’il ne peut pas régler ce prob­lème, mal­gré les forces de con­tre-guéril­la, les équipes spé­ciales, les « koru­cu” (respon­s­ables armés choi­sis par­mi les habi­tants), et de tril­lions de livres turques de dépen­sées. La méth­ode tra­di­tion­nelle de l’Etat kémal­iste, util­isant la force et les armes est aujourd’hui en faillite »

Le rap­port d’Erdogan don­nait des con­seils aux dirigeants de son par­ti RP : 

« La néces­sité de la sup­pres­sion de toutes les lois qui empêchent le pro­grès de la cul­ture kurde, et la recon­nais­sance de l’identité kurde en Turquie ; la néces­site de l’éducation en langue kurde dans les régions où les kur­des vivent ; les mêmes droits pour les autres peu­ples, laz, cir­cassien, géorgien, arabe etc, et dans ce cadre, défendre le principe mul­ti­cul­turel de la Turquie .»

Et l’autonomie ?

Le rap­port sug­gérait au RP, de rester neu­tre dans les con­flits con­cer­nant les propo­si­tions politiques : 

« Dénon­cer autant la ter­reur de l’Etat que nous dénonçons le ter­reur du PKK. Ne pas se mon­tr­er du côté de l’Etat dans les con­flits Etat-PKK, et ne pas s’approprier le lan­gage de cri­tique util­isé par l’Etat : Séparatiste, ter­ror­iste etc. »

Le rap­port traitait égale­ment de l’autonomie.

[Ce sujet, est actuelle­ment dis­cuté par le DTK (Con­grès démoc­ra­tique des peu­ples) et une propo­si­tion a été récem­ment com­mu­niquée. Et tous ceux qui sou­ti­en­nent cette démarche, ou pronon­cent le mot « autonomie » sont con­sid­érés comme des « traitres qui veu­lent divis­er le pays ». Note de Kedis­tan]

Or, le rap­port d’Erdogan, dis­ait claire­ment à ce propos:

« La créa­tion de nou­veaux par­lements et la diminu­tion du pou­voir cen­tral sont des pas impor­tants afin d’installer une démoc­ra­tie totale en Turquie »


Qu’est-t-il advenu  de ce rapport politique ?

Le rap­port d’Er­do­gan a été adop­té par son leader Erbakan. Suite à cela, une comité d’observation de Sud-Est a été mis en place au sein du par­ti. Un autre rap­port plus con­séquent, prenant le prob­lème kurde, avec ses ten­ants his­toriques a été établi et trans­mis dans toutes les suc­cur­sales du par­ti. Erbakan, a pronon­cé la pre­mière fois le mot « kurde » à la tri­bune de l’Assemblé Nationale. En résumé, ce rap­port est devenu un texte de fond afin de re-séduire les kur­des, et de rem­plir les organ­i­sa­tions du Sud-Est qui avaient été désertées.

On vous ras­sure, le Erdo­gan de cette por­tion d’histoire poli­tique n’est pas un autre que le Erdo­gan qui décime les kur­des actuellement.

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Et encore nous ne par­lerons pas dans cet arti­cle du « proces­sus de paix » dont les pre­miers signes ont été lancés lors du dis­cours d’Erdogan à Diyarbakir en 2005, et les pre­miers change­ments de par­a­digmes liés à « l’ouverture démoc­ra­tique » datant de 2009, et qui a été offi­cial­isé avec la Loi sur le ren­force­ment de l’intégration sociale et la résil­i­a­tion du ter­ror­isme pub­liée dans le Jour­nal Offi­ciel le 16 juil­let 2014.

Non, ce n’est pas de la schiz­o­phrénie, c’est de la poli­tique politi­ci­enne. Il existe dif­férentes façons de faire la poli­tique… Quand il ne s’ag­it que de pou­voir, d’en­richisse­ment, de ren­tr­er dans la cours des grands de la finance, de rêver d’être Cal­ife, celle du bil­lard à trois ban­des sera choisie.

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Toute ressem­blance avec des revire­ments, des alliances, des change­ments de pied que vous auriez pu ren­con­tr­er dans votre obser­va­tion de la “vie poli­tique”, serait sans doute pure coïncidence.

 

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