L’Université Technique du Moyen Orient (ODTÜ) est encore une fois dans le collimateur des intégristes, du gouvernement et de ses soutiens.
Les tensions grimpent dans cette université, une des meilleures en Turquie. Fondée en 1956, se trouvant à 20 km d’Ankara, l’ODTÜ est un des plus grands campus du monde.
Cette ambiance conflictuelle a été provoquée par une campagne lancée récemment avec le prétexte : « notre droit de prière est empêché ». Au sein de l’Université, des organisations intégristes continuent pourtant librement leur activités, et il existe deux mosquées dont une avec une capacité de 2000 personnes et de multiples salles de prières (mescid).
Dans un premier temps une rumeur a été lancée. Elle prétendait que les étudiants avaient été attaqués, par d’autres étudiants portant des bâtons, alors qu’ils faisaient leur prière. Cette nouvelle a été reprise et répétée par les médias “alliés” et par Erdogan lui-même.
Le 22 décembre, un groupe a voulu faire une protestation en priant sur le terrain de basketball et cette initiative s’est terminé par des bousculades entre étudiants. Malgré les témoignages des uns et des autres démontant la thèse d’attaque, des “réunions de protestations avec prières” visant l’ODTÜ se sont étendues sur tout le pays.
Cette histoire et les accusations récentes à propos des cyberattaques qui ciblent les sites Internet turcs, ont mis l’Université dans le viseur du pouvoir. Le Ministre des Transports et de la Communication Binali Yıldırım avait accusé l’ODTÜ “de ne pas collaborer avec les forces de sécurité turques.” Les propos d’Aydın Ünal, député de l’AKP et ancien Conseiller Président Erdoğan « On entrera dans l’ODTÜ comme on est entrés dans Cizre et Silopi » n’étaient pas mal non plus…
Lors d’une conférence de presse unitaire, le bureau d’ODTÜ du Syndicat Eğitim Sen, les étudiants, l’association du personnel enseignant de l’Université, et l’association des diplômés de l’ODTÜ, ont dénoncé aujourd’hui, la rumeur concernant l’attaque ciblant les étudiants en prière, et l’instrumentalisation de cette rumeur, pour transformer les étudiants et la Direction de l’ODTÜ en une cible. Le communiqué précisait également, que les membres du gouvernement et les bureaucrates faisaient tout simplement, de la propagande pour l’occupation armée du campus et la mise au pas des étudiants.
Oui, l’ODTÜ en énerve un peu certains…
Le 18 décembre un groupe d’étudiants déroulaient une banderole : “Le peuple kurde n’est pas seul”
Himmet Şahin, le président de l’Association des diplômés de l’ODTÜ, a souligné : “La réaction des étudiants vient surtout du fait qu’un diplômé pro-Daech est venu ici pour faire de la propagande pour l’organisation. La salle de prière qui se trouve sous la bibliothèque est utilisée pour cette activité.”
Un groupe nommé « Groupe de mescid » a fait une déclaration à son tour, expliquant que les étudiants priaient sur le terrain de basketball car il n’y avait pas de place dans la salle de prière, tout en dénonçant l’attaque d’une quarantaine d’étudiants munis de bâtons (dont nous n’avons trouvé aucun visuel).
Les étudiants contestataires expriment qu’ils ne sont pas opposés aux lieux de prière, mais refusent la mise en place de nouveaux lieux, alors qu’il existe déjà deux mosquées et 15 salles de prières au sein de l’Université, et que les salles de travail et de lecture manquent. Ils soulignent surtout que le groupe en question fait de la propagande pro Daech.
Le même groupe était venu dans les derniers jours, à la une de l’actualité, car trois étudiants, Adem Kocaöz, Raşid Tuğral, Tarık Karaca, qui fréquentaient la salle de prière occupée par ce groupe, avaient en effet rejoint Daech récemment.
Par ailleurs, les élections pour la direction de l’Université (recteur) ne sont pas très loin. La campagne contre l’ODTÜ étant appuyé sur les réseaux sociaux, par la création d’un hashtag #ODTÜRektörüGörevdenAlınsın (Pour le retrait du Recteur de l’ODTÜ de ses fonctions), il n’est pas difficile d’imaginer que le gouvernement et ses soutiens rêvent d’une main mise sur cette Université majoritairement rebelle et progressiste.
La Turquie est coûtumière des opérations de main mise, spectaculaires ou discrètes et sournoises, effectuées dans divers domaines, de la presse aux instituons… pourquoi pas l’ODTÜ, n’est-ce pas ?