Une bonne nou­velle de Kuşdili, avant de finir cette année de m..…

Un pro­jet de cen­tre com­mer­cial, menaçait la prairie his­torique de Kuşdili, dans le quarti­er Kadıköy sur la rive ana­toli­enne d’Istanbul. Exit le cen­tre commercial !

Avant ce pro­jet, la Prairie qui  hébergeait déjà des mag­a­sins, des restau­rants, pâtis­series, un bureau de poste, cafés, ciné­mas, et un marché occa­sion­nel, accom­pa­g­né d’un park­ing,  n’é­tait déjà plus une prairie et les riverains demandaient le retour du vert.

kusdili-marche-vue Kuşdili

Marché ou parking…

La Prairie de Kuşdili (Langue d’oiseau), longée par le ruis­seau Kur­bağalı Dere (Ruis­seau aux grenouilles) était dans les années 1900 un endroit de prom­e­nade et de fêtes.

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D’ailleurs selon l’écrivain Sunay Akın qui décrit  les lieux, le ruis­seau s’appelait « le ruis­seau de Kuşdili » car avant que les balades, les chan­sons et les oiseaux ne dis­parais­sent des lieux après les années 50, ce sont les oiseaux qu’on entendait… Aujourd’hui le ruis­seau est gag­né par la pol­lu­tion, pose de gros prob­lèmes san­i­taires et de gênes aux riverains qui lut­tent égale­ment pour sa réhabilitation.

ruisseau-aux-grenouille-kurbagali-dere-kusdili

Quant à la Prairie de Kuşdili, elle était util­isée aupar­a­vant comme espace pour le marché seule­ment tous les mardis. Après l’an­nonce du pro­jet de cen­tre com­mer­cial, urban­istes et géo­logues, ont tiré les son­nettes d’alarme, en pré­cisant que Kuşdili, étant le seul espace dégagé du quarti­er, offrait l’unique pos­si­bil­ité de repli aux habi­tants, en cas d’important séisme, pour se met­tre en sécu­rité. Istan­bul se trou­vant sur une faille impor­tante, une cat­a­stro­phe de type trem­ble­ment de terre est atten­due à tout moment, et nor­male­ment, les mesures de sécu­rité devraient pass­er en priorité…

A part les entre­pris­es qui se font du beurre avec des travaux de ren­force­ment des immeubles déjà exis­tants, mal­heureuse­ment peu de mesures sont pris­es. Les 17 mil­lions d’habi­tants de cette méga­pole en expan­sion sauvage et con­tin­ue sont avec leur fatal­isme légendaire, plutôt “dans les mains du Dieu”, que sous la pro­tec­tion d’un gou­verne­ment pré­paré et bienveillant.
Bref…

Depuis le démé­nage­ment du « marché du mar­di » ailleurs, cet espace était devenu un park­ing béton­né, sur lequel les pro­mo­teurs louchaient avec appétit.

La rage pour le prof­it, la folie des grandeurs, le “mod­ernisme” rentable, accouche en con­tinu de pro­jets coû­teux et inutiles. Eriger des tem­ples à la con­som­ma­tion en béton­nant chaque cen­timètre car­ré libre de la ville d’Istanbul, et anéan­tis­sant le moin­dre mou­choir de ver­dure, est vis­i­ble­ment con­sid­éré comme du “pro­grès”. C’est une vache à lait aus­si bien pour les investis­seurs que le gouvernement.

Mais les habi­tants ne se lais­sent pas faire. Ils com­bat­tent ces géants de l’urbanisme, en s’organisant en col­lec­tifs, créant des plate­formes de luttes avec l’aide de sou­tiens, de juristes et des organ­i­sa­tions de société civile pro­gres­sistes. Il y a eu des man­i­fes­ta­tions, des meet­ings et des cam­pagnes de sen­si­bil­i­sa­tion. Il arrive par­fois que cer­taines mairies soient à l’écoute de ses habi­tants, les sou­ti­en­nent et osent tenir tête à la Grande Mairie d’Istanbul.

kusdili-manifestation.kadikoy-istanbul

Mer­cre­di dernier, le Tri­bunal admin­is­tratif d’Istanbul a annulé le pro­jet établi par la Grande Mairie de la Ville d’Istanbul, autorisé en 2013 par le Min­istère de l’Environnement et de l’Urbanisme. Le procès avait été ouvert par la Mairie de Kadıköy.

Le Tri­bunal a motivé sa déci­sion en pré­cisant que les plans d’architecture du pro­jet ne respec­taient pas les principes de l’urbanisme, ne cor­re­spondaient pas aux béné­fices de la pop­u­la­tion, et n’étaient pas légaux. Il a souligné égale­ment que la Prairie de Kuşdili devrait être util­isée comme espace vert et retrou­ver sa par­tic­u­lar­ité de “prairie”.

N’allez pas croire que “tout était mieux avant” non plus. Mais “bas­ta” de cet urban­isme pour­voyeur de prof­its et destruc­teurs de lieux de vie pour les pop­u­la­tions, qui s’im­pose partout en moder­nité pré­da­trice sur Istan­bul, à l’om­bre des foulards big­ots de celles et ceux qui empochent le bénef.

Allez en bonus, un petit saut musi­cal pour imag­in­er l’am­biance de l’époque où les chan­sons d’amour réson­naient sur le ruis­seau et dans la prairie…

Münir Nuret­tin Selçuk, grand musi­cien chante un poème de Yahya Kemal Beyatlı.
“Âheste çek kürek­leri mehtâb uyanmasın”
Rame douce­ment, que la pleine lune ne se réveille pas…

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Naz Oke
REDACTION | Journaliste 
Chat de gout­tière sans fron­tières. Jour­nal­isme à l’U­ni­ver­sité de Mar­mara. Archi­tec­ture à l’U­ni­ver­sité de Mimar Sinan, Istanbul.