Cizre, Silopi, Nusaybin, Sur… Toujours sous couvre-feu, en état de siège.
Et dans la presse aux ordres, se déploie un vocabulaire génocidaire.
Selon les journaux pro-Erdogan : 62 “terroristes” ont été “neutralisés”, majoritairement à Cizre, 3 terroristes ont été arrêtés, 19 policiers et militaires ont été blessés, sans gravité, 1 soldat serait mort. Les articles qui relaient la réussite des opérations de la glorieuse armée turque, sont illustrés d’images de jolis chars et de militaires masqués armes en main…
Sachant que Cizre a une population d’environ 138 milles personnes, Silopi 121 milles, Nusaybin 116 milles, et que 10 milles militaires et 26 généraux sont déployés dans cette région : Calculez le nombre d’habitants dont un soldat doit s’occuper.
Nous ne prendrons pas en compte les forces de la police et de la gendarmerie qui participent en renfort, aux opérations. Tout comme l’armée le fait, nous ne nous préoccuperons pas non plus, de la proportion des enfants et des personnes âgées dans les habitants.
Calculez donc…
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Pendant les opérations, les militaires sont hébergés dans des écoles. Il y a de la place, car les établissements scolaires ont été mis en congé juste avant le couvre-feu, et les enseignants renvoyés chez eux par le ministère en prétextant un séminaire de formation…
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Jeudi 17 décembre, la une du journal Yeni Şafak, connu pour sa proximité avec Erdogan, utilisait sans état d’âme, une manchette qui rappelait les années 30 : “LE GRAND MENAGE”
En effet, le Massacre de Zîlan, (Zeylan) avait été relayé dans les journaux de 1930, avec les mêmes termes. L’intention génocidaire de l’époque ne pouvait faire de doutes.
Etienne Copeaux faisait un flash back, dans son Esquisse n°49 :
Zîlan est une vallée proche de la ville d’Ercis, au nord du lac de Van, où ont été férocement réprimés les derniers soubresauts de la révolte de l’Ararat, en été 1930. L’armée turque a frappé avec la même vigueur qu’au Dersim en 1938.C’est en juin 1930 qu’avait été décidée la répression de la rébellion kurde du mont Ararat, qui avait pris la suite de celle de Cheikh Said (1925). Après le bombardement et le « nettoyage » du mont Ararat, la population de 44 villages de la vallée du Zilan était massacrée par l’armée, le 12 juillet, probablement avec l’aide de civils, « groupes de chasseurs » locaux.
Le 16 juillet 1939, Cumhuriyet osait écrire : « 1500 bandits étaient cachés dans les grottes des flancs du mont Agrı [l’Ararat]. Notre aviation les a bombardés sans relâche. Le mont Agrı a subi un déluge continu de feu et d’explosions. Les aigles d’acier turcs ont réglé leur compte aux rebelles. Les villages dans lesquels s’étaient réfugiés les bandits ont été totalement détruits. 15 000 personnes ont été exterminées dans la vallée du Zilan. La rivière est pleine de cadavres jusqu’à son embouchure ».
C’est à lasuite de ce massacre qu’Ismet Inönü a déclaré : « Dans ce pays, seule la nation turque détient des droits ethniques et raciaux » (Milliyet, 31 août 1930). Et peu après, en septembre, Mahmut Esas Bozkurt, ministre de la Justice, proférait : « Le Turc est le maître de ce pays, il en est le propriétaire. Ceux qui, dans ce pays, ne sont pas de la pure race turque n’ont qu’un droit : servir les Turcs, être leurs esclaves. Que nos amis et nos ennemis, que nos montagnes elles-mêmes le sachent bien ! ».
L’article de Cumhuriyet de 1930 faisait donc la Une : “Le ménage a commencé. Ceux du Rivière de Zeylân sont entièrement exterminés. Il n’est pas possible qu’un seul ait pu survivre. L’opération continue à Ağrı”.
Si vendredi 18 dernier ‑du 2015 pas du 1930- vous aviez survolé les Unes des journaux pro-Erdogan ou nationalistes, vous auriez apprécié les “copier-coller” qu’ils aiment tant comme en France… Celles-ci faisaient allusion aux fossés creusés par les habitants, pour empêcher l’accès de la police dans les communes en siège, et disaient :
“Vous disparaitrez dans ces fossés” en répétant les paroles d’Erdogan : “Vous allez disparaître dans ces mêmes tranchées que vous avez creusées”.
Puisque le Président Erdogan martèle à chaque occasion : « Cette lutte se poursuivra jusqu’à ce qu’un environnement de paix soit établi. » et que le Premier Ministre Ahmet Davutoğlu surenchérit : “Les opérations ne s’arrêteront pas tant que la région ne sera pas nettoyée”, les médias alliés leur font écho d’une seule voix. Ça a l’air de bien rentrer dans les têtes… Malgré les appels manifestations, rassemblements un peu partout en Turquie surtout dans les villes voisines à l’Est, et aussi à l’étranger, le soutien n’arrive pas à mobiliser suffisamment, créer une réelle vague humaine comme à l’époque de la Résistance Gezi en juin 2013.
Ah oui, à Gezi il y avait aussi les kémalistes, acharnés défenseurs de “l’unité de la République”, et pourtant les militants kurdes étaient là aussi, acharnés défenseurs de l’unité dans les luttes contre le régime Erdogan.
Mais le “nationalisme” est passé par là, et le discours Kurdes = PKK = scission de la Turquie reste dominant largement au delà des cercles ultra nationalistes ou AKP. A tel point que le Peuple kurde devient un bouc émissaire des frustrations et des peurs du lendemain, quasi accusé d’être la cause d’une déstabilisation, d’une rupture de la “sérénité”. Les Kurdes sont dans la presse et dans les discours dominant les “nuisibles” à nettoyer. Le regard se détourne déjà de leur sort, et la presse AKP s’en réjouit à l’avance. Il y a une “intention génocidaire” derrière cette volonté “d’en finir”. Mais la résistance kurde arrêtera ce bras, si la prise de conscience se fait enfin. Et ce n’est parce que dans la “compétition mémorielle”, le terme “génocidaire” est “préempté”, que cette catégorie juridique du droit ne peut être utilisée là. Car ce gouvernement devra en rendre compte un jour.
Une performance poignante :
“Ils meurent ! Ils meurent ! Ils résistent. Ils meurent !… Ils meurent parce que vous gardez le silence. Ils meurent !”
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A la fin de la performance :
“Vous ne les soutenez peut être pas, peut être même que vous les critiquez… Mais comment est-ce possible de rester spectateurs à la mort d’un être humain ? ” … “Soyez la voix de votre conscience. Ne soyez pas complice de la mort, mais de la solution !”
Plusieurs manifestations se sont déroulées en Turquie et dans d’autres pays, notamment en France à Paris. D’autres manifestations sont prévues. Entre autres : Samedi 19 à Strasbourg et dimanche 20 à Marseille (voir sur la barre à droite).
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Faisons donc un tour rapide…
Dicle News »
NUSAYBIN, commune de Mardin
5ème jour du couvre feu, 5 jours d’affrontements. Un trêve de 7h pour remplacer les troupes “fatiguées” et hop, le retour du couvre feu à 16h. Les blindés positionnés sur la place Newroz sur l’avenue de Çağçağ ont tiré sur les maisons. La population est en mode autodéfense derrière les barricades. Dans la soirée, les affrontements se sont intensifiés. Les habitants font des tours de garde et diffusent des chansons de résistance par des haut-parleurs.
CIZRE, commune de Şırnak
5ème jour du couvre-feu. Un jeune de 15 ans, Ibrahim Akan, a été tué par un tir de canon sur sa maison. Hier, Hediye Şen une femme de 30 ans avait été tuée également dans sa maison.
Dans les quartiers Yafes, Sur, Cudi et Nur, de nombreuses habitations ont été endommagés par des projectiles provenant des canons.
Dans tous les quartiers l’autodéfense continue. On reprend des forces en dansant le halay, visages tristes, regards inquiets, mais on ne se lâchera pas les mains…
SILOPI, commune de Şırnak
5ème jour de couvre feu. Des attaques intensives de chars dans les quartiers Barbaros, Cudi, Başak, Nuh, Yenişehir, Karşıyaka et Şehid Harun on fait plusieurs blessés civils, dont 4 en état grave. Dans les quartiers Barbaros et Başak, deux chars ont été immobilisés par explosifs. Une explosion a blessé une vingtaine de soldats lors de leur transfert vers le quartier Başak. A Cudi, un blindé Kobra et à Nuh, un drone ont été immobilisés.
Les chars positionnés dans le quartier Barbaros et sur la colline d’Alitants ont bombardé le quartier Karşıyaka. De centaines d’habitants de Barbaros, dont femmes et enfants ont été obligés de quitter leur maisons, cibles de projectiles, pour se réfugier chez leurs proches.. Les transformateurs électriques des quartiers assiégés sont mis en hors service par des tirs, donc la population est sans électricité.
SUR à Diyarbakır
Le quartier vit son 18ème jour de siège. Chaque jour les affrontements font des blessés que les habitants n’arrivent pas à transférer à l’hôpital à cause du siège. Ne serait-ce qu’aujourd’hui on compte au moins trois blessés : un enfant de 13 ans, et 2 femmes.
HAKKARI
La ville a été déclarée à son tour, « région de sécurité, sécurité extraordinaire » pour 15 jours.