Je vous parlais en août dernier d’un projet démentiel qui mettait en danger les trésors verts du Nord de la Turquie. Ce projet appelé paradoxalement “La Route Verte” (Yeşil Yol) prévoyait de lier par une quatre voies, les hauteurs de la région de la Mer Noire, à partir d’Ordu, Giresun, Gümüşhane, Bayburt, Trabzon, Rize jusqu’à Artvin sur une longueur de 2.600 km, engageant parallèlement l’installation d’une quarantaine d’établissements touristiques. Ce qui voulait dire la mort de cette région dotée d’une écosystème particulier qui abrite de nombreuses espèces animalières et plantes endémiques et aussi ses plateaux (yayla), se trouvant sur le tracé, lieux traditionnels de transhumance.
Alors voilà la bonne nouvelle en une seule phrase :
Le Conseil d’Etat met le point final au projet dévastateur de La Route Verte. Le projet est déclaré majoritairement non conforme à la loi, et il a été annulé.
Maintenant, il va falloir veiller pour que la décision de justice soit respectée, et que cela ne se passe pas comme pour le projet Maslak 1453 à Istanbul, où les travaux continuent illégalement.
Il va falloir aussi panser les blessures de la forêt.
Pour savourer la beauté à l’état pur tel un aigle qui plane au dessus des yayla, lisez cet article « Yayla, mon amour ». Vous connaitrez les détails de ce projet qui ne pouvait sortir que de têtes d’avides de profit et vous vous énerverez un peu. Laisser vous aller dans votre saine colère, car même si celui ci est annulé, il ne manque pas d’autres projets nocifs et inutiles similaires, en Turquie ou éparpillés partout au monde, contre lesquels il faut s’énerver et lutter. Suivez mon regard, et mon panneau…
J’en connais une qui doit être contente. C’est Rabia Bekar, alias Mère Havva (Eve), devenue symbole de la lutte contre ce projet de la Route Verte, en défendant son “yayla” bec et ongle, et en hurlant de colère « C’est le Préfet ? C’est qui l’Etat ? Je suis le peuple ! ». (ci-dessous vidéo et traduction)
Voilà pourquoi j’ai donné ce titre, que toutes celles et tous ceux qui ont lutté pour cette annulation, ont crié en chœur à l’adresse du Calife et des entrepreneurs et financiers corrompus qu’il engraisse.
Havva : Ah, parce que ça va aller au tribunal qu’ils vont s’en aller ? Tu crois comme ça ?
L’homme : … mais on va gagner au tribunal
Havva : Quel tribunal ? Quel tribunal ? Vous avez mangé votre tête . Le tribunal ! Le tribunal, c’est quoi ? C’est quoi le tribunal ? Le tribunal c’est nous ! Il est où l’Etat. Il y a le peuple ! Le peuple ! Il n’y a pas d’Etat ! C’est le peuple ! C’est qui l’Etat bon sang ? Si l’Etat est là, c’est grâce à nous ! Tribunal… tribunal… Nos grand pères sont allée de Kavrun en Asie à pied ! Ils sont morts à la guerre. Il n’y aura pas de route. Les chemins des yayla ne se réuniront pas ! Chaque yayla a son chemin. Les chemins ne se-ront-pas-liés ! Je refuse catégoriquement. [applaudissements]
Toi Préfet, toi tu es assis sur ton siège, et nous ici, nous sommes pétris par la terre et l’eau d’ici. J’étais muletier jusqu’à mes 11 ans ! Jusqu’à mes 11 ans, Préfet ! C’est qui le Préfet, le sous Préfet ? C’est moi ! Moi, moi, moi; je suis le peuple… je suis le peuple ! Les maquereaux, il vont réunir les chemins de yayla… Pour quel but ? Les yayla ont des chemins ? Oui, ces gens là vont marcher, ils vont aller chez les uns et chez les autres, nos petits enfants vont marcher eux aussi, et ils vont aimer ces terres, ces pierres…