Maslak 1453 n’est qu’un des chantiers où la con­struc­tion con­tin­ue joyeuse­ment mal­gré une déci­sion d’ar­rêt de travaux est ren­due par le tribunal. 

Ce chantier qui détru­it une des rares par­celle de forêt à Istan­bul a été con­testé depuis le début.

Le pro­jet est réal­isé par une grande entre­prise “Ağaoğlu”.  Le patron de cette entre­prise qui porte son nom, détient une sacré répu­ta­tion de « destruc­teur de nature ». Proche d’Erdoğan, il est der­rière plusieurs pro­jets du même type.

Maslak 1453, Ali Ağaoğlu, l'entrepreneur...

Maslak 1453, Ali Ağaoğlu, l’en­tre­pre­neur, destruc­teur de faune et forêts, chas­seur de pop­u­la­tions. Un de ceux dont les petits enfants iront vivre sur une autre planète alter­na­tive sans doute…

Pourquoi ce nom ?

Con­stan­tino­ple a été prise par Fatih Sul­tan Mehmet en 1453, et est devenu Istan­bul. Puisque selon le régime AKP et ses affairistes, “nous” sommes les “héri­tiers des Ottomans”, et que nous devons “béton­ner la con­quête”, tout ce qui se con­stru­it de “beau” doit porter des noms rap­pelant cette his­toire “glo­rieuse”. Le troisième pont du Bospho­re égale­ment en chantier, s’ap­pelle Le Pont de Yavuz Sul­tan Selim, ce Sul­tan fut un mas­sacreur d’Alévis. Il s’ag­it là encore, d’une véri­ta­ble provo­ca­tion à la divi­sion. Pour un pont qui est sen­sé reli­er deux rives, c’est un comble !

Une descente au chantier

Le 25 novem­bre, les mem­bres de l’organisation “Défense des forêts du Nord”, KOS ( Kuzey Orman­ları Savun­ması) fai­saient une descente sur le chantier illégal.

Une ving­taine d’activistes ont donc répon­du à l’appel du KOS et se sont intro­duits dans le chantier afin de faire respecter la déci­sion de jus­tice d’arrêt des travaux. En effet, la plainte déposée avait suivi son cours devant le tri­bunal et une déci­sion de jus­tice avait été ren­due. De plus, La Direc­tion de l’environnement et de l’urbanisation de la ville d’Istanbul avait demandé l’annulation de l’autorisation de con­struc­tion du pro­jet. Carrément ! 

Mais, mal­gré le ver­dict qui ordon­nait l’arrêt des travaux, l’entreprise con­tin­u­ait l’activité illé­gale­ment. Le chantier avait été arrêté plusieurs fois par les inspecteurs de la Mairie, mais ils repre­naient chaque fois dès le départ des inspecteurs.

Maslak 1453, pourtant il y a bien une décision de justice, gros comme une maison

Pour­tant il y a bien une déci­sion de jus­tice, gros comme une maison

Maslak 1453, qui va arrêter cette construction illégale ?

Devinette : Qui va arrêter cette con­struc­tion illé­gale ?
A- La Mairie de Sarıy­er
B- La Mairie d’Is­tan­bul Métro­pole
C- Le Min­istère de l’en­vi­ron­nement et de l’ur­ban­isme
#Résis­te­LaForêt­De­Fatih

A l’arrivé des mil­i­tants, le per­son­nel de sécu­rité ont voulu les empêch­er de pénétr­er sur le site. Sur la vidéo on voit com­ment les agents de sécu­rité belliqueux essayent de trans­former l’ac­tion en con­fronta­tion vio­lente. L’at­mo­sphère est certes ten­due, mais les mil­i­tants appel­lent sans cesse au calme. Les agents de sécu­rité, rejoints par les respon­s­ables, con­statant qu’ils restent minori­taires et inef­fi­caces, ont appelé les ouvri­ers en ren­fort et leur ont demandé d’intervenir afin d’évacuer les inter­venants. Les mil­i­tants ont été bous­culés, et les agran­disse­ments de la déci­sion de jus­tice mis en pan­car­te, portés par les mil­i­tants ont été déchirés. Un respon­s­able de sécu­rité un peu agité, a voulu atta­quer les mil­i­tants avec un bâton en métal, mais il a été neutralisé. 

Maslak 1453, le mec de la sécurité un peu énervé

Un brin énervé le garçon… (voir le détail sur la vidéo)

Les ouvri­ers se sont mis comme rem­part devant le chantier : « Vous jouez avec notre gagne pain » ont-ils exprimé. Sur l’explication des mil­i­tants « Un de vos col­lègue est mort dans un acci­dent de tra­vail dû au manque de sécu­rité, nous ici, sommes là aus­si pour vous », les ouvri­ers ont répon­du « Dans quel chantier, il n’y a pas de mort ? Ici les con­di­tions sont un peu meilleures ». Une pen­sée très courante en Turquie, celle que les patrons défend­ent avec l’ap­pui des dirigeants poli­tiques ; l’ac­ci­dent, la mort au tra­vail c’est un coup de malchance, sous enten­du, pas du tout la respon­s­abil­ité de l’en­tre­prise… La vie et la san­té de l’ou­vri­er est donc dans la main du Dieu… 

Ce n’est pas pour rien que le slo­gan “La mort est le des­tin du mineur” est imprimé sur les sacs de char­bon qui sor­tent des mines de Soma, où un acci­dent dû au manque de sécu­rité a fait 301 morts en mai 2014… Ce n’est pas pour rien qu’un Mufti puisse prêch­er sur les acci­dents de tra­vail comme ceci : L’abus de pré­cau­tions affaib­lit la con­fi­ance en Allah !

Encore une fois, un exem­ple qui nous mon­tre que des prob­lèmes qui peu­vent paraître dif­férents, sont étroite­ment liés et que les luttes pour les résoudre peu­vent et doivent converger…

Ni la police, ni l’administration ne bouge

Les mil­i­tants de KOS avaient annon­cé dès leur arrivée qu’ils allaient appel­er la police et les inspecteurs de la mairie, car en Turquie, les entre­pris­es ne  respec­taient pas les déci­sions et ni les forces de sécu­rité, ni les admin­is­tra­tions ne bougeaient pour les faire respecter. En effet c’est une réal­ité. C’est sou­vent les habi­tants, les mil­i­tants qui se met­tent devant les machines afin de les empêch­er, et médi­a­tis­er leurs inter­ven­tions pour expos­er la réal­ité à l’opinion publique. La police et les inspecteurs furent donc appelés.

La sécu­rité du chantier a appelé la police à son tour, pour qu’elle inter­vi­enne con­tre les mil­i­tants. Ni la police ni les inspecteurs ne se sont présen­tés sur les lieux.

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Maslak 1453 tribunal

Cliquez pour lire
(doc­u­ment en turc)

Les inter­venants ont pré­cisé que si les choses étant ain­si, c’était au peu­ple de pren­dre les choses en main et de faire respecter les déci­sions. Une porte parole a lu le com­mu­niqué de presse du KOS, par lequel la Mairie de Şişli et Sarıy­er étaient rap­pelés à l’ordre :

« Vous avez négo­cié un ter­rain qui appar­tient au pub­lic, vous avez sac­ri­fié la vie d’un ouvri­er pour l’ambition du prof­it, vous fer­mez les yeux sur les dégâts com­mis jour après jour, sur les biens publics, nous allons faire un appel au délit. N’oubliez pas, aucun délit ne reste sans châtiment. »

Ensuite les mil­i­tants du KOS se sont ren­dus à la Mairie de Sarıy­er afin de s’en­tretenir avec les respon­s­ables au sujet du chantier Maslak 1453, mais ils n’ont trou­vé aucun interlocuteur.

Quelques jours plus tard, le 28 novem­bre, les avo­cats du KOS dépo­saient une plainte con­tre les Maires de Şişli et Sarıy­er, les accu­sant de ne pas faire appli­quer les déci­sions de justice.

Maslak 1453, n’est pas un cas isolé

Le pro­jet de “Mega Istan­bul” com­prenant entre autres les pro­jets de Maslak 1453, du 3ème pont et du 3ème aéro­port est large­ment con­testé non seule­ment par les habi­tants mais par les archi­tectes, urban­istes, ingénieurs.

Megaprojets d'Istanbul dont Maslak 1453

Les pro­fes­sion­nels dénon­cent le pil­lage de la ville pour le prof­it d’une poignée d’in­vestis­seurs, tou­jours les mêmes, faisant par­tie de l’en­tourage de Tayyip Erdoğan. L’as­so­ci­a­tion des archi­tectes indépen­dants d’Is­tan­bul, ISMD, (Istan­bul Serbest Mimar­lar Derneği) a même mis une carte inter­ac­tive tenue à jour, qui suit et mon­tre l’a­vance­ment des travaux sur des cen­taines de chantiers nocifs. L’or­gan­i­sa­tion invite les vis­i­teurs à observ­er les travaux avec ces mots :
“Vous pou­vez cliquez ICI pour suiv­re pas par pas, le pil­lage et destruc­tion de la ville” .

En cli­quant sur les petits points représen­tant cha­cun des mégapro­jets on peut accéder au détails. Rien que la carte a déjà un effet de claque, et annonce la grav­ité de la situation.
N’hésitez pas à faire votre expéri­ence. Une fois sur le site : cliquez sur “har­i­tayı göster” (affich­er la carte) à droite en bas de l’écran.

La lutte con­tre “les grands pro­jets inutiles et imposés” se mène donc partout où le prof­it est roi et déter­mine des “investisse­ments” où financiers, cor­rom­pus et entre­pris­es dépen­dant des mêmes, se goin­frent sur la destruc­tion de l’en­vi­ron­nement et l’ur­ban­i­sa­tion déli­rante. “ZAD partout” con­tre le cap­i­tal­isme destruc­teur est donc un slo­gan devenu universel.

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Naz Oke
REDACTION | Journaliste 
Chat de gout­tière sans fron­tières. Jour­nal­isme à l’U­ni­ver­sité de Mar­mara. Archi­tec­ture à l’U­ni­ver­sité de Mimar Sinan, Istanbul.