Voilà main­tenant une semaine, que divers médias papiers et radios/télés s’in­téressent d’un coup à la Turquie.
Nous n’al­lons pas boud­er notre plaisir de voir des « émis­sions » de grande audi­ence dévelop­per ce que nous nous acharnons à écrire ici depuis plus d’un an.
Quand cer­taines invi­tent même celles ou ceux, enseignants chercheurs, témoins, amoureux de la Turquie, qui sont par­mi nos lecteurs et parta­gent nos bil­lets sur les réseaux soci­aux, nous ne pou­vons même que nous en féliciter.
Et tout cela depuis la ren­con­tre au som­met du week end dernier.
La réal-poli­tique française et européenne qui s’af­fiche à nou­veau au grand jour, inquiète aus­si jusqu’aux com­men­ta­teurs libéraux habituels, et réveille quelques hommes de droite, fon­cière­ment européens et anti-turcs de toujours.

Et c’est ce mélange qui s’in­vite sur les écrans et brouille finale­ment l’analyse.

Non, nous n’avons jamais et nous ne con­fon­drons jamais un Peu­ple avec ses dirigeants, sa théocratie, ses cor­rom­pus, ses élites parvenues…
Comme nous ne con­fon­drons jamais les Peu­ples européens avec l’Eu­rope des marchés, la finance et les ban­ques qui les gouvernent.
Et si ces Peu­ples eux mêmes por­tent dans l’his­toire une respon­s­abil­ité dans le sou­tien, la pro­mo­tion, la mise au pou­voir de tels gou­verne­ments et dirigeants et se com­por­tent en larbins, nous ne céderons pas à la facil­ité de vocab­u­laire dans le genre « Les Turcs, les Français », tout comme le « un Peu­ple, une Nation » qui con­duit au mur que l’on sait.
En clair, nous ne défendrons pas non plus ce que d’au­cunEs appel­lent Europe, qu’il faudrait pro­téger des « mau­vais­es inten­tions d’Er­do­gan », pas plus que nous ne sou­tien­dri­ons « l’en­trée » de la Turquie dans cette pétaudière finan­cière et poli­tique­ment repliée sur elle même.

Il y a, entre le pou­voir turc actuel, et les dirigeants des Etats européens, comme les financiers de Brux­elles, des com­bines et alliances en cours, qui n’ont rien à voir avec une « idée européenne » ou des « valeurs européennes » qui seraient « trahies ».
Il s’ag­it sim­ple­ment de pro­tec­tion d’in­térêts économiques, du suiv­isme d’opin­ions publiques tra­vail­lées par les replis iden­ti­taires, et de l’autre côté de la con­science que dans de telles con­di­tions la carte de tous les chan­tages pour con­forter à la fois un impéri­al­isme région­al et un pou­voir « islamo con­ser­va­teur fort», est util­is­able, pour faire court. Et vous savez ce que nous pen­sons à Kedis­tan, de cette « car­ac­téri­sa­tion », de la gou­ver­nance actuelle en Turquie, qui est un euphémisme par rap­port à la réal­ité cor­rompue et crim­inelle de ce pou­voir là.

Alors ne cher­chons pas à oppos­er ce qui serait dis­ent cer­tains, des « con­ces­sions européennes », à ce qui serait un machi­avélisme d’Er­do­gan, alors qu’il n’y a là qu’échanges de bons procédés, avec le cynisme habituel. Busi­ness as usual !
Le « sen­ti­ment européen » au sein du Peu­ple turc s’est heurté à la réal­ité marchande de l’Eu­rope, qui ne date pas d’hi­er et s’est large­ment émoussé depuis. Le pou­voir AKP actuel a d’ailleurs béné­fi­cié, en con­tre coup nation­al­iste, de ce « rejet » européen, par­fois « raciste » dans sa for­mu­la­tion, alors qu’en réal­ité les raisons en étaient bien plus économiques, dans les allées du grand « bazar » européen.

Et c’est ce dis­cours « anti turc » de ces années passées qui ressur­git à un moment où il y a de vraies raisons de s’alarmer.
Non, ce n’est pas parce qu’ils veu­lent entr­er dans notre « belle Europe de la Paix » qu’il faut s’insurger.
Ce qu’il faut dénon­cer et met­tre en lumière, ce sont toutes les poli­tiques par­ti­c­ulières, et/ou en alliances, qui se mènent con­tre les Peu­ples du Moyen Ori­ent, par des insti­tu­tions, des gou­verne­ments, des impéri­al­ismes locaux ou internationaux.
Et nous avons vu que dans ces « émis­sions », dès lors ou un (une) intervenant(e) veut abor­der cette com­plex­ité, on lui demande tou­jours de « faire court ».

Quel boulot pour y retrou­ver ses petits, allez vous nous dire… Mais la poli­tique de rac­cour­cis ne fait que brouiller encore davan­tage les ques­tions et surtout, en don­nant le beau rôle à un euro cen­trisme échevelé, sou­tien de fait la « cause européenne » en lui deman­dant seule­ment « d’ou­vrir les yeux ».
Laiss­er croire un instant que les dirigeants européens, US ou Russ­es ont les yeux fer­més sur la réal­ité, c’est bon pour un jeu de mots sur Kédis­tan, au détour d’un bil­let, mais nous n’avons jamais général­isé cette facil­ité là.

De la même façon, défendre indif­férem­ment « les Kur­des » qui seraient les « bons » de la région et les « rem­parts con­tre Daech », relève de la même idée que leur rôle serait celui de pro­téger « l’Eu­rope » et le monde… C’est facile­ment oubli­er que les Kur­des pro­tè­gent avant tout leur envie de vivre, d’ex­is­ter, de don­ner un avenir à leur his­toire, d’en sauver les ter­ri­toires des appétits des uns et des autres, d’ex­ercer une sou­veraineté avec d’autres au Roja­va par exem­ple.
Et si les Peu­ples kur­des ont des intérêts com­muns avec d’autres, c’est tant mieux. Mais ne leur deman­dons pas de défendre les nôtres par procu­ra­tion, tout en les livrant demain ou même sou­vent dès aujour­d’hui à leurs bour­reaux.

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Echang­er trois mil­liards avec la Turquie,  pour ériger les murs de la forter­esse europe, avancer l’al­i­bi des « amis Kur­des » et de fait se taire sur la répres­sion qu’ils subis­sent, voilà la teneur des com­bines et traités actuels.
Laiss­er en Turquie même, la ter­reur se met­tre en place con­tre tous les con­tre pou­voirs, sus­cep­ti­bles d’al­liances avec la société civile qui résiste encore, Turcs, Kur­des, minorités indif­féren­ciées, c’est aus­si une poli­tique, surtout quand on la finance.
Cette poli­tique ne devrait pas nous éton­ner, car depuis l’Afghanistan c’est devenu la règle.

Peu­ples syriens, irakiens, kur­des, yezidis et tant d’autres au Moyen Ori­ent sont sous les bombes des mas­sacreurs qui recherchent une « coali­tion » pour repren­dre le partage autrement, un joueur sup­plé­men­taire encom­brant s’é­tant instal­lé à la table. Nou­veau jeu, nou­velles cartes, nou­velles règles.

Ter­ror­isme n’est pas jouer.

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Daniel Fleury
REDACTION | Auteur
Let­tres mod­ernes à l’Université de Tours. Gros mots poli­tiques… Coups d’oeil politiques…