Le “front mon­di­al” con­tre Daesh doit “apporter tout son sou­tien à ceux qui se bat­tent con­tre les troupes de l’E­tat islamique, c’est-à-dire notam­ment les Kur­des, com­bat­tants valeureux que nous soutenons, et les groupes de l’op­po­si­tion syri­enne modérée.

Cita­tion de Manuel Valls devant l’Assem­blĂ©e nationale, dans son dis­cours dĂ©fen­dant la pro­lon­ga­tion des frappes français­es con­tre Daesh en Syrie.

Ça fait penser Ă  cette pub oĂą on voit un type choisir des trucs pour la rĂ©vi­sion de sa bag­nole via une appli­ca­tion inter­net, et au mĂ©cano qui range, qui reprend et qui re-range au fil des hĂ©si­ta­tions du gars.
Pour rap­pel, une « fuite Â» qui Ă©tait venue de l’E­tat Major français et avait atter­ri au canard enchaĂ®nĂ© dis­ait en juin que tout un tra­vail d’aide logis­tique et mil­i­taire aux com­bat­tants kur­des venait d’être anĂ©an­ti par une dĂ©ci­sion de Hol­lande suite au sou­tien qu’il appor­tait dĂ©sor­mais Ă  Erdo­gan, devenu « l’al­liĂ© incon­tourn­able con­tre Daesh Â». Exit en juin l’aide aux com­bat­tants du Roja­va, et perte de « pré­cieuses sources de ren­seigne­ment de ter­rain Â» dis­aient les militaires.
Depuis, on a vu com­ment l’al­lié indé­fectible avait util­isé son per­mis de chasse.
On peut émet­tre quelques hypothès­es sur ce Nième retournement.

Le tir aux avions russ­es aurait soudain rĂ©veil­lĂ© quelque part un diplo­mate en poste Ă  Ankara ?
On peut penser que pour aller vis­iter Pou­tine, le por­trait d’Er­do­gan dans le volet intérieur du porte­feuille n’est pas con­seil­lé par les temps qui courent. Mais on sait aus­si que les Russ­es ne sont pas par­ti­c­ulière­ment favor­ables non plus aux pop­u­la­tions kur­des de Syrie, puisque dans les zones autour de Damas, ils les grat­i­fient à l’oc­ca­sion de quelques bombes per­dues. Bachar a ses exi­gences. Et de toutes les façons, l’Otan, réu­nie à la demande d’Er­do­gan, lui a apporté son sou­tien plein et entier.

Erdogan-refuse-Kurdes

Ce n’est donc pas là que se trou­verait l’explication.
On sait qu’il y a eu entre la Turquie d’Er­do­gan et les US quelques ten­sions au sujet de la livrai­son d’arme­ments aux Kur­des d’I­rak et aux YPG, men­aces Ă  l’ap­pui. On peut sup­pos­er que le Lol­lande en a enten­du par­ler lors de son dernier voy­age. Les voy­ages for­ment le socialiste.

Pour avoir Ă©coutĂ© au SĂ©nat le « dis­cours Â» de quinze min­utes de Gaë­tan Gorce, sĂ©na­teur social­iste, dis­cours main­tenant sur son blog, je serai presque ten­tĂ© de penser qu’il y a lĂ  enfin une prise de con­science. Autre hypothèse pour le change­ment de pied. Cela mĂ©rite d’être lu, dans le dernier tiers de l’in­ter­ven­tion. Mais ras­surons nous, je n’en crois pas un mot.

En effet, cette fin de  dis­cours dĂ©crit en par­tie factuelle­ment et intel­ligem­ment la sit­u­a­tion. C’est d’ailleurs, soit dit entre nous, de la con­fi­ture don­nĂ©e aux cochons, lorsqu’on voit avec quelle rapid­itĂ© les par­lemen­taires lèvent la main en cadence Ă  chaque sol­lic­i­ta­tion. Cela ne passe guère par la case rĂ©flex­ion, c’est juste un rĂ©flexe.
Mais je per­siste pour­tant à penser qu’il y a là un début de retour à la poli­tique antérieure pourtant.
Il y a fort à pari­er qu’Er­do­gan a un peu trop tiré sur la ficelle con­cer­nant le chan­tage aux réfugiés syriens. Entre le béné­fice d’une hypothé­tique aide pour les con­tenir et un résul­tat pal­pa­ble dans la pos­si­bil­ité d’une coali­tion mil­i­taire, en réin­sérant les Kur­des dans le dis­posi­tif, quitte à froiss­er Erdo­gan, le choix sem­ble s’esquiss­er. Et c’est aus­si par Erdo­gan que remonte les ques­tion­nements sur les fil­ières d’hy­dro­car­bu­res, qui pour­raient bien men­er à des logos connus.
Ça a l’air com­pliquĂ© comme ça la « diplo­matie Â», mais en rĂ©al­itĂ© c’est fait de plein de petits papiers lais­sĂ©s sur des coins de table.

Per­son­ne n’a l’air d’évo­quer la mod­i­fi­ca­tion des listes des « ter­ror­istes Â» oĂą les com­bat­tants kur­des fig­urent en bonne place, que ce soit en Europe, ou mĂŞme aux Etats Unis. Peut ĂŞtre s’a­chem­ine-t-on vers une rĂ©vi­sion dĂ©chi­rante, oĂą du coup les groupes iraniens chi­ites seraient « dis­pen­sĂ©s Â» aus­si, pour faire un Ă©quili­bre, comme l’aime tant les « nĂ©gociateurs Â».

Tout cela n’est qu’hy­pothès­es, bien enten­du. Pas plus impor­tant que la pat­te qu’un chat passe par dessus sa tĂŞte, et qui annon­cerait la pluie.

Dans l’im­mé­di­at, ce qui est sûr, c’est que les com­bat­tants face à Daech ne com­bat­tent pas par procu­ra­tion pour les intérêts des puis­sances régionales ou des grands impéri­al­ismes. Ils vivent sur leur terre, et enten­dent y rester, pour eux mêmes. Le Roja­va en est l’il­lus­tra­tion, et tous les revire­ments oppor­tunistes ou ver­baux du gou­verne­ment français ne doivent pas nous le faire oublier.

DĂ©cidé­ment, les Kur­des vont ĂŞtre beau­coup sol­lic­itĂ©s, et sans doute Ă  nou­veau trahis Ă  la fin, si on n’y prend garde.

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Daniel Fleury
REDACTION | Auteur
Let­tres mod­ernes à l’Université de Tours. Gros mots poli­tiques… Coups d’oeil politiques…