A Silvan (Farqîn) les forces de sécurité continuent leurs opérations contre les groupes qui ont barricadé et creusé des fossés d’auto défense dans les quartiers de Tekel, Konak et Mescit.
En entrant dans Silvan, à 80 km de distance de Diyarbakır, ne vous fiez pas au panneau qui est vieux de quelques années. 105 milles personnes y vivent, dont 23 milles dans les trois quartiers qui sont les premiers lieux d’habitation et qui entrent aujourd’hui dans leur 11ème jour de couvre feu.
L’accès à ces quartiers est totalement bloqué par les forces spéciales. Par ailleurs les chars militaires et les blindés de la police positionnés sur les collines environnantes se tiennent prêts à intervenir.
Les habitants des autres quartiers un peu plus en sécurité, suivent les événements depuis leur balcons et sur les toits, avec beaucoup d’inquiétude. Dans cette partie de la ville qui n’est pas sous couvre feu, bien que le danger ne soit pas totalement exclu, les enfants continuent à aller à l’école.
Les affrontements continuent 24h sur 24 en alternance. La majorité des commerçants de la commune, n’ouvrent pas leurs rideaux de fer et la population des trois quartiers n’ayant pas de sécurité de vie quittent leur maison sans rien, en laissant tout derrière eux.
Jusqu’aujourd’hui, environ 10 milles personnes, majoritairement des résidents dans les quartiers sous couvre feu se sont déplacés chez des proches et amis, en grande partie vers Diyarbakır et Batman.
Dans les quartiers exemptés de couvre feu, les habitants attendent la fin de l’incertitude qui règne sur Silvan. Les réseaux mobiles et internet étant coupés, certains d’entre eux, n’ayant pas de nouvelles de leurs proches, habitant dans les quartiers interdits, essayent désespérément d’y accéder et dans le climat tendu, ces tentatives se terminent régulièrement par des disputes avec les forces de sécurité.
Muhittin Kan, le Président de la Coopérative de Crédit et Prêt des Artisans et Commerçants de Silvan, interviewé par l’agence DHA, souligne que beaucoup d’habitants ont quitté la commune depuis 4 mois pour ne pas être pris dans les affrontements : « Il n’y a pas d’exode groupé. Les gens quittent la commune, individuellement, sans rien prendre avec eux. De toutes façons même s’ils voulaient ils ne pourraient pas déménager leurs maisons. La plus grande partie de ceux qui ont quitté la commune sont des habitants des quartiers où les affrontements se passent. Certains se déplacent juste vers un autre quartier plus sécurisé mais ils sont dans une grande difficulté. La population des trois quartiers interdits était de 23 mille. Mais la plupart ont été obligés de migrer. Ils se réfugient en général chez des proches dans des villes voisinantes. La population a diminué de 10 milles personnes. Nous ne savons pas si ceux qui sont partis reviendront ou pas. Beaucoup de maisons sont détruites”.
Silvan est sous les bombes, depuis quatre mois. Il est honteux de voir encore exploser des bombes au centre ville. Nous avons fait des démarches partout. Nous sommes en dialogue avec notre Préfet. Il a de bonnes intentions. Mais actuellement plus de 100 commerces sont détruits. De centaines de maisons sont à terre. Tout au long des 24 heures, les bruits de tir ne s’arrêtent jamais.
La Direction de Diyarbakır de la Banque Populaire a annoncé qu’il allait retarder de 2 mois, les paiements et transactions. C’est une bonne nouvelle pour que les commerçants respirent. Nous le remercions. Mais la situation actuelle de Silvan n’est pas bien. La commune est sous le feu. Actuellement, des militaires supplémentaires arrivent. Nous sommes dans la misère. Les commerçants de Silvan ne pourront plus se redresser pendant 20 ans.
Aziz Akın, un commerçant habitant à Silvan ajoute :
Nous sommes dans une guerre. Nous ne comprenons pas non plus ce qu’il se passe. Dans les quartiers interdits, il y a des enfants. Ils ont faim. Il n’y a plus d’électricité, ni de l’eau là-bas. Nous ne pouvons pas non plus y aller pour aider. Mes proches qui habitent dans ces quartiers sont dans la misère. Dans ces quartiers, ils font parler l’artillerie lourde. Nous voulons y accéder mais les snipers positionnés sur des immeubles nous tirent dessus.
Jusqu’où cette guerre absurde va-t-elle aller ? Les Kurdes ont gagné la guerre de libération avec les Turcs. Ce drapeau a été dessiné avec le sang de nos grand pères. Que veulent-ils de nous ? On a fait le service militaire. On est allé à la guerre de Chypre [1974] Que veulent-ils de nous ? Ca suffit. Nous en avons marre. Nous nous réveillons tous les matins avec des bruits des armes, comme si c ‘était de la musique. Nous nous endormons le soir, avec les bruits des armes. On se lève avec des armes, on se couche avec des armes.
Nous n’arrivons plus nous endormir, dans nos maisons. Nous ne savons pas quand est-ce qu’on va mourir. Nous n’avons aucune sécurité. Il faut qu’ils trouvent une solution.
On mesure la confusion créee, entre les combattants, ceux qui les soutiennent, les jeunes qui “n’ont plus rien à perdre”, et ceux qui pensent aux “affaires”, et pourtant craignent aussi pour leurs proches… Un mélange de “maintien de l’ordre” et de “guerre civile”. Mais il s’agit bien d’une opération de ratissage, à l’arme lourde et avec des blindés, contre une ville qui a “mal voté” et déclaré son autonomie par lassitude des violences militaires contre leur demande de reconnaissance.
Les mouvements et activités militaires continuent sur les routes nationales, depuis Diyarbakır et Batman toujours vers Silvan. Les blindés sensibles aux mines, appelés « kirpi » (hérisson) sont envoyés vers le centre de la commune et les routes sont sous surveillance afin d’éviter les poses de mines. Des blindés équipés de brouilleurs IED jammer font en continu des allers-retours sur les routes.
Des députés HDP sont sur place afin de contribuer à l’arrêt des affrontements, pour que la vie puisse reprendre son cours normal. A tout moment une discussion peut se transformer en affrontement et civils, enfant, vieux ou députés chacun reçoit sa ration de violence. Comme Figen Yüksekdağ, la co-présidente du HDP qui venait de faire une conférence de presse et qui voulait entrer dans les quartiers interdits avec son groupe. Elle a reçu une grenade lacrymogène et a été bien arrosée… et pas que ! Les forces de sécurité ne se sont pas privées de tirer des rafales sur le groupe. Un habitant présent sur les lieux a été blessé.
Le journal pro-AKP Yeni Akit tweettait sur se sujet : “Le brushing de Figen Yüksekdağ est défait”
(1:50)
A Siverek (Şanlıurfa) une manifestation s’est déroulée afin de protester le couvre feu de Silvan. Lors des protestations à Izmir, 16 femmes dont Dilek Aykan, la Co-Présidente du bureau du HDP Izmir du ont été arrêtées et mises en garde à vue. A Diyarbakır, une centaine d’avocats, membre de l’Association des Juristes de Mésopotamie (Mezopotamya Hukukçular Derneği) ont protesté par un sit-in devant le Palais de Justice.
La Fondation des Droits de l’Homme turque, (TİHV) a publié un rapport sur Silvan. Le rapport déclare que depuis 16 août, 14 civils ont été tués et constate que depuis le début du couvre feu, le 3 novembre 2015, les chars et blindés ont mis la ville sous blocus, et les opérations, notamment aériennes appuyées par des hélicoptères, continuent. Dans les trois quartiers sous couvre feu, les habitants ne peuvent pas se procurer de la nourriture, y compris du pain.La vie dans ces quartiers est devenu impossible.
Nous publiions récemment le cri de coeur d’un jeune :“On ne vaut même pas un arbre !”, excédé devant l’absence de soutien et l’indifférence de certains qui avaient pourtant pris une place active dans le soulèvement populaire lors de la Résistance de Gezi en 2013.
Nous nous posions de sérieuses questions à Kedistan, car on avait l’impression vu de l’Ouest de la Turquie, ou allez, encore un peu plus à l’Ouest, vu de l’Europe, que la souffrance de Silvan perdait sa réalité, devenait quelque chose d’irréel…
Ce “détachement” de la réalité, nous faisait penser un peu à ces images qui suivent et qui peuvent faire penser à un jeu vidéo. Bien que les médias pro AKP les ressortent maintenant, ces images datent du mois d’Août. C’est donc juste le premier niveau, en démo. Pas trop de sang. Juste peut être un mort dans la fumée. Une poubelle renversée d’ennui, faute de ne pas avoir croisé dans les reflets des vitres des maisons, une silhouette, peu importe femme ou enfant…
Ca commence à se mobiliser. #DirenSilvan
Les premières manifestations ont été organisées dans l’Est, notamment à Diyabakır, A Şırnak… Le quartier Gazi à Istanbul a également soutenu Silvan… D’autres mobilisations suivent aussi bien en Turquie, qu’en Europe…
Rendez-vous samedi 14 novembre :
Paris |15h | Gare de l’Est
Istanbul | 18h | Kadiköy, Taksim, Sirinevler
Dernière minute : Le siège de Farqin / Silvan a été levé après 12 jours de résistance populaire principalement dans 3 quartiers de la ville. L’armée a évacué sous les huées. Cependant, les quartiers sont devenus en grande partie inhabitables!