Les nou­velles de ce qui n’est pas encore un « front » mais pour­rait bien le devenir, dans les zones du Kur­dis­tan turc, n’an­non­cent pas la paix, c’est le moins qu’on puisse dire.

Comme pour les « punir » d’avoir mal voté le 1er novem­bre, l’ar­mée turque a de nou­veau établi des sièges et cou­vre feux dans cer­taines zones.
Si le mufle des blind­és avait été cam­ou­flé durant l’élec­tion, lais­sant place à de la sol­datesque à pied, par­fois masquée, sur­veil­lant les bureaux de vote, voire dis­suadant les électeurs et élec­tri­ces, ils sont à nou­veau de sor­tie et à l’oeu­vre de plus belle.

La direc­tion du PKK a annon­cé de son côté le 5 novem­bre, qu’elle met­tait fin au cessez le feu uni­latéral qu’elle avait décidé pour per­me­t­tre un déroule­ment des élec­tions dans un calme relatif.

Les forces de répres­sion turques, elles, n’ont jamais respec­té de cessez le feu durant cette péri­ode, même si elles ont ralen­ti leurs « opéra­tions », du fait de la réper­cus­sion de l’at­ten­tat d’Ankara dans tout le pays.

Une série de cir­con­scrip­tions élec­torales au Kur­dis­tan turc ont mas­sive­ment voté pour le front démoc­ra­tique HDP, jusqu’à plus de 80% par endroit.

Quand on sait que cer­tains jour­nal­istes de la presse inter­na­tionale présents ont recueil­lis auprès de la jeunesse kurde de la région de très nom­breux témoignages dis­ant qu’ils ne croy­aient plus dans les « élec­tions », ni dans la pos­si­bil­ité de se faire admet­tre et recon­naître par « l’E­tat turc », on peut penser que cette volon­té de « repar­tir à la mon­tagne », pour­rait se traduire rapi­de­ment dans la réal­ité d’af­fron­te­ments ana­logues à la péri­ode antérieure.

Si cela s’est man­i­festé par une auto défense plus rad­i­cale ces derniers jours lors de ten­ta­tives de l’ar­mée d’en­tr­er dans des quartiers, une sit­u­a­tion insur­rec­tion­nelle pour­rait répon­dre très vite à une offen­sive général­isée des forces de répres­sion, si celle-ci était décidée au plus haut niveau.
Nous n’en sommes pas encore à ce stade, puisque le gou­verne­ment AKP dans cet après élec­tions met les « formes » insti­tu­tion­nelles et pro­pose des « réformes » dont le but et de con­trôler totale­ment l’ap­pareil d’Etat.

La cam­pagne qui con­tin­ue sur « l’u­nité nationale con­tre le ter­ror­isme » vise pour­tant à légitimer une telle offen­sive par avance, avec, on ne le sait que trop, un sou­tien international.

Des attaques « préven­tives » à l’arme lourde ont été effec­tuées aus­si con­tre le Roja­va ces derniers jours.

Quelques exemples parmi d’autres de réactivation des exactions armées des forces de répression.

carte-turquie-silvanÀ Far­qîn (Sil­van) à Amed (Diyarbakir), là où les attaques poli­cières s’in­ten­si­fient jour après jour, dans les quartiers assiégés mil­i­taire­ment et sous cou­vre-feu depuis plus de 5 jours, la pop­u­la­tion privée d’eau, d’élec­tric­ité, de télé­phone et d’in­ter­net fait face à de sérieuses dif­fi­cultés pour se nour­rir. L’as­so­ci­a­tion Komela Keyayen Far­qinê, a fait cuire 7000 pains pour les dis­tribuer aux habi­tants qui manque de nour­ri­t­ure mais cette ini­tia­tive a été immé­di­ate­ment empêchée par la police.

Depuis plus de 5 jours dans le cen­tre de Far­qîn, les attaques poli­cières et les cou­vre-feux se pour­suiv­ent dans les quartiers Kon­ak, Mescît et Tekelê. Les habi­tants se trou­vant sous la men­ace d’un mas­sacre con­tin­u­ent de résis­ter alors que, déjà privés d’eau et d’élec­tric­ité, la police inter­dit de leur livr­er du pain.

Alors que les moyens de com­mu­ni­ca­tion ne répon­dent pas et que ces quartiers sous cou­vre-feu et inter­dic­tions ne sont pas reliés entre-eux, les forces spé­ciales de la police ont fait face à une telle résis­tance de la part des habi­tants qu’ils ne sont pas par­venus à entr­er dans cer­tains quartiers.
On apprend égale­ment que les attaques de la police ont incendié des bâtiments.

Les habi­tants des quartiers nous font savoir qu’il ne reste plus aucune mai­son intacte, elles ont toutes subit des dégâts de la part de la police, qu’il y a en per­ma­nence des bruits d’armes et des fumés qui sur­v­o­lent les quartiers.”

  • pour le moment trois civils blessés par les forces spé­ciales de la police sont recensés,
  • une forte explo­sion a eu lieu sur la place Kaniya Zazo où au moins sept policiers ont été blessés et trois de leurs véhicules endommagés,
  • deux pel­leteuses de la polices (ser­vant à détru­ire les bar­ri­cades et rebouch­er les tranchés faites par les habi­tant pour empêch­er l’a­vancer de la police) ont été incendiées,
  • deux policiers ont été tués,
  • 23 per­son­nes ont été mis­es en garde-à-vue. (source Rojnews)

Les mil­i­taires turcs par­tic­i­pant à une opéra­tion dans les zones rurales de Dicle — quarti­er de Amed — ont attaqué le cimetière des mar­tyrs “Şeyh Sait” et ont démoli une grande par­tie du cimetière ain­si que la mosquée et la mai­son d’hôtes.

L’at­taque de ce cimetière fait par­tie des cimetières de Var­to, Der­sim et Cudi ciblés ces derniers mois. Elle a été menée pen­dant les trois jours d’une opéra­tion mil­i­taire et du cou­vre-feu dans la région déclarée “zone de sécu­rité militaire».

Un groupe de députés du HDP et les pop­u­la­tions locales se sont ren­dus sur les lieux à la fin de l’opéra­tion mil­i­taire pour con­stater que le cimetière avait été démoli avec des explosifs.

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Snipers dans une mosquée

turquie-carte-hakkariÀ Gev­er (Yük­seko­va), dans le cen­tre de Colemêrg (Hakkari), la pop­u­la­tion a résisté toute la nuit face aux attaques intens­es de la police pour les empêch­er d’en­tr­er dans les quartiers de Cumhuriyet, Ensenyurt et Esentepe.

Pour détru­ire les nom­breuses bar­ri­cades érigées par les habi­tants pour empêch­er la police d’en­tr­er, les forces spé­ciales de la police ont attaqué hier soir au alen­tour de 22h les quartiers d’E­sen­te­pe et d’E­senyurt à bord de dizaines de véhicules blind­és. Les habi­tants se sont défendus en descen­dant mas­sive­ment dans les rues. Les forces spé­ciales ont donc, longue­ment, mitrail­lé et gazé les quartiers. Mais après une heure d’in­sis­tance la police, ne par­venant pas à avancer face à la résis­tance , a préféré reculer.

À Cumhuriyet égale­ment, après avoir attaqué à deux repris­es pen­dant la nuit, les forces spé­ciales de la police ont ten­té à nou­veau tôt ce matin d’en­tr­er dans le quarti­er. Une fois de plus, la résis­tance des habi­tants a brisé l’at­taque de la police et les a empêché d’a­vancer. (source Rojnews)

Ces infor­ma­tions, glanées dans les réseaux d’op­po­si­tion, et dif­fi­cile­ment dif­fusées en dehors des réseaux soci­aux, sont par­cel­laires, mais mon­trent que les con­di­tions d’une reprise de com­bats d’une toute autre ampleur est pos­si­ble, les pop­u­la­tions n’ayant plus rien à per­dre ni à espér­er d’autre que dans leur pro­pre résistance.

Qui blâmera des jeunes gens dont l’en­fance s’est passée dans un cli­mat d’in­tolérance et de présence mil­i­taire, qui con­sta­tent que les bour­reaux de proches, de par­ents ou de familles amies, vien­nent d’être relaxés par la jus­tice, au sor­tir d’élec­tions, de vouloir com­bat­tre cette armée qu’elle pense d’occupation.

Des analy­ses que j’ai pu lire ici et là, inter­ro­gent sur la capac­ité de l’ar­mée turque à faire face à une véri­ta­ble insur­rec­tion au Kur­dis­tan turc. Cette armée de con­scrip­tion, dont le retour de cer­cueils avait déjà mobil­isé la société turque, ne pour­rait assumer une véri­ta­ble guéril­la dont les com­bat­tants seraient autrement armés que dans les années 90, dans le cas où le PKK décidait de mobilis­er ses com­bat­tants aujour­d’hui réfugiés en Irak. Un tel front de guerre civile peut-il être envis­age­able aux portes de Daesh, et dans le con­texte syrien proche ?

Les gou­verne­ments européens pour­raient bien courir après leurs mil­liards et con­stater qu’Er­do­gan s’en sert pour men­er sa guerre et créer des exodes sup­plé­men­taires qui ne man­queraient pas d’advenir.

Je sais bien que les Cop 21 pas­sion­nent les foules et que de futures élec­tions de régions à géométries improb­a­bles pas­sion­nent tout autant les écuries de par­tis en France; je con­state aus­si que la mort quo­ti­di­enne de réfugiés de Syrie ou d’ailleurs, même d’en­fants, ne fait plus réagir.

Je suis donc vrai­ment désolé d’être encore por­teur de nuages noirs qui crèveront un jour ou l’autre au dessus de nos têtes incrédules.

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Daniel Fleury
REDACTION | Auteur
Let­tres mod­ernes à l’Université de Tours. Gros mots poli­tiques… Coups d’oeil politiques…