Les leaders européens visitent la Turquie en ce moment. Merkel a fait son tour, Tsipras va passer bientôt dire bonjour.
Dans les 8 premiers mois de 2015, le nombre de réfugiés venus clandestinement en Europe s’est multiplié par 3,5 par rapport à une moyenne de 2011/2014. Pour ceux qui partent de Turquie et arrivent en Grèce le nombre est multiplié par 7. Le chiffre de 800 000 entrées est avancé, sans réelles vérifications possibles.
Pour atteindre l’Europe il y a trois routes. Une partie essaie de passer vers l’Italie et Malte, une autre partie tente l’Espagne et enfin, il y a la Grèce. Les réfugiés passant en Grèce ont augmenté d’un coup cette année, surtout de janvier à octobre. 60% des réfugiés “choisissent” ce chemin.
C’est là où il y a moins de risques, de façon toute relative. La statistique est sinistre. Seulement 6 sur 100 mille perdent leur vie comme Aylan. Par contre sur la voie Turquie-Italie, 2 réfugiés sur mille périssent dans les eaux. Mourir en essayant d’atteinde l’Europe, passer par l’Italie au lieu d’essayer la Grèce est donc 3 fois plus risqué.
Le chemin Turquie Grèce est plus court et “meilleur marché”. Car les prix prennent aussi leur importance dans ces “choix” entre plusieurs façons de perdre éventuellement la vie ou “passer”.
Si on regarde de près, on observe que c’est surtout des jeunes qui prennent le risque du voyage.
Selon les statistiques d’Eurostat, 81% des réfugiés qui ont demandé l’asile dans les pays européens, ont moins de 35 ans. et 68% de ce groupe est constitué de 18–34 ans. 18% des demandeurs sont des enfants de moins de 13 ans. On peut penser qu’ils s’agit aussi de décisions “familiales”.
La plupart des demandes ont été faites en Allemagne et 70% de toutes les demandes d’asile y sont faites aujourd’hui par des Syriens. En 2013, les réfugiés syriens y étaient pour 20%.
Il est évident que ce flux ne va pas s’arrêter. La Turquie n’a pas ces moyens, ni au niveau organisationnel, ni matériel. Elle n’a ni plan, ni projet… Elle n’y peut rien, surtout en disant « filez nous 3 millions de dollars, et on va voir ce qu’on peut faire… ».
Difficile de savoir s’il s’agit de l’exode de réfugiés déjà présents sur le sol turc depuis plus de deux ans, de passage de syriens en exil récents, depuis l’accentuation des frappes aériennes. Il y a une proportion de chaque, les conditions de vie, tant dans les camps frontaliers que dans les métropoles étant exécrables.
Cette statistique, froide et macabre, est le support des “réflexions” européennes. Nous ne sommes pas loin de la “fuite d’eau” évoquée par Nicolas Sarkozy. Les exilés de guerre, les réfugiés sont “traités” comme mathématique de baignoire, problème de robinets… Sachant que trois milliards seront versés à un bout, quel sera le résultat à l’autre bout du tuyau ? Vous avez dix heures de traversée… L’utilisation d’objets gonflables est autorisée.… Vous ne devez pas dépasser les 90 morts par semaine, enfants compris. Je ramasse les copies sur la plage.
Derrière le deal avec Erdogan, il y a une volonté de régler le problème en l’externalisant, comme depuis des années. Et surtout de couper une voie d’accès, quelles qu’en soient les conséquences. Tout comme les protestations ont cessé face aux décisions “efficaces” des Hongrois, et maintenant d’autres Etats en interne, se reposer sur un homme à “poigne” en Turquie, comme il y a quelques années Frontex le faisait avec Kadhafi, paraît à nos dirigeants humanistes non une solution finale, mais la dernière trouvée en tous cas, au moindre coût. Qui s’est soucié des “pertes” en Lybie ?
Chercher l’humain dans cette politique serait perdre son temps. Continuer à la refuser et à la combattre, même si on se sent bien seuls, malgré la profusion d’images, de témoignages, de reportages, qui ne font même plus réagir, est tout ce qui reste à faire, inlassablement.