Dimanche dernier dans le quarti­er Küçük Armut­lu d’Istanbul la police avait fait une opéra­tion “anti ter­ror­iste” et avait blessé grave­ment à la poitrine par balle tirée à bout por­tant, une jeune fille de 24 ans, Dilek Doğan. 

Depuis 8 jours, Dilek se bat­tait con­tre la mort en soin inten­sif à l’hôpital d’Okmeydanı. Elle est décédée à 17h30 ce dimanche 25 octobre.

Sa dépouille a été trans­férée à l’In­sti­tut médi­co légal de Yeni­bosna, et l’hôpi­tal mis sous cor­don de sécu­rité afin de faire face aux éventuelles protestations. 

Pen­dant que nous écrivons ces lignes, le quarti­er de Dilek est en ébul­li­tion. Sa dépouille sera trans­férée au Cemevi de son quarti­er (lieu de prières des alévis). Et oui, il y aura des protestations.…

Pour avoir une vision un peu plus glob­ale : Küçük Armut­lu est un quarti­er pop­u­laire majori­taire­ment alévi, tout près du « sélect » quarti­er Etil­er, comme coupé au couteau. Vu son emplace­ment dans une ville où il ne reste plus un cm2 pour recon­stru­ire, il fait louch­er les pro­mo­teurs, con­tre lesquelles se bat, en pro­posant un pro­jet alter­natif, pour rénover le quarti­er avec/et pour les habi­tants, le TMMOB (L’Union des archi­tectes et ingénieurs). Rap­pelons le,  une des 4 organ­i­sa­tions appelant à la man­i­fes­ta­tion « emploi, démoc­ra­tie, paix » du 10 octo­bre à Ankara, lors de laque­lle un atten­tat a fait plus de 100 vic­times est cette même union.

Vous ne pou­vez pas avancer l’heure sur vos mon­tres, vous ne pou­vez pas la reculer non plus. L’heure s’est arrêtée aujour­d’hui sur Dilek Doğan.

La direc­tion de la Police avait expliqué dans un com­mu­niqué, 32 heures plus tard, que Dilek Doğan s’é­tait blessée lors d’un chahut que les habi­tants de la mai­son avaient provo­qué et qu’un mem­bre de famille iden­ti­fié avec des ini­tiales M.D. avait essayé de pren­dre l’arme du « per­son­nel chargé de la sécu­rité de l’opération », provo­quant une bous­cu­lade lors de laque­lle une balle était par­tie. Une expli­ca­tion alam­biquée. 

Les mem­bres de la famille eux,  annonçaient dès le départ, qu’à l’arrivé des policiers, Dilek leur avait demandé de « met­tre des cou­vre chaus­sures » (tenue régle­men­taire de la police lors des descentes). La con­ver­sa­tion s’é­tait trans­for­mée en dis­pute et la police avait tiré. Le père de Dilek expri­mait claire­ment que la bous­cu­lade avait eu lieu alors que Dilek était déjà blessée. 

Le père de la jeune fille, pré­ci­sait que le polici­er qui avait tiré, était un agent con­nu sous le pseu­do « Kara­dayı » (Oncle-noir) déjà inquiété et inter­rogé à plusieurs repris­es, pour des accu­sa­tion de « tor­ture ».  Selon le quo­ti­di­en Cumhuriyet, le Pro­cureur de République, non seule­ment n’a recueil­li les témoignages d’aucun mem­bre de la famille de Dilek, mais n’a pas iden­ti­fié non plus, à ce jour, le polici­er qui a tiré le coup mortel. 

Le 23 octo­bre, une déci­sion de « secret et restric­tion » a été prise par le Tri­bunal. Cette déci­sion était motivée par une néces­sité de ne pas per­me­t­tre « la pos­si­bil­ité de pren­dre copies des pièces, par les sus­pects, les avo­cats des sus­pects, et les autres intéressés à  l’enquête”, pré­tex­tant dans ce cas le manque de  sérénité pour la suite.

En fait, la descente de police aurait été effec­tuée sous le pré­texte de  recherche de sus­pect pour un atten­tat qui s’est déroulé près de l’Am­bas­sade des Etats Unis il y a quelque temps déjà,  et dont “l’au­teurE” aurait été repérée dans ce quartier.

leman-couverture-dilek-dogan-octobre-2015

Cou­ver­ture de Leman, heb­do­madaire humoris­tique : 
- Met­tez des cou­vre chaus­sures ! 
— Met­tez des linceuls…

Un hom­mage à 11h demain dans le quarti­er et la dépouille de Dilek par­ti­ra à Maraş, sa ville d’origine. Dilek vivait dans un quarti­er pau­vre. Elle était opposante, de gauche, et alévie… Aux yeux du pou­voir c’é­tait suff­isant pour mourir.

Impunité poli­cière habituelle, dans un quarti­er dont on veut faire fuir les habi­tants qui résistent.

Inter­ven­tion con­tre les familles et proches de la vic­time, et plus générale­ment con­tre les pop­u­la­tions, à la mode de l’Est.

Et c’est la cam­pagne élec­torale jusqu’au 1er. Qu’en sera-t-il le 2 novembre ?


Ajout du 26 octo­bre. Les funérailles de Dilek.

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