“Hamama giren terler” : Qui entre au hamam, sue.”
Proverbe turc
Bah voilà… Ils ne savent plus quoi faire pour les élections…
C’est à pleurer et je me marre. J’en ai mal au ventre. Je suis désolée c’est nerveux.
Davutoğlu, le petiot de Premier Ministre, a envoyé une lettre aux organisations de société civile LGBTI pour les appeler à voter pour AKP. Allons bon ! Il y a quelques mois les gays, les lesbiens, les bi, les trans et leurs soutiens en prenaient plein sur la tête, lors de la gaypride d’Istanbul sans raison, alors que ça faisait 12 ans que la marche se passait sans problèmes dans une ambiance festive en fanfare… Les mêmes qui déclaraient tout ce monde “immoral” veulent le vote des pédés maintenant ? Jusqu’où vont ils aller ?
Je voudrais bien voir le petiot avec des plumes en arc en ciel, vous savez où.
Ma soeur “raisonnable” me dit dans l’oreille que je devrais peser mes mots, parce que nous ici, on a l’habitude des LGBTI qui luttent avec humour et dérision, même qu’ils en font une arme efficace. M’enfin je peux me permettre de parler comme ça, parce qu’ils sont tous mes enfants.
Le même petiot déclare dans son discours au meeting de l’AKP à Urfa :
Vous avez un boulot, un salaire, de quoi manger… Que vous manque-t-il ? Une compagne/compagnon. Nous voulons que les gens de ces terres se multiplient. Quand vous vous dites “compagne/compagnon”, vous allez voir d’abord vos parents. Inchallah, ils vous en trouveront une/un. S’ils n’y arrivent pas vous allez le demander, à nous.
Votez pour nous. On fait aussi agence matrimoniale.
L’image ci-dessous tourne apparemment sur les réseaux. Ah, ces jeunes, ils ont l’humour vache… Ils ont raison.
Les épouses promises par Davutoğlu sont arrivées en Turquie. “Epouse Kinder”, quelque soit ton lot, ce sera la surprise…
Ils ont aussi assuré pour le timing. Je m’explique. Le 29 octobre est la fête de la République en Turquie. On célèbre ce jour la proclamation de la République turque du
Allons y pour des vacances. C’est déclaré officiellement aujourd’hui. La Turquie sera donc en vacances du 28 octobre soir au 3 novembre.
Ah, il ne faut pas que j’oublie celle-ci !
Toujours le même petit Premier Ministre, toujours pour quelques petites voix, en se déchirant pour prouver que l’AKP n’a rien à voir avec Daesh, il a du un peu crisper sur le sujet lors d’une émission de télé :
Entre l’islam défendu par le Daesh, et celui qui est vécu en Turquie et que nous défendons, il y n’a pas 180, mais 360° de différence.
Oui monsieur, on ne s’en doutait pas.
On se marrait aussi en douce devant le gros lapsus révélateur du petit bonhomme … quand il a sorti avec emphase lors d’un congrès à Ankara :
Je m’adresse à voix forte depuis cette salle au monde. Nous continuerons à être des suiveurs et les éclaireurs d’aujourd’hui d’Al-Hussein ibn Ali [petit-fils du prophète Mahomet], et nous serons toujours du côté des tyrans, où qu’ils soient.
Quel aveu sincère.
Voilà les trucs drôles… Les journaux débordent de trucs graves aussi. Du genre, les jeunes bombes humaines des attentats d’Ankara et de Suruç étaient bien connus des services de renseignements, que leur famille avait fait elle même des signalements, et que les pistes n’étaient pas exploitées…
C’est vrai les services de renseignements n’ont pas du avoir du temps. Ils sont trop occupés à courir après des journalistes qui font leur boulot, pour leur trouver des liens avec des organisations illégales, ou encore tomber sur des jeunes pour un tweet, et les mettre devant le juge pour “insulte au Président de République”. Ca prend du temps, ça mobilise du personnel. Ils sont débordés.
Comme le boulot des renseignements est devenu essentiellement, “repérer les insultes”, la Justice, la Sécurité, ont un seul boulot à faire à leur tour ; la protection d’une seule personne. Devinez qui ?
Celles et ceux qui ne soutiennent pas Tayyip sont toutes des “terroristes”, c’est bien connu… Du père qui se révolte à l’enterrement de son fils soldat appelé, à la dame qui brandit une boîte à chaussures de son balcon pour protester contre un meeting AKP qui se déroule sous son immeuble, passant par la dame du village qui protège sa forêt et son yayla sur les hauteurs de la Mer Noire… Je ne parle même pas des milliers de “çapulcu” de la Résistance de Gezi, qui sont certainement très dangereux. Vu les résultats des dernières élections, sur une population de 80 millions de tout âge, ça fait quand même, au moins une vingtaine de millions de “terroristes”. Ca grouille dans les rues. Vous ne les voyez pas ? Comment ça ?
güya bi rüyaymış bu rüya… pic.twitter.com/yYtVK2UmeY
— karga kafasi (@karga_kafasi) 1 Octobre 2015
Si le jour se levait et on se réveillait… Comme si l’AKP n’avait jamais existé… les enfant n’était pas morts ! En ayant le sentiment d’avoir fait un rêve qui nous a paru très long… Par exemple, le TOKI [Direction logement social] n’existe pas, ni le 3ème pont [de Bosphore], ni les forêts du nord ne sont.…..
En même temps, rien de surprenant. Cela ne se passe pas comme ça ailleurs ? Les CRS déployés pour des sans papiers, les réfugiés sous la matraque, les syndicalistes violents, les ZADistes accros au lacrymo. Dangeureux individus que l’Etat réprime…
Je ne connais rien à la politique. Mais je pensais que l’Etat devait être au service du peuple, non ? L’Etat doit être responsable, non ? De quoi l’Etat turc est responsable aujourd’hui ? Visiblement de rien.
Par exemple quand on dit “Attentat Suruç 33 morts, Attentat Ankara, plus de 100 morts, faille de sécurité, démission peut être ?” les ministres nous rigolent au nez devant les caméras.
On dit, “Corruption ?” : Où avez vous vu ça nous répond-on ?
On dit, “Des ouvriers, des mineurs meurent, sécurité de travail ?” : c’est le destin !
On dit, “Chômage, misère ?…”, Ca a toujours existé…
On dit “Les écoles en miettes” : C’pas ma faute.
On dit “La nature suffoque” : Le pays progresse !
Alors “Le terrorisme ?” C’toi le terroriste !
Ah bon ?
Aujourd’hui, en tournant les pages des journaux, je me posais une question. Mais comment en lisant tout ça, peut-on vouloir mettre dans l’urne, un vote pour l’AKP ? Après, je me suis dit ; moi, je lis les journaux de l’opposition, ceux qui n’arrêtent pas de dénoncer, quitte à se faire traiter de “terroristes” voire se faire tabasser par des fanatiques ou des sbires. Mais je garde aussi un oeil sur ceux de la presse qui aiment bien Tayyip. Dans ces moments là je ne fais que de pester. J’ai comme une impression que les lecteurs de ces journaux criant aux mensonges, aux “manigances orchestrée par des forces extérieures” ou je ne sais quoi, eh bien, il les croient sincèrement. Il n’y a pas que les journaux bien sûr. Les intéressés eux mêmes inondent les ondes à toute occasion. Mais quand on est martelé d’âneries du matin au soir, comment réfléchir ? Comment voulez-vous que ces gens changent de vision ? J’essaye avec mes voisins. Je papote. Ca avance. Ils ont quitté la stade “Les seuls hommes honnêtes pour sauver le pays”, mais je trouve qu’ils piétinent un peu sur “Ils volent mais ils travaillent bien”.
C’est comme une machine. Les religions marchent bien pour ça aussi. Quand les cerveaux apprennent très tôt à croire une vérité qui est écrit dans un bouquin, ils n’ont jamais besoin de questionner. Il suffit d’avoir un grand truc… Grande force, grand Dieu, grand leader, une paire de chaussures de grande pointure à laquelle on emboîte le pas.
Le premier novembre, date des élections se rapproche. A quoi vont servir ces élections ? A rien. Tout ce brasier sur lequel les avides de pouvoir ont soufflé de tous leurs poumons, s’enflamme depuis des mois, pour qu’Erdoğan obtienne la majorité parlementaire, pour après changer de régime et se sacrer The Président. Je mets mes mains au feu, que le résultat ne sera pas très différent que les dernières élections du 7 juin. et ensuite, les tentatives de coalition contre nature ne marcheront pas. Combien de centimètres on aura avancé dans cette résolution démocratique ? C’est exactement comme l’équivalent de la formule “Il était une fois” en version anatolienne. C’est long, c’est presque un conte avant le conte, alors je vais vous réciter juste la fin :”…il marcha peu, il marcha beaucoup, il traversa rivières et montagnes, plaines et prés, il se retourna pour voir derrière, que vit il ? Il avait avancé d’un grain d’orge !”.
Finalement ces élections ne changeront pas le pays d’un coup. Elles serviront ‑encore une fois- à ne pas permettre à Erdoğan de réaliser ses projets, et ce n’est pas rien. Oui, il va falloir aller voter pour que les silences ne profite pas à l’AKP. Ces élections serviront aussi à voir combien de personnes se réunissent dans quel camp. Je dis bien “camp” parce que oui, la population turque est bien divisée avec soin et parcimonie et les derniers mois chaotiques ont davantage approfondi le ravin. Les résultats en démoraliseront certains, en encourageront d’autres. La motivation est aussi une de choses importantes que ces élections porteront. Ou pas.
Mais au bout du compte, ne pensez pas que je lis dans le marc du café, c’est gros comme un Palais de 1000 pièces : comme il n’y aura certainement pas de majorité mais encore des histoires de coalitions… On aura avancé d’un grain d’orge.
Comme je ne connais rien à la politique et je ne connais pas grand chose non plus sur la Constitution, j’ouvre les oreilles et j’écoute, j’essaye de comprendre. J’entends régulièrement des explications à la télé et je lis dans les journaux : il parait que, si on se trouve dans la nécessité d’une coalition et que celle si s’avère un échec, Erdoğan pourrait remettre les couverts, et demander encore une fois des élections. Je ne comprends pas comment est fichu ce bazar.
C’est bien gentil mais, va-t-on nous demander de voter tous les trois mois, jusqu’à ce que Erdoğan obtienne ses saloperies de 400 chaises à l’Assemblée ?
Non mais !
Bonus sourire gratuit :
Refrains faisant allusion à la corruption et aux enregistrements téléphoniques entre le petit futé Bilal et son papa donnant des ordres.
Babacım saat kaç ? 17:25… : quelle heure il est, mon petit papa ? Il est 17h25.
Sıfırla ! : Met l’argent à zéro
Seni Başkan yaptırmayız : On te laissera pas devenir Président
Memleketi sattırmayız : On te laissera pas vendre le pays