dersim-carte-turquieLe 15 octo­bre, l’ar­mée turque a fer­mé la route de Der­sim et Pülümür et com­mencé une large opération.

Dans cette région peu­plée majori­taire­ment de kur­des de con­fes­sion alévite, l’armée a encore mon­tré sa force. Appuyées par des héli­cop­tères, les forces spé­ciales ont util­isé des explosifs pour détru­ire les cimetières de Doc­tor Baran et Besê.

Un “cemevi”  se trou­vait dans  la même enceinte que le cimetière. La bâtisse été égale­ment piégée à l’ex­plosif par l’ar­mée et totale­ment détruite.

Quelle haine peut ani­mer un Etat pour qu’il s’en prenne même aux morts ?
Ce n’est pas la pre­mière fois que les cimetières kur­des sont détru­its car “des ter­ror­istes de PKK y sont enterrés.”

Les osse­ments des vic­times du mas­sacre de Der­sim du 1938 enter­rés égale­ment dans ces cimetières n’ont donc pas échap­pé à leur part de violence.

En 1937, l’armée turque a entamé des opéra­tions dans cette région peu­plée de zaza et turk­mènes, qui est restée tra­di­tion­nelle­ment insoumise à toutes sortes de pou­voirs depuis tou­jours. Le chef de la résis­tance, Sey­it Rıza était arrêté et exé­cuté le 18 novem­bre 1937 à l’âge de 81 ans, mal­gré la loi qui inter­di­s­ait l’exécution des per­son­nes ayant un tel âge. Cette opéra­tion  Atatürk l’ap­pela « mis­sion de civil­i­sa­tion ». Elle a duré deux ans.

En 1972 l’E­tat-Major turc a pub­lié un doc­u­ment mil­i­taire qui affir­mait que Der­sim était sur­veil­lée par l’É­tat bien avant et que les opéra­tions étaient pré­parées à par­tir de 1925, l’an­née de la pre­mière révolte kurde en République de TurquieL’opéra­tion tourne au mas­sacre faisant : 13 806 vic­times (déclarées offi­cielle­ment en 2011) et bien plus selon d’autres sources. Des vil­lages sont brûlés et des mil­liers de per­son­nes sont déportées vers l’ouest de l’Ana­tolie.

Der­sim con­naît donc depuis longtemps, exils, dis­pari­tions, pris­es d’ otages de villes entières, tor­tures, l’in­ter­dic­tion de la langue, de la cul­ture et de la croy­ance. Et les “opéra­tions” sont une affaire de générations. 

Les habi­tants, descen­dants des vic­times de 1938, aujour­d’hui témoins de la destruc­tion de leurs cimetières, pro­fa­na­tion de leur His­toire, ont subi en bonus, les con­séquences des attaques.

Dans la région isolée par les routes blo­quées, où les explo­sions ont con­tin­ué plusieurs jours, sous la sur­veil­lance des avions en vol de recon­nais­sance, les pylônes étant endom­magés, l’électricité a été coupée. Par voie de  con­séquence, les pom­pes à eau qui four­nissent l’eau des vil­lages étaient égale­ment arrêtées.

Cette idéolo­gie là, de purifi­ca­tion eth­nique, fut celle d’un Milo­se­viç dans les années 1990, con­tre les musul­mans cette fois, en plein coeur du con­ti­nent. Elle accom­pa­gne dans l’om­bre toutes les pos­tures nation­al­istes de tou­jours. On ne sait plus quels exem­ples don­ner, pour les Arméniens, le Rwanda…

Et elle s’est man­i­festée à nou­veau au grand jour,  il y a moins d’une semaine, au même moment où l’Eu­rope, en la per­son­ne d’An­gela Merkel, venait affirmer un sou­tien et une “ligne d’en­tente”, con­fort­able­ment assise dans le Palais d’Er­do­gan. Et pour faire bonne mesure, elle promet­tait un coup de pouce sur les “négo­ci­a­tions européennes”, avec en main un pos­si­ble chèque de 3 mil­liards qu’elle venait de piquer aux Grecs.

Tu vas pas acheter des bombes avec, hein promis ? Mon erdo…”


Pour les tur­coph­o­nes : voici les liens vers le doc­u­men­taire de Çayan Demirel (2006) sur le Mas­sacre de Dersim.
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