Cha­cun ici a aus­si engrangé un imag­i­naire col­lec­tif à pro­pos de la Turquie, à par­tir du cinéma.

Mid­night Express, (1970) bien sûr, et son gros flic vio­lent qui crève l’écran, et Yıl­maz Güney avec Yol (1982) et ses images glacées, ont influ­encé pro­fondé­ment une généra­tion, la mienne, et ne par­le plus à celles d’aujourd’hui.

Et pour­tant ce minu­it là, dans le siè­cle de la Turquie, a longtemps don­né à voir l’im­age d’un état polici­er sans droits, d’une Turquie plongée dans le noir d’une dic­tature, plutôt que les facéties joyeuses des chats errants stan­bu­liotes. C’é­tait c’est vrai une péri­ode noire où extrême droite et extrême gauche s’af­fron­tèrent. Lais­sant des mil­liers de morts, ce con­flit débouche sur un coup d’État en 1980 qui met fin au chaos latent. Et pour­tant ce n’est pas cette sit­u­a­tion dont par­le le film de Alan Park­er directe­ment, même dans sa vio­lence. Et ce film collera à l’im­age de la Turquie jusqu’à ce que le fes­ti­val de Cannes décerne la palme d’or à Yol.

Arrêté dans les années 1970, Yıl­maz Güney a écrit le scé­nario de Yol en prison et a dirigé le tour­nage en cor­re­spon­dant avec son assis­tant Şerif Gören à qui il don­nait des indi­ca­tions depuis sa déten­tion. Les rush­es du film ont ensuite man­qué d’être détru­its par le régime au pou­voir. Yıl­maz Güney s’est évadé, est par­venu à gag­n­er la France où son film l’a rejoint clan­des­tine­ment et où il en a achevé le mon­tage. Le film est demeuré inter­dit en Turquie pen­dant près de 15 ans.

Cette fois, c’est la décou­verte de la réal­ité des pris­ons poli­tiques, d’une Turquie sous dom­i­na­tion mil­i­taire, qui pour­tant se “mod­ernise” et s’ur­banise davan­tage, en con­traste avec l’âpreté de la vie des vil­lages, le choc cul­turel, les rap­ports hommes/femmes et les tra­di­tions prég­nantes. Le car­ac­tère poli­tique du film, cette année là, rési­da plus dans la volon­té sous un gou­verne­ment dit de “gauche social­iste”, de récom­penser un réal­isa­teur “engagé”. Pour­tant les “poin­tures” ne man­quaient pas en com­péti­tion cette année là. Revoir ce film aujour­d’hui n’a rien d’une plongée dans le passé, mais au con­traire per­met d’en appréci­er le con­texte politique.

Pour d’autres généra­tions, le ciné­ma turc, et donc l’im­age de la Turquie, dans sa dimen­sion intérieure comme dans celle de son immi­gra­tion, s’ap­pré­cie avec Fatih Akın et Head On, Cross­ing the bridge ou Soul Kitchen. (c’est moi qui choisit !). Mais là encore, la Turquie, ça n’est pas sim­ple. Enfant des villes, le cinéaste les filme comme des mangeuses d’hommes et de femmes qu’elles sont devenues.

Mais mon pro­pos n’est pas d’établir une fil­mo­gra­phie du ciné­ma turc. J’en serai bien inca­pable en peu de temps, et la richesse de ce ciné­ma est telle, y com­pris dans une péri­ode de ciné­ma très pop­u­laire qu’on ne peut revoir ici que dans des rétro­spec­tives de fes­ti­vals, qu’il me faudrait plus d’une page.

Il y a sur le net, la pos­si­bil­ité de trou­ver de nom­breux films en ver­sion inté­grale et orig­i­nale, mais vous n’en aurez guère avec sous titrage français mal­heureuse­ment. Et regarder un film dou­blé, je ne pense pas que ce soit votre verre de thé.

Mais plus sérieuse­ment, et parce que j’ai par­lé de Yıl­maz Güney, je ne résiste pas à l’en­vie de vous pro­pos­er une analyse de la sit­u­a­tion poli­tique qu’il don­nait en réponse à une inter­view à l’époque.

C’é­tait bien avant la chute d’un cer­tain mur, et dans une péri­ode de ten­sions inter­na­tionales très bi polaire encore. Et pour­tant, si ce n’é­tait le noir et blanc, et la “qual­ité” tourné au camescope sur la télé, on croirait presque qu’il par­le d’aujourd’hui.

Prêtez atten­tion à la façon dont lui,  pose déjà la ques­tion de la paix, et de la “sor­tie”, en terme de lutte des class­es. Ses paroles n’ont pas pris de rides et pour­raient tou­jours par­ler aux jeunes généra­tions. Et si “l’e­sprit” des années 80 le fai­sait raison­ner en ter­mes de “par­ti”, nous pou­vons penser aujour­d’hui qu’il le ferait en terme de “mou­ve­ment populaire”.

Quelque part, son rêve d’u­nité des forces peut se réalis­er, pour peu que les par­tis démoc­ra­tiques d’op­po­si­tion ne cèdent pas à la ten­ta­tion de la sim­ple par­tic­i­pa­tion au  pou­voir, même comme opposants, mais ren­for­cent la lutte pour un autre monde pos­si­ble, con­tre, pour faire court, ce néo libéral­isme déguisé sous le voile des big­ots, en voie de dérive mil­i­taro fas­cisante, si per­son­ne n’y met un terme.

Main­tenant, plus rien ne vous empêche, si vous habitez en région parisi­enne d’aller pass­er un moment dans une salle obscure, pour le “fes­ti­val du ciné­ma kurde” 2015.


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Daniel Fleury
REDACTION | Auteur
Let­tres mod­ernes à l’Université de Tours. Gros mots poli­tiques… Coups d’oeil politiques…